L’Evangile des Anguilles : après un long voyage, le récit s’est achevé sur les marches d’une grande maison d’édition : Le Seuil. Entre croyances et mystères, l’auteur nous fait voyager avec humour dans le passé et autour de notre chère planète, sans oublier l’insondable mer des Sargasses.
Enfin un livre dans l’air du temps, adapté au confinement ! Un anti-covid piquant, drôle, écrit pour nous préparer à nos propre rêves. L’auteur, un homme inspiré par les philosophes et par les évangélistes, est un suédois Patrik Svensson.
La pêche est-elle une question de croyance, de chance ou reste-t-elle un mystère ? En étant captivé par les civelles puis par les anguilles, on ne pouvait que se heurter au surnaturel ou à la faculté abyssale des animaux sous-marins de se camoufler. Ce livre qui a reçu une belle distinction, le Goncourt suédois du roman, explore toutes les recherches scientifiques réalisées autour des anguilles depuis l’Antiquité. L’originalité de ce récit est de nous entraîner vers de multiples horizons sans parvenir à cerner l’objet central de cette quête : comment les anguilles se reproduisent-elles ?
Pour mieux comprendre l’auteur, revenons sur quelques explorations. Pour un scientifique, le plus captivant est de chercher, pas toujours de trouver. Quand Freud, spécialiste de biologie marine, débarque à Triestre, c’est pour comprendre le comportement de l’énigmatique Anguille. En effet, sa biologie échappait depuis Aristote à tous les scientifiques. Il était sûr de trouver, mais TROUVER QUOI ?
Sigmund Freud tenta de relever à ce défi 19 ans. Ce fut peut être un moment capital de sa vocation de psychanalyste ! Au final, Freud n’a pas réussi à découvrir le sexe des anguilles, ni à formuler le fonctionnement des organes sexuels… L’auteur Patrik Svensson nous le précise page 57 : Freud examina plus de 400 anguilles, dont aucune n’a pu être identifiée comme étant de sexe mâle.
Sigmund Freud a sans doute reporté sa frustration sur l’Homme. Une première intuition émergeait en effet pour lui : « A quelle profondeur certaines vérités se dissimulent le mieux pour l’homme comme pour l’anguille ? »
Revenons à nos chers petits bébés les civelles. Dans les années 1896, Giovanni Battista Grassi et Son élève Salvatore Calandrandruccio décrivent la toute première transformation d’une larve en une civelle. Mais où ces larves semblables à des feuilles de saule sont elles apparues ? Et bien sûr que s’est-il passé dans la mer des Sargasses ? Quelle sorte d’accouplement ?
Beaucoup de biologistes comme Patrik Svensson ont passé des années à tenter une compréhension rationnelle de la naissance des anguilles. Je relève vers l’an 2000, le sort malchanceux de l’équipe qui a lancé 707 anguilles dotées de capteurs pour être suivies sur un écran. Ainsi les 707 spécimens ont été lâchées de différents endroits, de France, d’Allemagne, de Suède… Aucune anguille n’a pu être suivie assez longtemps pour connaître sa destination finale. Seules 87 anguilles étaient arrivées assez loin pour donner un aperçu de leur voyage avant de perdre leur émetteur.
La complexité de la vie de cet animal des mers (hautement culinaire par ses civelles) devrait vous subjuguer à la lecture de cet étrange évangile. Ma mémoire garde intacte l’image de plus d’une centaine d’anguilles cherchant à remonter des marais salants vers des retenues moins saumâtres, spectacle insolite et totalement invraisemblable et pourtant réel en Presqu’île de Rhuys.
L’Evangile des Anguilles / Patrik Svensson
Editions Le Seuil (07/01/2021)
ISBN : 9782021434873
288 pages