[Retour] Clavicule et The Psychotic Monks @ L’Ubu : Transes d’ici et de maintenant

LA date que les amoureuses et amoureux de musique de Rennes avaient entouré au feutre rouge dans leur agenda, c’était le samedi 11 mars 2023. Ce soir là, les Trans proposaient en effet à L’Ubu le retour de The Psychotic Monks combiné à la release party de Full OF Joy, second album des locaux de Clavicule. Retour sur une soirée qui a tenu, et même explosé, toutes ses folles promesses.

(C) Philippe Remond

Combiné la fête de sortie du second album d’un groupes chouchous des rennais et le retour d’une des formations les plus excitantes du moment (de la décennie ?), sur disque comme sur scène, et vous obtenez une date follement excitante et rapidement complète. C’est donc dans un Ubu affichant fièrement complet qu’avait lieu la chouette collision de Clavicule et The Psychotic Monks organisée samedi 11 mars 2023 par Les Trans.

[C] Élodie Le Gall

Nous commençons la soirée par commettre l’erreur classique de sous estimer le temps d’entrée d’un Ubu plein et fébrile. Nous n’entrons donc que pile poil pour les premières notes du set de Clavicule. Conséquence fatale, nous ne verrons donc pour cette première partie que très partiellement la scène mais, même derrière un bout de  poteau, l’énergie du groupe est palpable et communicative. Le quatuor vient défendre son second LP Full Of joy sorti la veille de la soirée sous forme d’un très beau vinyle chez A Tant Rêver Du Roi et Le Cèpe. Riffs garage punk, breaks taquins avec arpèges suivis de déflagrations soniques et rythmiques qui rentrent bien dans le lard, la formule n’est pas très originale mais elle est d’une redoutable efficacité. Le public est visiblement constitué d’une bonne dose de camarades de la bande et le cercle vertueux d’un groupe qui donne tout ce qu’il peut à une audience qui ne demande que ça et réagit au quart de tour, fonctionnent rapidement à plein. La température s’échauffe donc très vite pour un set bien échevelé et judicieusement ponctué de petites touches psychédéliques et orientalisantes comme les riffs irrésistibles de Wilted Flowers. Au final, même s’ils vont un peu souffrir de la comparaison avec l’énorme ouragan qui va nous tomber dessus en deuxième partie de soirée, les Clavicule auront offert une ouverture suffisamment puissante et généreuse pour nous mettre dans les meilleures conditions pour la suite.

(C) Philippe Remond

On savait déjà The Psychotic Monks bien ancré dans son époque notamment grâce au très clair appel à un espace safe et tolérant durant leur concert posté sur les réseaux juste avant leur tournée. Les parisiens prolongent cette démarche avec un petit prélude conté et chanté par la splendide Royale Velvet. La maîtresse de cérémonie tout de léopard vêtue, nous conte le pouvoir et les conséquences du port des talons aiguilles suivi d’un playback vivifiant du My Melancholy blues de Queen. Signe des temps qui fait du bien, les quelques relous qui pestent sont vite remis à leur place autant par la Madame Loyal que par le public. Placer son set sous les auspices du respect et de la liberté de vivre comme on l’entend, voilà une fort belle manière d’entrer en danse.

(C) Philippe Remond

Les quatre parisiens de The Psychotic Monks nous avaient totalement mis dedans dehors avec Pink Colour Surgery, leur troisième album sorti en février dernier chez les excellents Vicious Circle et Fat cat. Le disque produit et enregistré par l’irlandais Daniel Fox (Gilla Band) confirmaient toutes les qualités de leurs précédents opus tout en multipliant les possibles du groupe avec une rage exploratoire fascinante. Assurément déjà un des grands disque de 2023 pour nous et que nous mourions donc d’impatience de découvrir en version live. Nous n’allons pas être déçus.

Le quatuor s’installe entre des bâches de chantier transparentes suspendues qui resserrent l’espace scénique. Martin, Paul, Artie et Clément forment ainsi un noyau compact et clairement soudé mais prêt à fissionner. Cet espace réduit les rapproche également d’un public visiblement prêt à participer à l’explosion. Il permet également de concrétiser un positionnement égalitaire entre les membres du groupe qui prendront par exemple en charge à tour de rôle le chant le plus en avant. Le set démarre par un collage sonore bruitiste aussi fascinant qu’anxiogène suivi par la boucle de basse tellurique et l’implacable montée en puissance de Crash. Le quatuor enchaine sans nous laisser le temps de reprendre notre souffle avec une monstrueuse version du tout aussi redoutable Post-Post-. En seulement deux titres, l’affaire est entendue. L’Ubu est en feu et tête à l’envers. C’est ensuite l’agonie synthétique qui introduit Decors qui résonne dans la salle. Ce qui est sans doute le plus beau morceau  de  Pink Colour Surgery, s’avère encore plus envoutant en live. La déchirante ballade introductive, le moment de suspension de l’œil du cyclone central, délicat, mais pourtant tendu et abrasif, la triple montée chant/guitare/trompette vers le festin cannibale sonique final, tout se combine pour former un moment qui nous laisse extatique devant tant de beauté et de fureur. Nous n’en sommes pourtant à cet instant qu’à peine à la moitié du concert ! Le groupe revient alors sur son second disque Private Meaning First en  enquillant direct sur le riff explosif de A Coherent Appearance. Dès le premier roulement de batterie, la salle bondit de joie et nous reculons d’un bon mètre sous l’impact en gagnant une hauteur de marche au passage. Le  All That Fall entre fureur et presque silence qui suit ne calme pas vraiment les choses et le groupe fait un efficace petit rappel à la bienveillance dans la fosse. Un court morceau qu’on a pas réussi à reconnaitre et c’est déjà la dernière ligne droite. La soirée se conclut sur une version d’Imagerie d’une intensité rare entre bruitages rocailleux et montée vertigineuse vers la transe finale.

En une heure d’un concert complétement dingue du début à la fin, The Psychotic Monks a de nouveau montré qu’il est une des plus belles aventures musicales actuelles. Les fans de référence citeront sans doute l’abrasivité du  Sonic Youth des débuts, la radicalité et la puissance de feu scénique de  Swans (avec l’ego trip en moins) ou également le sens mélodique au cœur du chaos et la rage de Deity Guns. Pour notre part, on se contentera de saluer un groupe qui conjugue un état de grâce au niveau des compositions à une générosité et une intensité folles sur scène tout en étant d’une salutaire modernité dans sa démarche.

Les présent.e.s pourront revivre cette merveille grâce ) à la captation de la soirée en vidéo de Concerts Music Live. Les absent.e.s pourront se consoler un peu d’avoir rater ça mais on leur conseille surtout de guetter avec une attention toute particulière la prochaine venue dans le coin du groupe.

Merci à Élodie Le Gall et Philippe Remond pour les photos.

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