Depuis janvier, la compagnie de théâtre à l’envers est en résidence à la salle Guy Ropartz, dans le quartier Maurepas de Rennes. Après Réseau Lilas et Lumière d’Août, elle va devoir comme eux, créer du lien avec et entre les habitants à l’aide d’ateliers, spectacles et performances.
A l’occasion de Mythos, la troupe a adapté ses « rendez-vous sous la couette » en invitant un artiste de la programmation. Ce jeudi, c’est François Lavallée, un conteur québécois, qui a rejoint sur scène Julie Seiller et Benoît Gasnier, deux membres de la compagnie, pour faire vivre aux spectateurs une expérience singulière.
Les rendez-vous sous la couette sont des performances artistiques peu communes puisque rien que le nom attise la curiosité. Les Rennais se sont jetés dessus : tout a été très rapidement complet, du mercredi au samedi. Le principe ? Assister à un spectacle dans un lit sur la scène de la salle Guy Ropartz.
Le calme avant la tempête
Pour faciliter l’organisation, les spectateurs rentrent par groupe de six dans la salle obscure. Dès l’entrée dans la pièce, on trouve Benoît Gasnier, metteur en scène, assis, qui feuillette un livre et ne nous jette presque aucun regard. De la musique tourne sur un tourne-disque. Au départ mal à l’aise, on se regarde toutes -il n’y avait que des filles dans notre groupe-, interloquées : que faut-il faire ? Le dramaturge ne s’exprime que par gestes, sourires et soupirs entendus. A nous de choisir une des six cartes qu’il a disposé sur un petit bureau. Elles ont toutes trois signes différents : cela attribue en fait notre boîte de chaussures et notre lit, dans lequel on sera douillettement installé-es. Plus de peur que de mal !
Julie Seiller, chanteuse, habillée d’une robe blanche, nous emmène une à une vers notre couchette, sans un bruit. Le public déjà présent est confortablement installé. Avant de commencer leur spectacle, les artistes attendent que les trente lits soient occupés. Pendant cette attente, un thé nous est servi et des bruits de vent, de pas sur des cailloux sont diffusés pour nous plonger dans un demi-sommeil.
S’amuser avec les sens : vue, ouïe et toucher
Les rendez-vous sous la couette jouent avec les sens pour désorienter le public, impuissant puisque allongé. La performance commence : Gasnier s’assied au pied d’un lit et ouvre un livre. Il parle à voix basse. Julie, pendant ce temps, chante et danse. Les tourbillons de sa robe font penser à un fantôme. Ce vacillement entre rêve et réalité est voulu par la compagnie et trouble l’attention du spectateur. Les deux personnes chuchotent à l’oreille : « Pssst… Tu dors ? » et s’éclipsent dans le noir.
Un silence s’installe et l’invité mystère de ce second RDV sous la couette, François Lavallée, arrive. Personne ne peut le deviner dans la pénombre, seul son accent québécois est perceptible. C’est lui qui raconte des histoires, qu’il répète plusieurs fois de façon plus ou moins forte. Il parle d’une sombre affaire d’adultère et de règlements de compte entre les deux rivaux. Ce n’est pas forcément audible tout le temps mais au final, cela importe peu. L’ambiance créée par les mots compte plus car la performance se base sur les sensations du spectateur. Lavallée hausse la voix et tourne entre les lits. En peu de temps, l’ambiance enjouée et enfantine du début à la Hansel et Gretel ou Le petit chaperon rouge, prend désormais les airs menaçants de Barbe Bleue.
Une multitude d’émotions en peu de temps
Pendant une heure, ce Rendez-vous sous la couette a été une virée dans un monde où la découverte et l’incongru, le rêve et la réalité, se côtoient et interrogent : qu’est-ce qui est vrai ? Qu’est-ce qui ne l’est pas ? Un peu à la façon de Lewis Carroll dans Alice au pays des merveilles et De l’autre côté du miroir. Des bruits d’orage et des gouttes d’eau réveillent les personnes endormies. Il est déjà l’heure de se rechausser et de revenir dans le monde réel. Performance artistique (d)étonnante qui crée des sensations très diverses : entre la joie, l’insouciance, l’angoisse et la peur. Un voyage des cinq sens vers ses propres émotions, à la découverte de ses propres démons. Sur la trentaine de personnes, chacun a ressenti quelque chose de différent, indescriptible mais tout le monde a le même mot de fin : c’est étonnant mais cela en vaut la peine.
Retrouvez tous nos articles sur le festival dans le Dossier Mythos 2013