Maintenant 2018 – Rendez-vous au Vieux St Étienne

Difficile de faire exister un site rassembleur des publics au cœur d’un festival quand sur 10 jours, l’événement investit plus de 20 lieux différents. Pour y parvenir, les organisateurs de Maintenant ont à nouveau choisi d’utiliser le Théâtre du Vieux St Etienne transformé pour l’occasion en quartier général ouvert à tous : des curieux qui veulent se renseigner sur les propositions du festival aux amateurs de warm-up électro léchés, des passionnés ou néophytes qui souhaitent assister à des performances, aux publics les plus divers qui viennent manipuler des installations interactives ou prendre un brunch. On souhaite à nouveau une belle réussite à cet épicentre dont le succès se renouvelle chaque année, confiants que nous sommes en la capacité de Maintenant à en faire un lieu chaleureux, ouvert à tous (à noter, c’est important, l’entrée est totalement gratuite). D’autant que l’équipe nous y promet également un espace détente et une petite restauration proposée sur place. Rendez-vous au cœur de Maintenant, Théâtre du Vieux St Étienne. Petit tour d’horizon de ce que vous pourrez y trouver.

Maintenant, c’est quoi ?

L’association Electroni[k] propose différentes manifestations à Rennes, notamment pendant le temps fort Cultures Electroni[k], renommé Maintenant depuis 2013 (à ce propos, lire ici) , autour des arts, de la musique et des technologies au travers de spectacles ou installations variés et souvent atypiques, mais toujours d’une réelle qualité artistique. Cette année Maintenant aura lieu du 5 au 14 octobre 2018.

Au fil des années, l’association Electroni[k] a ainsi complètement réussi à nous alpaguer avec ces propositions éclectiques, souvent décalées, à l’incongruité jouissive. A cause de cette bourricote d’équipe, on a dormi dans un dojo plein d’inconnus et écouté un concert en pyjama, on a entendu des légumes faire de la musique (mais on n’a pas mangé la soupe, faut pas exagérer!), on s’est caillé les miches dans la piscine St Georges pour une diffusion subaquatique qui nous a fait frissonner au sens propre et figuré, on a écouté un quatuor à vents en forme de cornes de brume. On a aussi regardé une tapisserie devenir vivante, fait des bulles en forme de montgolfières, et même allumé un nuage sur la place Hoche : bref, on a fait un paquet de trucs qu’on n’aurait jamais imaginé vivre.

En plus des offres plus classiques, Electroni[k] s’attache ainsi à constamment expérimenter de nouvelles formes d’accueil et d’interaction avec le public : des lieux apparemment incongrus (une piscine, un dojo, une maison de retraite…), des formats étonnants (des concerts sous l’eau, des installations qui s’écoutent sur des lits suspendus, des performances qui se découvrent au cœur de dispositifs sonores englobants ou de visuels hallucinants, des concerts au casque…). Et surtout, une volonté de s’adresser à tous les publics. Alors oui, chaque année, on attend octobre comme Noël avant l’heure, persuadés que l’équipe d’Electroni[k] aura caché mille surprises dans sa programmation.

 

C’est au Vieux St Étienne que débutera et s’achèvera cette nouvelle édition du festival. Dès le vendredi 5 octobre à 19h30, Maintenant vous invite en effet à son inauguration au théâtre du Vieux St Étienne dès 19h30.

Une inauguration en fanfare ?

En mélodicas, plutôt, puisque Maintenant ne fait décidément rien comme on l’attend. On s’explique.

Andreas Trobollowitsch et les instruments inattendus

On est d’abord très heureux de retrouver l’artiste autrichien Andreas Trobollowitsch qui nous avait scotché avec son orgue à ventilateurs l’an dernier (au Bon accueil et dans l’atelier mécanique de l’EESAB de Rennes) lors de la dernière édition du festival. Sa prestation avait le goût d’y revenir et quand on connaît la pléthore de projets du bonhomme (parfois gentiment siphonnés), on danse la bachata de plaisir de l’y retrouver cette année. Le doux bonhomme concentre principalement son travail sur des compositions conceptuelles, des installations sonores et la création d’instruments de musique artisanaux… et inattendus ! Le garçon peut ainsi aussi bien écrire une partition pour trois musiciens-bûcherons armés de haches de différentes tailles qui l’exécutent face à des bûches de diverses longueurs et duretés (Hecker – le résultat est bluffant), qu’une pièce pour plante verte tournant sur une platine vinyle entre deux haut-parleurs, le son de sa rotation (notamment lorsque les feuilles viennent buter sur le micro) étant capté et diffusé par les enceintes. Sans compter cet immense hangar dans lequel il a suspendu des guitares classiques se balançant dans les airs au gré des interactions avec les performeurs, qui les désaccordent, les frottent avec un archet, les frappent légèrement avec une baguette ou les relancent dans les airs (Flamenco).

