J’ai plusieurs fois confessé mon amour inconditionnel pour la musique des Slits. Me procurer la version française de l’autobiographie de Viv Albertine fut un moment aussi fort que lorsque j’ai enfin mis la main sur Cut, le premier LP des Slits. La grosse différence, c’est que j’ai mis deux jours à dévorer le livre de Viv, alors que j’ai passé des années avant de comprendre ce Cut des Slits.
Initialement, Viv ne voulait pas écrire ce livre, trop long, trop fastidieux, trop pénible de se replonger dans ses souvenirs. Puis, finalement, l’idée de s’y mettre s’est imposée, notamment parce qu’elle était trop fauchée pour faire appel à quelqu’un d’autre. Enfin, le titre, presque trouvé par sa mère, par le reproche tellement familier « Les fringues, la musique et les mecs, y’a que ça qui t’intéresse dans la vie !! ». Enfin, toujours dans l’introduction, Viv donne les références des pages qui parleront expressément des 3 sujets sus-nommés ci dessus et qui seront compilés en postface .. et où l’on apprend que Viv est donc sortie avec 3 des 4 Clash … Pauvre Topper !!
Le livre est une compilation subjective et non exhaustive de la vie de Viv, l’une en face A, qui commence peu ou prou avec l’arrivée des rêgles et qui se fini par le split des Slits. L’autre en face B, raconte l’après Slits quand il faut rentrer dans le rang, trouver un boulot, un mari, faire des enfants et surtout gérer les emmerdements de la vie. Car Viv a eu son lot de crasses et c’est finalement ce qui rend le livre si précieux car on peut être un jour dans la lumière, puis le lendemain dans les ténèbres, ce qui importe au bout du compte, c’est la manière dont on tient la barre de la barque de sa vie.
La plume de Viv Albertine, heureusement ne ressemble pas à celle d’un professionnel de l’écriture, mais est néanmoins fluide, légère et souvent drôle surtout durant les années Slits. Dans cette première partie, je découvre qu’elle tombe comme moi dans la musique en entendant pour la première fois le « Can’t Buy Me Love » des Beatles. En 1974 elle rencontre Mick Jones au Hammersmith College, la fameuse école d’art. Il est un flash de couleur abordant des foulards de mousseline, porte des chaussures à talons et a la plus longue et plus fine paire de jambe qu’elle n’ait jamais vu. Mick passe son temps pendu au téléphone à essayer de monter un groupe. Ils ont les mêmes gouts, traînent tout le temps ensemble et il devient son 1er grand amour. En 75, elle voit pour la première fois les Sex Pistols en concert. Elle sait instantanément qu’elle est has-been et veut en faire partie. Mick de son coté a réussi à monter ce qui deviendra The Clash, avec Paul Simonon, Keith Levene et Joe Strummer. Keith est le rival de Mick, et c’est celui qui va apprendre à Viv à jouer de la guitare. Keith joue de la guitare de façon non conventionnelle, mais s’il se fait virer rapidement des Clash, il aura une grande influence sur la musique des Slits.
La vie file alors à toute allure, Viv cotoie souvent les Pistols. On apprend entre autre que Sid Vicious pissait au lit et que Johnny Rotten sentait la vieille pisse pas fraiche. En 77, elle assiste au premier concert de Johnny Thunders et des Heartbreakers au Roxy. Johnny flash sur Viv, mais l’héroine fera qu’ils passeront une nuit chaste. Puis Viv rencontre Paloma et Ari Up, une gamine de 14 ans qui vient de monter son groupe. Les briques qui vont former les Slits s’assemblent. L’apprentissage des instruments et de la musique va être fastidieux, mais elles sont prises sous les ailes des Clash. Chez les Slits, c’est Viv qui gère le groupe. Il n’y a pas vraiment de manager. Il faut dire qu’il ne faut pas trop compter sur la délurée Ari, en pleine crise d’adolescence pour amener de l’ordre et de la discipline. Bref, les filles vont creuser leur chemin fait de punk-rock destructuré et de concerts intenses. Pendant que leurs contemporains signent et enregistrent des disques, les Slits trop ingérables font peur aux labels potentiels. Finalement, elles signent chez Island Record et enregistrent le classique Cut en 1979 où elle apparaissent en amazones dénudées sur la pochette. Pour cette raison, le disque sera injustement boudé par les médias et ne connaitra pas le succès auquel il aurait eu droit.
Après la sortie de Cut qui mêlait adroitement les anciennes chansons punk au reggae et au dub, les Slits vont ajouter à leur répertoire le Jazz, le funk et le Hip-hop qu’elles ramènent de leur première tournée aux US. L’aboutissement sera l’enregistrement de leur 2ème album, chez CBS, The Return Of The Giant Slits. Si l’album est un poil moins homogène que Cut, c’est surtout qu’il est enregistré en un nombre incalculable de sessions et chaque chanson est produite par une personne différente. Néanmoins, l’album est encore une vraie avancée pour les Slits et peu de groupes de 76/77 peuvent revendiquer une évolution si rapide.
Mais le groupe est au bout du rouleau. Les divergences musicales commencent à se faire sentir et Viv n’en peut plus de maintenir debout tout ce petit monde. Finalement Ari annonce qu’elle est enceinte. C’est la fin du groupe, et la fin de la face A.
Je serai plus succint sur la face B afin de ne pas tout dévoiler au futur lecteur. Il y sera question de carrière, de mariage, de maladies, d’enfant, d’amour et de musique, enfin de tout ce avec quoi on doit composer pour avancer dans vie et qui rend Viv si vivante et proche de nous.
La lecture de ce « De fringues, de musique et de mecs » est vraiment rafraîchissante car si loin de ces livres faits par les historiens du rock. L’aspect subjectif apporte finalement le supplément d’âme qui tiendra le lecteur en haleine jusqu’aux dernières lignes du livre.