Le singulier festival de création contemporaine BONUS a de nouveau ambiancé les rues de Hédé-Bazouges pour six folles journées du 24 au 29 août. Dernier retour rapide en mots et en images sur nos deux ultimes journées de festival, le vendredi 27 et le dimanche 29 août 2021.
Les jours et les spectacles filent mais force est de constater que cette édition n°8 de Bonus se révèle tout aussi savoureuse que les précédentes. Garder autant de convivialité et d’émulation avec ce fichu pass sanitaire et les deux années bien plombantes qui l’ont précédée n’est pas un mince exploit. Défi pourtant relevé haut la main et, malgré des zones de circulation plus restrictives, c’est toujours autant un bonheur de vivre la belle dinguerie collective qui s’empare d’Hédé-Bazouge durant cet événement.
Nous démarrons notre vendredi avec le sobrement intitulé Un Spectacle de la compagnie L’unanime. L’entêtante ritournelle malicieusement méta-théatrale qui nous accueille : « Il/elle est entré.e dans la Salle. Quelle est ma place ? » annonce d’emblée la couleur : on va jouer avec les codes. Deux femmes et un homme tentent de nous offrir « un spectacle » où se mêlent danse, chant et théâtre. La communication difficile et l’accumulation de foirages et de catastrophes va rendre la chose délicieusement compliquée. Le trio nous venge savoureusement des douloureux souvenirs de certains spectacles de danse contemporaine qui à force d’épure et de théorisation perdait toute âme. Avec une très belle maitrise du rythme et une inventivité hilarante dans les plantages, nos trois zigues mènent leur barque branlante jusqu’à un final aussi drôle que décalé bien sûr.
Les coups de cœur, c’est encore plus fort quand on les a pas vus venir. Ce fut le cas pour Zoo de Jean Le Peltier de la compagnie Grand Lointain. Nous ne l’avions absolument pas repéré dans la riche programmation de l’édition et la claque n’en fut qu’encore plus délicieuse.
De nouveau, le spectacle démarre en explosant le quatrième mur. Dans son flamboyant ciré rouge, Jean Le Peltier s’adresse rapidement directement au public pour causer malicieusement astuce scénographique et gêne théâtrale. Un petit décalage tout en finesse qui apporte un petit pas de recul sur un spectacle qui ne va pas manquer de fous rires et d’émotions fortes. Le Peltier nous raconte la rencontre plutôt chaotique et maladroite de trois individus et d’un robot : Jean-jean organisateur d’évènements solidaires, Gioia une militaire italienne dyscalculique (incarnée par Marion Ménan), Grégoire un ingénieur dans une boîte de télécom qui va découvrir que la rigueur professionnelle n’a guère de valeur à l’ère de la disruption et donc Pedro, assistant personnel monté sur six pattes aussi scrutateur que sarcastique. Les fils des existences de notre quatuor vont savamment s’emmêler au fil d’un récit ponctué de digressions cosmiques qui nous remettent à notre toute petite place. Impressionnante de maitrise et d’évidence, la pièce mêle comique et tragique avec un sens de l’équilibre redoutable. Le texte comme les interprétations (y compris celle du robot) sont tout simplement ce que nous avons vu de plus captivant depuis un moment (et pourtant il y avait du lourd à Bonus cette année). Le spectacle fait vibrer toutes nos cordes (même les plus sensibles) avec une maestria et une finesse rare.
Un grand moment qui reste le point d’orgue de notre folle semaine de festival. On a maintenant un nouveau nom à suivre de très très près par le futur.
Pour clore cette journée, on retrouvait la compagnie L’unanime au pied des ruines avec un concert judicieusement intitulé Vacances. Un trio bigarré interprétait en effet tous synthés dehors de petites cartes postales pop narrant des épisodes plus ou moins glorieux d’amours de villégiatures. Rendez-vous raté, jet lag, Mexique en plastique, quiproquo douloureux… tout y passe avec malice, harmonies vocales formatées pour les radios locales et boucles synthétiques virevoltantes. Aussi fraiche et sympathique que soit la formule, on avoue avoir un peu de mal sur la longueur et nous abandonnons les peines de cœur touristiques pour garder des forces pour la dernière ligne droite.
Toutes nos photos du vendredi 27 août :
Pour notre dernière journée au festival Bonus, nous avons pris le temps de nous consacrer à la partie jeunesse de la programmation. Zouzous plus ou moins grands étaient donc au programme pour ce dimanche 29 août.
Nous démarrons avec les plus jeunes pour le feutré et délicat Cactus de Cécile Fraysse de la compagnie AMK. Plongés dans l’obscurité de la petite salle attenante au gymnase local, nous y découvrons l’histoire d’une petite louve née sans dent dans une fleur de cactus qui cherche à trouver sa place et son identité parmi les autres. Ce conte initiatique nous est narré de façon très sensoriel. Une musique délicate et entrainante est ponctuée de voix off enregistrées par des enfants. Une belle idée qui fonctionne parfaitement avec le public. Cécile Fraysse dresse délicatement des tableaux visuels avec des manipulations d’objets ou des peintures effectués en live sur les toiles transparentes d’une labyrinthique et foisonnante boîte à merveille. Très riche et parfaitement rythmé pour les plus jeunes spectateurs, Cactus est une vraie réussite qui ravit tout autant les grands enfants que nous restons.
On enchaine avec Ainsi passe le temps d’Alain Michard de la compagnie Louma. Là encore , on est dans la manipulation d’objets et dans une suite d’expériences théâtrales entre bricolage, musique et danse. On y parle d’art, du temps qui passe, du rapport entre l’observateur et l’observé. Malgré un texte asse réussi, nous restons un peu de marbre face à la répétitivité et à la prévisibilité du déroulement du spectacle. Le caractère absurde des saynètes est pourtant plutôt notre tasse de thé habituellement mais rien n’y fait et nous ne parvenons, hélas, pas à nous sentir impliqué. Rendez-vous raté donc.
Toutes nos photos du dimanche 29 août :
Nous concluons donc nos cinq journées de Bonus sur une petite déception mais cela ne vient absolument pas ternir un bilan global de nouveau absolument enchanté. Cette année encore, nous avons été totalement ravis par l’atmosphère ultra conviviale et la programmation foisonnante et bigarrée de l’événement. Au titre des regrets, nous avons manqué les ateliers, les installations et réussi à ne pas voir quelques spectacles. Nous sommes d’ailleurs preneurs de vos avis sur Cuir ou Palm Park Ruins, si vous avez eu la chance de les voir. Pour son huitième numéro, le festival osait la longueur et pour Merlin comme pour HoupHoupHoup… ce fut une franche réussite. Nous n’avons plus maintenant qu’à ronger notre frein en regardant passer les deux prochaines années et, pour trouver le temps un peu moins long, nous vous conseillons fortement de lorgner régulièrement du côté de la prochaine programmation du Théâtre de Poche.