S’il s’est d’abord défini comme un artiste sonore, Andreas Trobollowitsch a toujours intégré une dimension visuelle à ses performances, jusqu’à reconnaître désormais l’importance de cet aspect dans son travail. De la même manière qu’il a commencé à jouer de guitares arrangées, modifiant les instruments existants pour en faire de nouveaux objets sonores, il utilise les objets du quotidien et les détourne pour en faire des instruments de musique inattendus, mais aussi des instruments à pleinement regarder, tels ses ventilateurs dont les hélices sont remplacés par des crins d’archet (ce qu’on a pu voir l’an dernier avec Ventorgano). Si certaines de ces pièces fonctionnent seules, telle la chaise de Viravolta qui semble quasi poétiquement animée par cette visseuse retorse (une fin alternative existe : la chaise, vicieuse, finit par tomber), d’autres demandent la présence d’un performeur, d’un musicien qui agit également sur l’instrument au moment où on l’entend. Ce sera le cas pour Maintenant puisque ce ne sont pas moins de 20 performeurs qui se muniront d’immenses tubes creux reliés à des mélodicas et des ballons de baudruches pour exécuter l’aérienne et suspendue Santa Melodica Orchestra.

En jouant, chacun des musiciens fait ainsi balancer son instrument dans les airs à une vitesse donnée. Le son produit par les vingt mélodicas « arrangés » crée alors un drone éthéré, toujours mouvant, particulièrement prenant pour le spectateur, d’autant que le lent ballet des instruments et leurs musiciens possède un même pouvoir hypnotique, un peu comme si la troupe de performeurs et les instruments devenaient ensemble un être propre, unique, organique. La performance pourra être découverte dès l’inauguration au Vieux St Étienne mais également le lendemain à l’extérieur, au Marché des Lices, le samedi 6 octobre à midi, au milieu d’une foule de Rennais qu’on imagine stupéfaits. Vous comprendrez qu’on s’y précipite. En espérant également vous y retrouver.

m-O-m par Thomas Laigle : écouter la lumière

On est tout aussi émoustillé par m-O-m, le projet de Thomas Laigle qui se propose de nous faire écouter la lumière. Entouré d’ampoules suspendues (torsadées, à tungstène, halogènes, stroboscopes…), de néons assemblés selon les lois de la géométrie et de la linguistique (m, o et m stylisés se font autant signifiants que signifiés), aux commandes d’une tripotée de machines et de potards, Thomas Laigle amplifie les vibrations lumineuses produites par les ampoules de tous bords. Les sons ainsi captés, amplifiés, triturés deviennent matière à un live sonore particulièrement expressif, ce qui ne semble a priori pas évident lorsqu’on imagine écouter des ampoules.

Thomas Laigle – Crédits : Brian Ravaux

Car loin de se cantonner aux grésillements des filaments (et autres réactions entre électrons et vapeur de mercure) uniquement amplifiés, Thomas Laigle essaie d’enrichir, et les timbres produits (notamment en les faisant passer au travers de pédales analogiques qui augmentent la richesse spectrale sonore des ampoules) et les rythmiques proposées. Pour un résultat tout autant bruitiste que techno, aussi ambient qu’indus, mais avec toujours une chouette expressivité pour ce qu’on a pu en voir. Immersif, le live de Thomas Laigle se révèle également aussi visuel que sonore puisque l’éclairage crépitant des ampoules blanches et jaunes participe également pleinement de la performance. Ce n’est donc pas sans un poil d’exaltation qu’on attend le live du garçon.

