Sur le généreux agenda concert de l’Antipode, LA date que nous avions entourée consciencieusement, c’était le samedi 4 novembre. Ce soir là, étaient en effet réunis un combo aussi redoutable qu’inespéré. S’enchainaient ainsi sur la grande scène le rock atmosphérique de Fishtalk, le post punk hypnotique des Facs et le rock à haute intensité des passionnants The Psychotic Monks. Cette bien volcanique soirée était en plus parfaitement ambiancée par les sélections tout en vinyles de DJ Cup of Tea. Retour sur ce qui restera comme un des moments les plus mémorables de l’année.
Quand on a découvert les somptueuses qualités sonores et visuelles de la grande salle du nouvel Antipode, on a instantanément commencé à dresser une très sélective liste des groupes qu’on rêve d’y voir jouer. The Psychotic Monks figurait bien haut sur cette liste. Ce fut enfin une réalité le samedi 4 novembre.
Mais avant cela, la soirée démarrait avec le quatuor Fishtalk. Avouons le, nous n’avions pas totalement été convaincus par Shutdown le premier EP de 2021 de ces lauréats du dispositif des iNOUïS en 2023. La version live va vite balayer nos petites réticences. Le quatuor composé de Mathilde Gresselin (Voix, claviers), Corentin Maretheu (Guitare), Ismaël Maretheu (Guitare) et Valentin Moncier (Batterie) nous offre un set aussi carré que puissant. En plus d’un son délicieusement abrasif et d’un sens remarquable de la mélodie dans le chaos, le quartet réussit à tirer le maximum d’une musique à l’épure élégante. Comme quoi, on n’a pas besoin d’en mettre des tonnes pour susciter l’émotion. On ressort ravi de cette très belle entame de soirée et nous allons maintenant guetter avec la plus grande attention les prochaines aventures scéniques de la bande ainsi que la sortie de leur nouvel EP attendu pour la fin d’année.
C’est ensuite au tour des très attendus FACS d’œuvrer sur scène. On retrouve bien les ex Disappears Brian Case au chant et à la guitare et Noah Leger derrière les futs, mais c’est désormais Jonathan Van Herik qui remplace Alianna Kalaba à la basse. Le groupe frappe fort et même très fort dès le départ. La basse titanesque s’abat sur l’Antipode tel un Godzilla à quatre cordes sur Tokyo et emporte tout y compris la voix et la guitare de Case. Heureusement, le son s’équilibre rapidement et on peut profiter pleinement du post punk abrasif, claustrophobique et redoutable du trio. Les titres, principalement ceux de leur très bon dernier disque Still Life In Decay (Trouble In Mind, 2023), s’enchainent avec une férocité méthodique. Pas d’emballement ni de vraie montée en puissance avec FACS mais le groupe abat sur le public une impressionnante chape de plomb sonique. La basse de Van Herik, même modérée, domine l’ensemble avec ces circonvolutions au groove insidieux. La batterie du très impressionnant Noah Leger mélange sauvagerie et finesse avec une classe folle. Enfin, la guitare en surtension et le chant rageur de Brian Case achèvent de nous offrir un concert vénéneux et fascinant, vécu en apnée totale, immergé dans un son aussi inquiétant que jouissif.
Quand c’est enfin le tour de The Psychotic Monks de monter sur scène, c’est peu dire que la salle est déjà survoltée. Les quatre parisiens nous avaient totalement mis dedans dehors avec Pink Colour Surgery, leur troisième album sorti en février 2023 chez les excellents Vicious Circle et Fat cat. Le disque produit et enregistré par l’irlandais Daniel Fox (Gilla Band) confirmaient toutes les qualités de leurs précédents opus tout en multipliant les possibles du groupe avec une rage exploratoire fascinante. Assurément déjà un des grands disque de 2023 pour nous. Ajoutez à ça un concert de feu à l’Ubu en mars dernier et c’est donc peu dire que nous mourions donc d’impatience de le voir dans cette très belle salle de l’Antipode.
Comme lors de leur concert précédent, le quatuor s’installe entre des bâches transparentes suspendues qui resserrent l’espace scénique. Martin, Paul, Artie et Clément forment ainsi un noyau compact et clairement soudé mais prêt à fissionner. Cet espace réduit les rapproche également d’un public visiblement prêt à participer à l’explosion. Il permet également de concrétiser un positionnement égalitaire entre les membres du groupe qui prendront par exemple en charge à tour de rôle le chant le plus en avant. Le set démarre par un redoutable enchainement La boucle de basse tellurique et l’implacable montée en puissance de Crash sont ainsi suivis d’une monstrueuse version du tout aussi redoutable Post-Post-. Cette entrée en matière survoltée, le groupe va finement le nuancer par la suite. Mêlant avec une grâce assez fascinante déchirante ballade toute en tension, festin cannibale sonique, riffs cyclonesques, bricolages bruitistes captivants, fureur abrasive et extase trompettesque, le groupe nous offre, encore une fois, une prestation dantesque d’une intensité et d’une richesse musicale aussi rare que précieuse. Le set se conclut en apothéose dantesque sur un stupéfiant moment de transe qui laisse tout le monde aussi abasourdi qu’extatique.
En une heure et demi d’un concert complétement dingue du début à la fin, The Psychotic Monks a de nouveau montré qu’il est une des plus belles aventures musicales actuelles. On salue bien bas ce groupe qui conjugue état de grâce au niveau des compositions et une générosité et une intensité folles sur scène tout en étant d’une salutaire modernité dans sa démarche.
On salue également les belles sélections sur vinyle de DJ Cup of Tea (alias Ludmilla de l’émission Take It or Leave It sur Canal B) qui ont ajouté une belle touche de pétillance et d’énergie à cette soirée de folie.