Toujours nouveau, c’est un mantra auquel l’équipe des Rencontres Trans Musicales tient ferme. On fête la 46ème édition du festival rennais et comme chaque année, on découvre une multitude d’artistes et de projets particulièrement singuliers au cœur de la programmation. On retrouve une affiche une nouvelle fois marquée par l’inébranlable volonté de brouiller toujours les frontières (voire de les annihiler complètement), qu’elles soient musicales, géographiques, culturelles,… afin de permettre réellement les rencontres, ainsi que le nom du festival l’a toujours revendiqué.
Le Parc Expo tout chamboulé
La première soirée des Trans Musicales 2024 a débuté dans un Parc Expo méconnaissable, transformé pour l’occasion. Dès l’arrivée, impossible de ne pas remarquer l’absence du hall 9 et de ses emblématiques gradins, fermés pour rénovation. À la place, une réorganisation complète des espaces a été imaginée, changeant les repères des habitué.es.
Les discussions allaient bon train parmi les festivalier.ères, et les avis étaient partagés : certain.es déploraient une circulation parfois compliquée, notamment ce fameux passage entre les halls 8 et 5, devenu un véritable goulot d’étranglement à certains moments. Pour notre part, on a trouvé cette nouvelle disposition plutôt réussie. Les espaces étaient mieux définis, plus clairs, et il était enfin plus facile de s’y retrouver.
Autre belle surprise : la décoration. Cela faisait un moment que les Trans n’avaient pas autant misé sur l’habillage des lieux. Les halls de restauration étaient charmants, et la Green Room, avec sa scène à 180 degrés dans une ambiance club façon Boiler Room, était absolument splendide.
Avec cette première impression en tête, il est temps de plonger dans le cœur de cette soirée : les concerts.
Travo – Hall 4
On commence cette rétrospective avec Travo, un groupe de rock portugais qui a parfaitement répondu à nos attentes. Leur rock psychédélique est tout simplement planant, exécuté avec brio grâce à des riffs de guitare longs et envoûtants, et une voix spectrale qui se mêle à la perfection aux envolées mélodiques et aux saturations des guitares.
Certaines compositions étaient plus aériennes que d’autres, plongeant le public dans une transe dansante, ponctuée de pogos. Une excellente mise en jambes pour le reste de la soirée.
Il ne fait aucun doute que l’on entendra parler de ce groupe dans les futures sphères du rock psychédélique. Travo possède déjà la maturité d’un grand groupe du genre, et cela promet de belles choses pour l’avenir.
Loyiso Hoko – Hall 8
S’en suit Loyiso, un jeune rappeur originaire d’Afrique du Sud, produit par des Français. Une belle entrée en matière pour cette première soirée : son rap incisif repose sur des instrumentales tantôt trap, tantôt hip-hop, agrémentées de puissants breaks de batterie.
Sur scène, le dispositif est épuré : une batterie, des machines, et lui au micro. Malgré une salle encore clairsemée, jeudi oblige, le public présent semblait apprécier la performance. Le potentiel est là, indéniablement, mais Loyiso reste un peu jeune dans l’exercice. Il lui faudra encore du temps pour affiner son jeu scénique et gagner en maturité afin de livrer un show vraiment abouti.
Quoi qu’il en soit, c’est un artiste à suivre de près dans les années à venir.
Den Der Hale – Hall 4
Venus tout droit de la froideur suédoise, ce groupe de post-rock psychédélique nous a littéralement transportés. N’étant pas vraiment familier de ce genre musical, on a été surpris par leur capacité à happer et à immerger le public dans leur univers. Leur rock est sombre, intense et planant, presque messianique par moments.
C’est une musique lourde, empreinte de gravité, qui évoque l’aura sombre des groupes de black métal scandinaves, sans pour autant s’en approcher musicalement. Elle suscite ce même sentiment d’être au seuil de quelque chose d’insondable, comme si l’on se trouvait au pied de la porte des enfers, prêt à plonger dans les méandres de l’âme.
Le public, captivé, semblait en parfaite communion avec cette performance singulière. C’est un grand oui pour nous, même si le groupe pourrait peut-être briller encore davantage dans un cadre plus intimiste. L’Ubu, par exemple, serait l’endroit idéal pour vivre une expérience encore plus intense et personnelle avec leur musique.
The Zawose Queens – Hall 8
Une des plus belles découvertes de cette édition : The Zawose Queens. Ces deux artistes tanzaniennes, accompagnées par un groupe sur scène, ont littéralement conquis le public. Leur musique est presque indescriptible, tant leurs chants et leurs sonorités sont éloignés de nos contrées. C’est une musique spirituelle, rythmée, communicative et incroyablement dansante.
À certains moments, on ressent une dimension tribale, vers la transe, tandis qu’à d’autres, une sorte de folk lumineuse et joyeuse nous emporte. Les deux chanteuses, également danseuses et performeuses, nous ont plongé.es dans leur culture avec leur costume traditionnel hauts en couleurs et bardés de plumes. C’est sans hésitation un des plus beaux moment de communion et de bonheur que nous avons vécu sur cette soirée de concerts. Et c’est précisément cela que l’on vient chercher aux Trans Musicales : cette découverte brute et authentique, qui illustre parfaitement l’essence de l’événement.
On ne serait pas surpris de retrouver ce groupe sur d’autres scènes, comme aux Escales de Saint-Nazaire ou au Festival du Bout du Monde.