Nkisi

Pour finir la soirée, en plus de la découverte des expositions et des installations, dont on vous parle plus bas, Melika Ngombe Kolongo aka Nkisi que l’on connaît comme fondatrice du collectif Non Worldwide, réunissant des artistes africains ou issus de la diaspora, proposera un set qu’on pressent particulièrement détonnant. Allergique au conformisme, la musicienne délivre en effet une hybridation aussi personnelle que passionnante, entre IDM, rythmiques hardcore qui envoient à toute berzingue, nappes ambient et chaos sonique techno, sans oublier des détours vers les clubs d’Afrique de l’Ouest.

Nkisi © Lebrun

Son dernier ep, le bien nommé The Dark Orchestra est à ce titre une éclatante réussite, tant la productrice parvient à une intensité folle, à une collision des genres à l’affolante cohérence. On est donc sacrément impatient de découvrir la performance de la musicienne qu’on pressent de haute volée.

Plus d’1fos sur l’Inauguration de Maintenant 2018.

Des installations immersives et/ou participatives

Autre bonne idée pour rassembler les publics, des [k]ids aux têtes chenues en passant par les imprévisibles ados et leurs parents, des curieux aux passionnés : proposer des installations, des performances, avec lesquelles on peut souvent interagir. A découvrir dès l’inauguration, donc, mais également toute la durée du festival.

Plasticbionic

Le 23 mai dernier la facétieuse équipe d’Electroni[k] a dévoilé l’identité visuelle de la nouvelle édition du festival Maintenant, réalisée par le studio graphique nantais composé des directeurs artistiques, illustrateurs et designers graphiques Julien Brisson et Blow by blow, Plasticbionic. Quand on y a découvert les rondes créatures aux visages aussi paisibles qu’intrigants et l’univers doux rêveur que la petite troupe dessinait en mines réjouies rehaussées d’ombres subtiles, on a de nouveau senti nos échines frissonner d’impatience. Autant dire qu’on a un vrai coup de cœur pour les doux bonshommes de Plasticbionic et celui qu’on croise le matin en allant à l’école depuis quelques jours déclenche immédiatement un immense sourire sur nos têtes endormies. Un bonheur, donc de retrouver l’univers des Plasticbionic pour une expo peuplée de ces personnages poétiques et singuliers.

Polygon, la sculpture animée dans les airs de Lawrence Malstaf

Cœur de festival cette année encore, le Théâtre du Vieux St Étienne accueille ainsi l’une des œuvres de l’artiste belge Lawrence Malstaf. Prix Ars Electronica 2009, le garçon, également scénographe de théâtre et de danse, aime à créer des œuvres immersives qui intègrent les spectateurs au cœur de leurs dispositifs : que vous vous retrouviez coincé dans un tube de plexiglas en pleine tempête de polystyrène (Nemo) ou allongé sur un convoyeur sous un miroir (Transporter), ou même que vous vous perdiez dans un labyrinthe de murs mouvants à la configuration toujours changeante (Nevel), Lawrence Malstaf aime jouer avec vos sens et vos perceptions, en vous plaçant au centre de l’œuvre et en vous faisant vivre une expérience à la fois physique et sensorielle.

Pour Maintenant, c’est dans le magnifique écrin du Vieux St Étienne que l’on pourra découvrir sa sculpture/structure mouvante monumentale Polygon. Autrement dit une forme mouvante, complètement hypnotique, composée simplement de tubes très légers articulés ensemble. Grâce à un mécanisme utilisant moteurs et contrepoids, la structure devient un paysage géométrique en mouvement et semble même quasi dotée d’une vie propre, les illusions d’optique transformant notre regard. D’autant plus que les mouvements de l’installation, l’ajustement de sa forme et son équilibre dans les airs restent totalement imprévisibles, comme menés par le hasard et la coïncidence.

On se souvient des installations de l’artiste suisse Zimoun (dont plusieurs créations avaient été présentées lors de l’édition 2013 de Maintenant),  architectures sonores minimalistes (notamment d’une mer de cartons frémissant au plafond de la salle Anita Conti des Champs Libres) dont le mouvement se révélait totalement fascinant ou de l’installation de Nils Völker, Seventeen, suspendue à la voûte du Vieux St Étienne pour l’édition 2015 du festival, composée de 17 oreillers se gonflant et se dégonflant au rythme d’une respiration hypnotique. On gage que l’effet produit par Polygon se révèlera tout aussi magnétique. Surtout qu’entre les hautes arches et les vieilles pierres de l’ancienne église, l’œuvre devrait prendre une résonance encore nouvelle.

