La période des festivals des Trans musicales et des Bars en Trans, c’est un peu comme Noël ou le Nouvel an. Mais en mieux : on connaît déjà le cadeau et on est sûrs du résultat, pas de déception à la clef. Alors on a choisi notre deuxième cadeau, les yeux ébahis. Ce vendredi soir, c’est le bar L’Artiste assoiffé où on a voulu aller. Un changement de programme a dû se faire à la dernière minute. Un quart d’heure après l’ouverture des portes du bar, la jauge a été dépassée. Plus personne ne devait rentrer, en théorie. Alors, on s’est rabattus sur le Dejazey.
La raison est simple, on avait entendus la chanson phare d’Av, Venus Bar qu’on avait bien aimé. Alors on s’est dits « pourquoi pas ? » Et les trouvailles furent bonnes : Av, chanteur-compositeur de chansons françaises aux mélodies sombres et Singtank, groupe français de pop anglaise nous ont agréablement surpris. C’est comme lorsque l’on découvre un cadeau au pied du sapin qui n’était pas sur la liste, cela vous fait encore plus plaisir. Résumé de la soirée de ce vendredi soir.
Il est un peu plus de 20 heures quand on se décide à braver la Rue de la soif, connue par tout bon festivalier qui se respecte. Il y a du monde à l’extérieur, comme à l’intérieur. Arrivés devant le bar l’Artiste assoiffé, le bénévole à l’entrée prévient : « Il n’y a plus de places, on a dépassé la jauge. » A la billetterie, ils n’ont rien voulu savoir. On a donc dû se décider rapidement pour aller dans un bar assez proche de la place Sainte Anne et dont les concerts commencent à peu près aux mêmes horaires que Tiny Feet. Pas d’OK Bonnie, ni de Tiny Feet et Robi pour ce soir. Direction le Dejazey donc, rue de Saint-Malo qui faisait office de Rue de la soif il y a une quinzaine d’années. « Cela fait du bien de remettre les pieds rue de Saint-Malo », a confié Bruno Vanthournout, l’un des programmateurs du festival, dans une interview accordée à Alter1fo le mois dernier.
Av sur la voie de Lescop
L’ambiance est joyeuse : les bars et les restaurants sont ouverts, la foule est dehors. Au Dejazey, c’est plus calme car le début des festivités commence à 21 heures. Le bar remporte un bon point, la scène a l’avantage d’être au fond avec un recul suffisant pour voir les musiciens. Avec un petit quart d’heure de retard, Av arrive accompagné de la bassiste Eugénie Goloschapov, du guitariste Vincent Béchet et de Nick d’Arcy au synthétiseur. Ce soir, le thème de la soirée sera rouge et noir.
Sexualité, sang, amour déchu, les paroles abordent tout cela à la fois. Rien de bien nouveau si on ne se cantonne qu’à ça. Alain Bashung et Ian Curtis, chanteur du groupe Joy Division, l’ont fait auparavant. Et ce sont, justement, ces deux paroliers défunts qui ont nettement influencé Av. Cela se sent au niveau de la gestuelle, au niveau du timbre de voix. Même physiquement, Adrien Viot alias Av ressemble à Ian Curtis. Cheveux noir corbeau, visage rond, regard perdu dans le vague, c’en est troublant. De même pour sa façon saccadée de bouger et de tenir le micro maladroitement. Plus contemporain, la comparaison peut être faite avec le chanteur français Lescop. Le hasard fait bien les choses car sur les morceaux d’Av enregistrés en studio, ce n’est autre que le bassiste de Lescop qui joue. Une de ses chansons qu’Av a joué pendant le concert Autostrada, est même co-écrite avec le chanteur-compositeur.
« C’est la deuxième fois de ma carrière que j’ai un rappel. »
Un melting-pot d’influences connues pour avoir nourri le mouvement cold wave, Av ne serait donc qu’un concentré lyophilisé de tout cela ? Non, pas du tout. Le chanteur-compositeur a décidé de traiter des sujets bruts de manière brute, avec sa voix rauque où parfois ne sort qu’un soufflement. Les musiciens de leur côté ont une belle énergie sur scène. La pédale de distorsion est de sortie : le rock est de retour. La communication dans la formation fait plaisir à voir, quelques sourires échangés, quelques regards et cela repart de plus belle. Seul Adrien semble un peu ailleurs, regard timide, peu braqué sur le public qui, lui, ne cesse de le fixer. Malgré tout, il s’avance quelques fois, décroche son micro et danse.