Poto Rico – Hall 8
Pour celles et ceux qui ne connaissent pas Poto Rico, il est surtout connu comme le sidekick excentrique de Lorenzo. Aujourd’hui, il prend son envol en solo, tout en conservant ce personnage loufoque découvert à travers plusieurs morceaux, interviews, et une semaine mémorable de Planète Rap dédiée à Lorenzo et lui sur Skyrock.
Son concert a reçu un accueil très enthousiaste de la part d’un public jeune, visiblement conquis par l’énergie et les idées déjantées de l’artiste. De notre côté, le ressenti est plus mitigé. La performance regorge d’idées intéressantes, avec des happenings parfois très drôles, comme le moment où il grimpe sur une planche de surf et invite le public à simuler une marée humaine, créant des vagues sur lesquelles il surfe.
Mais trop d’happenings tue le happening. On finit par perdre de vue l’essentiel : sa musique. Et pourtant, il y a beaucoup à dire sur celle-ci. Pris individuellement, chaque morceau est un véritable banger : bien produit, ultra rythmé, et taillé pour déclencher un headbang massif. Mais le problème, c’est l’excès de styles. À force de vouloir tout montrer, du gabber à la dubstep, en passant par la drum’n’bass, le breakbeat et autres déclinaisons électroniques, la performance devient décousue.
Poto Rico a indéniablement un talent de production remarquable, mais ce foisonnement finit par brouiller l’expérience globale. Ce sentiment de trop-plein fait presque oublier à quel point chaque morceau, pris à part, est redoutablement efficace.
Avec un peu plus de maturité artistique, on peut imaginer un show mieux structuré et encore plus percutant. En attendant, on vous invite à vous faire votre propre avis. Nous serions curieux d’avoir vos retours sur sa prestation.
Crystallmess – Hall 2 Green Room
Ce jeudi, la Française Crystallmess présentait son tout premier live en tant que rappeuse et chanteuse. Connaissant et appréciant ses DJ sets mêlant ambient et dembow, on attendait avec impatience de la découvrir dans ce nouvel exercice. Malheureusement, la prestation n’a pas réussi à nous convaincre.
Le son, tout d’abord, était catastrophique : très chaotique, à la limite de l’inaudible par moments. Était ce dû à la salle ou aux balances ? Difficile à dire. Le DJ, de son côté, était mal intégré au show : soit inaudible, soit intervenant hors tempo pendant les morceaux. Quant à Crystallmess, elle n’a pas toujours été dans la justesse vocale (peut-être que le son sur scène -s’il était aussi chaotique que dans la salle- l’empêchait de s’entendre et ne lui permettait pas d’être juste). Cela dit, il faut reconnaître son courage : elle a tout chanté en live, sans playback ni voix doublée, une démarche rare aujourd’hui.
Elle sait rapper, elle sait chanter, mais on sent que le stress ou la pression de l’enjeu ont pris le dessus. C’est d’autant plus regrettable qu’on perçoit son énorme potentiel. Malheureusement, le Club n’a pas été le cadre idéal pour mettre en valeur sa performance.
Ce fut une prestation en demi-teinte aux Trans Musicales, mais on espère sincèrement la revoir dans quelques temps, pour découvrir comment son set évoluera. L’artiste a clairement beaucoup à offrir, et il serait dommage de rester sur cette impression.
135 – Hall 8
Pour clôturer cette première soirée de concerts au parc expo nous sommes allés voir ce jeune groupe de rap parisien, 135, qui a marqué les esprits avec une prestation survitaminée, parfois chaotique, mais c’est justement ce qui fait le charme de ces collectifs géants. À l’image de groupes comme L’Entourage, Panama Bende ou Mafia K’1 Fry à l’époque, 135 se distingue par une production résolument club et électro. Des sons sont parfaits pour danser, se perdre dans la foule, ou même pour se défouler dans un appart bondé, rempli de jeunes avides de bordel.
L’énergie dégagée par le groupe est contagieuse et leurs morceaux résonnent comme de véritables hymnes. Cependant, le revers de la médaille avec ces collectifs immenses, c’est la différence de niveau entre les rappeurs sur scène. Certes, tous rappent bien, mais dans de tels collectifs, certains membres se détachent naturellement. Et ici, trois rappeurs ressortent clairement en termes de charisme et de technique.
C’est toujours difficile de trouver l’équilibre dans des groupes aussi vastes, et parfois, l’ensemble peut sembler un peu trop bordélique. Avec le temps, ce collectif se réduira probablement, ce qui ne serait pas un mal, car un show plus structuré et qualitatif pourrait faire du bien à l’ensemble. Par moments, cela ressemblait presque à un open mic, avec des membres qui se disputaient le micro dans une ambiance presque féroce, désireux de se faire entendre et de montrer toute l’étendue de leur art.
On retiendra de 135 qu’ils sont un excellent groupe de scène, avec une énergie folle et cet esprit de rébellion typique des jeunes groupes. C’est avec impatience que l’on attend de voir leur évolution, ainsi que les rappeurs qui, à l’avenir, pourraient se lancer en solo, forts de l’expérience acquise au fil des concerts.
Mention spéciale à leur DJ et producteur, véritable pilier du groupe, qui à lui seul représente 50 % de l’ADN de 135. Bref, un groupe à suivre de très près.
Nous pouvons dire que cette première soirée qualitative donne le ton pour la suite des évènements qui vont se dérouler tout le weekend au Parc Expo… Rendez-vous très vite pour la rétrospective du vendredi soir.
Retrouvez toutes nos photos et articles sur cette 46ème édition des Trans Musicales au Parc Expo ici
46ème Rencontres TransMusicales – Du 4 au 8 décembre 2024 à Rennes