Bloom : sculpter l’eau avec le son par Tristan Ménez

On aura également le plaisir de retrouver l’artiste rennais Tristan Ménez avec l’épatante installation Bloom. Si vous êtes un habitué du Bon Accueil, vous connaissez peut-être déjà le garçon, notamment peut-être avec l’un de ses précédents travaux, l’hypnotique Interférences qui voyait 64 sections de cordes élastiques reliées à de petits pylônes en aluminium vibrer et tourner au son d’ondes basses-fréquences amplifiées de La et de Mi (jouées aux synthétiseurs et amplifiées par plusieurs haut-parleurs). Éclairées par un stroboscope à leds à rayonnement ultra-violets, les rotations des cordes étaient rendues visibles au ralenti pour un rendu sacrément fascinant. Utilisant une expérience scientifique sur les ondes stationnaires réalisée par le physicien allemand Franz Melde au 19ème siècle, Tristan Ménez s’attachait déjà à rendre visible le phénomène sonore.

Installation sonore et visuelle, Bloom, qui sera présentée pour Maintenant, se révèle encore plus spectaculaire. A la manière des physiciens du 19ème Franz Melde donc, Jules-Antoine Lissajous ou August Kundt qui ont tenté de créer des dispositifs (avec des moyens particulièrement rudimentaires) afin de visualiser les phénomènes acoustiques et sonores, l’artiste renno-morlaisien a inventé un système de jet d’eau bluffant. Mise en vibration à l’aide d’un haut-parleur diffusant des infra-basses, l’eau se retrouve affectée par les phénomènes vibratoires du son. Ceux-ci sont alors rendus visibles par un système stroboscopique. Celui-ci fige le mouvement de l’eau en d’impressionnants mouvements : gouttes suspendues, explosions aquatiques, tout est en même temps immobile, suspendu dans le temps et pris dans les rets de l’éphémère puisque la sculpture reste toujours en mouvement, est toujours changeante (un peu comme si Parménide et Héraclite se rejoignaient enfin). Le résultat est aussi impressionnant que surprenant. A noter :  l’installation est « illustrée musicalement par l’artiste via une composition sonore liant les infra-basses à des nappes de synthétiseurs. » A voir. Et à entendre, donc.

Le Pianographe, Musique Meuble

Autant dire que si l’instrument inventé par les frères Florent et Romain Bodart porte étymologiquement bien son nom, son épithète « Musique Meuble » nous a d’abord fait frémir, nous rappelant on ne sait trop pourquoi les musiques d’ascenseur. On espérait une musique d’ameublement digne de Satie ou tout du moins une musique mouvante comme des sables flottants. On a finalement été rassuré de voir que les deux frères, issus d’une famille de luthiers et de sculpteurs sur bois, voyaient peut-être d’abord le mot meuble comme une résonance à l’artisanat, avec un instrument patiemment fabriqué à la main (on adore les poétiques potards en bois aux formes rondes « ondes célestes » , « échos des montagnes » ) alliant bois et  métal, facture analogique et circuit électronique. Une installation interactive ludique dont chacun peut se saisir.

Musique Meuble, Pianographe © Florent et Romain Bodart

A la concordance des temps, à la croisée de l’harmonium du 19ème siècle et des synthétiseurs actuels, le pianographe inventé par les deux artistes du Lubéron, culbute les époques et les esthétiques. Mais également les disciplines artistiques, puisque ce clavier permet de jouer des notes, de la musique et de créer simultanément une œuvre visuelle puisque chaque touche permet le déclenchement d’une séquence visuelle différente. Explorant tout autant les relations entre formes visuelles et musicales, que transposant les principes de la composition des musiques électroniques (assembler plusieurs samples, plusieurs séquences sonores) vers la création visuelle (celle que chaque spectateur/acteur invente en combinant les séquences visuelles), Romain et Florent Bodart donnent à chacun la possibilité d’interroger les interactions entre musique et vidéo. On est donc pour notre part bien impatient de s’y essayer.