« Je ne vous déprime pas trop ? », plaisante-t-il. Pour ma part, non c’est bon. L’énergie est positive. L’avant-dernière chanson jouée est Venus Bar, seule chanson disponible sur la Toile et attendue par le public. Une personne dans la foule a même adressé aux musiciens, « Venus Bar ! Venus Bar ! » avant que le morceau ne commence. Une demi-heure s’est écoulé et la fin se profile déjà. Mais le public Rennais en a décidé autrement. La foule demande une autre chanson. Adrien Viot, touché, s’exclame : « C’est la deuxième fois dans ma carrière que j’ai un rappel, merci beaucoup Rennes ! ». Ultime chanson et le jeune homme part dans la foule. Les guitaristes et le claviste continuent, sourire aux lèvres. Le concert a été apprécié même si un peu trop court. Av et ses musiciens sont contents, ils ont eu un rappel. Ses proches qui l’avait déjà vu auparavant, l’ont félicité pour la professionnalisation de son show. Les autres qui ne le connaissaient pas ont été emballés. Les retours sont tous positifs et nous aussi, on a aimé. A quand l’Ep sur internet ?
Groupe français au look anglais
« On a les coulisses en direct », souffle quelqu’un derrière à son amie. La batterie, les branchements du synthétiseur, etc. se font devant les Rennais pour le changement de groupe. Maintenant place à Singtank. Lors de l’installation du matériel, les novices auraient pu croire que ce quatuor était anglais. Le chanteur-guitariste Alex de La Baume est habillé d’une veste marron et d’une chemise rose pale. Les chevelures ébouriffées des musiciens font penser au style négligé et excentrique des anglais. Joséphine de La Baume, la sœur d’Alex et chanteuse-claviste, entre en scène et en met plein la vue. Cheveux blond vénitien, veste blanche et noire, t-shirt vert et collants à motif à fleurs, elle ne passe pas inaperçue. Étonnamment dans mon esprit, le parallèle entre le duo des Kills et les de La Baume se fait.
En fait, non, Singtank est bien un groupe français, originaire de Paris, bien que Joséphine ait vécu à Londres pendant quelques temps. Le quatuor a sorti leur premier album In Wonder, en mai dernier produit par le britannique Nellee Hooper, qui a collaboré avec Björk, Garbage et Massive Attack pour ne citer qu’eux. D’où, au final, leur côté british. Dans une interview pour I Live U, Alex définit cet album comme un album « au beau sens de la pop, un album au carrefour de toutes les influences ». Hip-hop, rock et pop, les chansons de Singtank mélangent à la fois ballades et chansons joyeuses. Même si comme le rappelle Alex, les paroles ne le sont pas forcément.
Energiques et entraînants, les Singtank ont conquis Rennes
Le concert commence par Blue, chanson douce et mélodieuse. On n’entend pas beaucoup la voix de Joséphine de La Baume, le son est peut-être un peu trop fort au niveau de la batterie. La grosse caisse tremble déjà. Dès la deuxième chanson Superstar, le public bouge. Autant que la chanteuse avec sa chevelure dorée. Clairement, Joséphine anime le spectacle ce soir. Elle encourage le public avec des « Allez Rennes ! » pour danser, lève les bras et marche en rythme : « On bouge pour se réchauffer, il fait froid dehors ».
L’album In Wonder est cohérent et s’enchaîne bien. Leur univers onirique transporte et les chansons plus calmes arrivent à être revisitées pour la scène, plus rythmées. Lors d‘I don’t wanna die, Joséphine s’emporte de gaieté : elle tape avec les baguettes sur un tambour de la batterie. A la fin de la chanson, elle manque de blesser le bassiste. Elle se retourne et rigole gênée : « J’ai failli crever l’oeil de notre bassiste ! ». Puis s’ensuit une nouvelle chanson, jouée pour la troisième fois sur scène qui n’est pas sur le disque. « Pardonnez-nous les fausses notes », s’excuse d’avance Alex. Et des coquilles, il y en aura quelques unes de faites. Alex et Joséphine se regardent et rigolent car ils ont oublié les paroles. Dommage car cela ne se serait pas remarqué s’ils ne l’avaient pas dit auparavant. Mais ce n’est pas grave, cela n’a pas gêné le déroulement du concert.
Comme d’habitude, chaque groupe conserve sa meilleure chanson pour la fin du spectacle, pour créer l’apothéose. « Notre prochaine chanson s’appelle The Party, il faut tout donner Rennes ! » Dès que les premières notes de synthé retentissent, Joséphine et Alex tapent dans leurs mains et bougent. La jeune femme aux cheveux blonds saute et hurle : « Vous êtes géniaux ! ». Tout le Dejazey applaudit, leur bonne humeur a porté ses fruits. On est conquis.