Ambiance électronique : dancefloor du brunch à l’apéro

Durant 6 soirées, entre 20h et 00h, le théâtre du Vieux St Étienne devenu nouveau quartier général du Festival se transformera également en dancefloor pour profiter de l’apéro et des premières heures de la nuit dans une ambiance chaleureuse (voire festive) avec pour objectif la mise en avant d’artistes et de collectifs rennais (pour la plupart) qui font bouger la scène électronique. Méfiez-vous : le dancefloor est souvent pris d’assaut, et à certaines heures, il est dur d’y entrer. N’arrivez donc pas trop tard.

Dancefloor à l’apéro

Aux platines, chaque soir, se relaieront ainsi plusieurs producteurs et djs de la scène rennaise le plus souvent, mais pas que. Dès le premier soir, d’ailleurs, le mardi 10 octobre pour l’inauguration du festival, on l’a dit, c’est Nkisi qui nous emportera jusqu’aux premières heures de la nuit avec la même folle intensité qu’elle développe sur ses eps, on l’espère. Le samedi 6 octobre, c’est La Tangente qui ouvrira les hostilités avec la venue de l’Allemande Sarah Farina, membre des Through My Speakers, collectif événementiel et label qui depuis 2010, répand la bonne parole bass music. Ses sets s’autorisent ainsi des détours UK Bass, hip hop, UK funk, sans que jamais la productrice ne se dépare d’une maîtrise gracile des breaks et des potards et surtout d’une efficacité redoutable qui conduit tout le monde sur le dancefloor. Le Rennais Ronod invitera également tout le monde sur la piste et devant les enceintes avec sa techno aciid et ravey tandis que le mystérieux Aurore lèvera davantage le voile sur sa sélection qu’il promet sidérale.

Sarah Farina © Kerstin Meissner

Le mercredi 10 octobre, puisqu’on est jamais mieux servi que par soi-même, les trublions d’Electroni[k] se réservent leur propre carte blanche. Et à raison là encore puisqu’on pourra y entendre la passionnante Caterina Barbieri (qui partageait récemment un split avec nos chouchous de ELEH) dont la recherche autour du synthé modulaire est particulièrement excitante. Explorant la nature fondamentale du son, à partir de magnifiques textures analogiques, jouant sur les accélérations et décélérations, issue de la sélection SHAPE 2018, l’Italienne basée à Berlin (également membre de l’Elektronmusikstudion de Stockholm où elle étudie les propriétés sonores des synthétiseurs analogiques) bâtit des lives aussi hypnotiques que froidement sensuels et promet un set avec 80% de musique inédite composée cette année. A ne pas manquer. Le même soir, Tryphème, valeur montante de la scène électronique frenchy, versant électro shoegaze, proposera également un live où voix et machines se confondent, dans la lignée peut-être de son premier album, Online Dating (2017, Central Processing Unit), mêlant brumes synthétiques et rythmiques electronica circa Warp 90. Le lendemain, le jeudi 11 octobre, on fait un grand écart puisque c’est l’association de Lamballe Capsule qui s’y colle avec une prestation de l’américano-japonaise Rin Suemi, aka Golin, dont la J-Pop chantée en japonais côtoie des sonorités électro à peine plus arides. On y découvrira également le premier live de la rennaise Joanna dont le clip Séduction a su se faire remarquer et Oxymoshi à la sélection sucrée a priori.

Caterina Barbieri © Visvaldas Morkevicius

Le vendredi 12 octobre, c’est le collectif Les Disques Anonymes (qui ne le sont plus vraiment !) qui sera mis sous le feu des spotlights. Et à raison là encore, tant la joyeuse bande d’olibrius (également responsables des indispensables festival Visions et Treize qui nous épatent à chaque fois par leur programmation) font vibrer avec passion la Bretagne du Finistère jusqu’à Rennes. Ce soir là, on retrouvera donc le Brestois François Joncour qui présentera son projet électro, Poing_, entre cold wave, techno et rythme motorik ainsi que le passionné (et passionnant) Opaque dont le set promet d’être aussi tribal que corrosif. On y retrouvera également la productrice espagnole Silvia Jimenez Alvarez, aka JASSS pour un set qu’on pressent aussi jusque-boutiste que dense. Après des premières expériences de la composition pour des films expérimentaux et trois eps tournés vers le dancefloor et l’efficacité de l’EBM, Silvia Jimenez Alvarez s’est en effet autorisé la composition d’un long format exigeant et personnel. Issue de la sélection SHAPE 2018, la musicienne a sorti en 2017 un premier album ambitieux sur le label suédois Ideal Recordings de Joachim Nordwall, Weightless, hybride hypnotique entre musique plutôt expérimentale et dancefloor halluciné, aux sombres relents EBM, mais particulièrement surprenant dans la palette des couleurs et des textures qu’il entremêle (sonorités industrielles et orientales sur Danza, basses granuleuses ou tribales, jazz hanté et sonorités  sur Cotton For Lunch pour exemples). La jeune dj, exilée à Berlin, s’est fait remarquer tout autant pour ses mixes intrépides et sans compromis qui naviguent entre EBM, techno et électro que pour la production de ce long format hors norme et on est particulièrement curieux d’entendre les sons irrésistiblement vicieux qu’elle nous glissera dans les orteils et les oreilles.

JASSS © Mai Nestor

On est tout aussi emballé de retrouver le Lost Dogs Entertainment à qui l’on doit par ici pas mal d’enregistrements de Le Matin, mais qu’on retrouvera ce samedi 13 octobre avec Vladimir Ivkovic (avec un accent sur le c), véritable activiste de la scène de Düsseldorf, notamment par le biais de sa résidence au Salon des amateurs où avec des sélections toujours bien décalées justement, si ce n’est imprévisibles, le natif de Belgrade donne un souffle inédit au dancefloor. Fondateur du label Offen Music sur lequel on retrouve non moins que d’autres amateurs d’éclectisme farouche tel Ivan Smagghe ou le groove léthargique indus (si, c’est possible) de Toresh, Vladimir Ivković devrait délivrer une sélection aussi étrange que pointue qui devrait ravir tous les amateurs de musiques indociles. Le Vénézuelien globbe-trotter Bear Bones, Lay Low se concentrera pour sa part davantage sur le psychédélisme électronique, les boucles tournantes et hallucinées qui transforment la piste en kaléidoscope bigarré et hypnotique. Ernesto González (également membre de Maitre Fous avec les grands dingues de France), actuellement basé en Belgique, devrait ainsi faire décoller les festivaliers dans un trip psyché incantatoire pour le moins inattendu.

Vladimir Ivković © DR

C’est enfin l’EAC Night Shift, aka le label rennais Elephant & Castle déjà présents pour le brunch (on vous en parle plus bas) qui conclura le festival le dimanche 14 octobre avec la venue de la Tunisienne Deena Abdelwahed signée sur Infiné dont l’éclectisme musical nous ravit. La jeune femme, venue du du collectif Arabstazy et déjà présente aux Transmusicales en 2016, mêle sonorités traditionnelles orientales, glitch et drum’n bass et a produit un premier ep, Klabb, en 2016, particulièrement intéressant et réjouissant. Son premier album, Khonnar (prononcez Ronnar) devrait sortir en novembre prochain et devrait, on l’espère, être une belle réussite. Le même soir, vous pourrez également profiter d’un B2B avec deux des membres éminents du label Colorado/Timsters.

Deena Abdelwahed © Olivier Jeanne Rose & Julia Castel

En savoir plus sur les Ambiances Électroniques.

Brunchs musicaux le dimanche

Autre temps pour découvrir de chouettes producteurs locaux (mais pas que là encore) : le samedi et le dimanche autour d’un brunch de 12h à 15h. Comme l’an dernier, le Brunch Électronique devrait permettre aux clubbers qui sortent de leur nuit et aux autres de se croiser autour d’un brunch concocté par Miss Dom (goûtez sa brioche perdue, c’est une vraie tuerie !).

Sa sélection culinaire devrait sans peine accompagner Suuij, qu’on connaît ici sous son vrai nom -Juliette Divry- et avec son violoncelle dans différents projets (Mermonte, The Last Morning Soundtrack). C’est elle qui ouvrira le premier brunch électronique le dimanche 7 octobre. Projet tout en délicatesse et finesse, Suuij voit la musicienne tisser un univers tout en cordes (celles de son violoncelle et de sa voix), particulièrement enveloppant. Juliette Divry explore toutes les possibilités offertes par son violoncelle (jeu avec archet, picking), même les plus surprenantes (notamment lorsqu’elle glisse son archet sur la caisse de résonance) et son chant, expiré comme dans un souffle, donne une couleur pop aux mélodies qu’elle développe. Une douce manière d’ouvrir les yeux le dimanche.

Suuij © Margaux Liénard

Le même jour, on découvrira également avec une grande curiosité le Saudaà Group. Si Maintenant aime bien nous plonger dans le futur, Alexis Paul se propose de transformer une forme venue du passé (l’orgue de barbarie) en instrument actuel doté du langage MIDI. Instrument à vent (rappelez vous, Maintenant se consacre cette année à l’air), portatif, l’orgue de barbarie classique utilise une carte perforée pour produire du son (ce qui en fait finalement l’un des premiers systèmes de reproduction de la musique « enregistrée » !), évacuant dès lors la question de la virtuosité du musicien puisque tout le monde peut en tourner la manivelle et faire défiler la carte perforée. Alexis Paul l’a néanmoins transformé : « Depuis l’arrivée du système MIDI, des interfaces ont été développées pour remplacer la carte perforée par un fichier informatique. Ce dernier système permet d’agir sur l’orgue en direct à partir de n’importe quel contrôleur électronique et de composer sans avoir recours à la perforation, longue et coûteuse, des cartons. » Son orgue est ainsi un instrument hybride, composé de 42 flûtes en bois actionnées au choix par des cartons perforés de 29 notes ou par le pilotage MIDI (autorisant 42 notes). Mais plutôt que de moderniser l’instrument seulement par la technique (l’utilisation du système Midi), Alexis Paul revisite également son répertoire (une musique plus minimaliste faite de nappes sonores, de drones, à laquelle il se permet d’ajouter d’autres sources éléctro-acoustiques) et ses dimensions symboliques.

Saudaá Group © Andro Eradze

En 2016, sous le nom de Saudaá Group (autrement dit, lui et son orgue) il est ainsi parti faire le tour du monde, amenant son orgue, par nature voyageur (apparu au 18ème siècle et joué habituellement par des colporteurs, des nomades, l’orgue de barbarie est également associé à la culture populaire européenne, puisque utilisé pour faire voyager la musique de cour, les pièces pour orchestre en version réduite et les amener jusqu’aux gens du peuple), dans des cultures qui ne le connaissaient pas. L’itinérance est ainsi revisitée hors des frontières européennes qui ont vu jusque là l’orgue se mouvoir : Maroc, Arménie, Uruguay, Japon, Argentine, Géorgie, Islande, Mongolie, Grèce ou Liban ont alors été traversés par le musicien nomade et passeur qui s’est chaque fois associé à des musiciens locaux. En sont d’ailleurs issues 10 cartes postales sonores pour France Musique à écouter ici. Alors certes, le kiosque du Thabor (où l’artiste sera également présent la veille) ou le Vieux St Étienne sont un tantinet moins exotiques. Mais Alexis Paul a toute notre confiance pour y délivrer un moment aussi suspendu que poétique, et très certainement voilé de cette saudade qui lui est chère.

En savoir plus sur le Brunch Électronique 1.

Le dimanche suivant, c’est l’EAC Family Party (autrement dit toujours le label rennais Elephant & Castle) qui prendra à nouveau les clefs du Vieux St Étienne avec Colorado (Martin Audrezet et Charles Urvoy), duo briochin d’électro pop rutilante et dansante, Timsters (aka Julien Vignon qu’on a connu ici dans plein d’autres projets et fondateur du label) à l’électro plus soyeuse, entre RnB, pop et électro, ou Alter Real dont le premier ep a su séduire les oreilles amatrices de pop synthétique chaleureuse, sans oublier bien sûr les copains du label (family, on vous a dit : Praa -autrefois Marion Mayer-Primates, Maximilien et Rawmance seront aussi du côté des platines) avec toujours l’ambition de se placer au carrefour (comme l’Elephant & Castle londonien) d’une électro pop joliment produite. Un brunch plus électronique que le précédent mais qui devrait donner un regain de peps aux festivaliers (parfois épuisés !).

En savoir plus sur le Brunch Électronique 2


En 2018, Maintenant aura lieu du 5 au 14 octobre à Rennes.

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