Les détours enchanteurs de la Route du Rock hiver 2014

C’est donc reparti pour une 9ème édition de la session hivernale du festival la Route du Rock. Le périple 2014 est assez fastueux avec une pelletée de concerts très variés, du 19 au 23 février, sur pas moins de 4 lieux différents entre Rennes et Saint Malo. Nous vous proposons un petit tour d’horizon des paysages traversés et de nos coups de cœur de cette année.

VISUEL_RDRH2014_600La camarade Isa vous ayant déjà entretenu de la belle soirée inaugurale du 19 février à l’Antipode, nous allons compléter le tableau avec, bien sûr, les deux traditionnelles soirées à Saint Malo dans la salle de la Nouvelle Vague mais également d’autres aguicheurs à côtés.

D’abord parce que la perle cachée de cette édition 2014 pourrait bien être la soirée du jeudi 20 février dans la chapelle du conservatoire de Rennes. Nous avions littéralement été enchantés par la venue au même endroit l’année dernière de Pierre Bastien et Fred Frith et c’est donc avec une attention toute particulière que nous avons guetté la programmation de cette année.

Nous n’avons pas été déçu puisque c’est l’atypique et aventureux Eric Chenaux qui occupera la place. Le guitariste montréalais est surtout connu des aficionados du label Constellation (Godspeed You ! Black, Emperor, The Silver Mt Zion…) sur lequel il a sorti 4 albums entre 2006 et 2012. Il a aussi collaboré avec l’insaisissable Sandro Perri sur le même label.
La musique d’Eric Chenaux oscille délicatement entre ballades portées par une voix envoûtante et improvisations imprévisibles à la guitare. Toujours en équilibre, cette musique fragile et indomptable devrait faire vibrer la corde sensible des amateurs de musique sortant des sentiers rebattus. La soirée est d’autant plus aguichante que le monsieur ne jouera pas dans une formule classique. Il viendra pour un ciné concert où ses compositions accompagneront la projection du séminale Le Petit Fugitif. Ce film américain de 1953 de Morris Engel, Ruth Orkin et Ray Ashley est une œuvre fondatrice du cinéma US indépendant. Ce récit de l’errance d’un gavroche blondinet et roublard dans l’immensité balnéaire de la plage de Coney Island à New York est également l’une des grandes influences de François Truffaut pour la sublime fuite en avant de Jean-Pierre Léaud dans les 400 coups. L’alliance de la puissance visuelle intacte du long métrage avec la sensibilité musicale du québécois devrait littéralement faire des étincelles.
La prestation sera en plus précédée d’un ciné concert des élèves du Conservatoire d’une dizaine de minutes.

Jeudi 20 Février 2014 – La Chapelle du Conservatoire, Rennes – 20h30 à 23h00
7 € (tarif réduit), 8,5 € en location & 10 € sur place

Des deux soirées des vendredi 21 et samedi 22 février dans la belle salle de la Nouvelle Vague, c’est nettement la première qui a notre préférence avec une sélection sans faute, nous émoustillant du début à la fin.

Le performer bluesy et halluciné Willis Earl Beal ayant annulé sa tournée, ce sera finalement Marceau Boré, alias Piano Chat qui ouvrira la soirée du vendredi. Le jeune tourangeau est bien connu du public rennais. Que ce soit aux Bars en Trans, aux Embellies, aux Tombées de la Nuit… où même dans la bibliothèque des champs-libres, ce vibrionnant homme orchestre a prouvé à maintes reprises qu’il était difficile de résister à sa folle énergie scénique. Seul avec sa guitare, des claviers, quelques éléments de batterie et des pédales d’effets, le jeune homme mijote un rock endiablé et déluré qui devrait ouvrir le bal avec une réjouissante bouffée de chaleur. On aura sans doute aussi le plaisir d’entendre les morceaux de Lands, son premier album qui sortira fin mars chez l’excellent label nantais Kythibong.

Retrouvez Piano Chat interviewé par nos soins.

L’indy-sensation de cette édition pourrait être Traams. Ce trio de Chichester n’est pourtant pas si jeune. Ils existent depuis 2011 et ont déjà sorti un EP et un premier album (Grin) chez Fatcat Records. Ils arrivent précédés d’une réputation flatteuse, confirmée par quelques vidéos de live assez entraînantes. Il faut dire que leur post-punk dissonant et têtu comme une kraut-mule, allié à la voix nasillarde du guitariste/chanteur Stu Hopkins est diablement efficace et a tous les moyens pour faire monter la température de la Nouvelle Vague. Alors certes, on a bien appris à se méfier de la hype mais on n’a aussi envie de leur laisser le bénéfice du doute pour juger sur pièce.

Suivrons ensuite deux groupes que nous sommes rudement contents de retrouver dans le coin. Le concert de Godspeed You! Black Emperor de cet été au Fort Saint Père aura divisé le public mais semble au moins avoir satisfait le guitariste Efrim Menuk. Le voici donc de retour avec son autre projet Thee Silver Mt Zion (entre autres appellations plus ou moins tarabiscotées pour faire suer nos lecteurs MP3). Prévu initialement comme un groupe où Menuk pourrait apprendre à écrire la musique, le projet s’oriente finalement vers tout ce que monsieur ne pouvait utiliser pour Godspeed. Si les deux groupes sont proches musicalement, les morceaux de Thee Silver Mt Zion sont plus courts, plus directs, et surtout se distinguent par un usage très important de la voix (avec même parfois des chœurs) ce qui donne une sorte de punk rock étrange, rageur, décharné, emphatique et choral. Au fil d’un line-up assez changeant le groupe a enregistré 7 albums, tous fort recommandables, et que pour notre part, nous réécoutons bien plus souvent que ceux de Godspeed en fait. Le tout dernier Fuck Get Free We Pour light on everything vient tout juste de sortir et nous avons hâte d’en savourer les morceaux de bravoure sur scène.
Nous sommes d’autant plus impatients de les revoir que le concert qu’ils avaient donné dans ce même lieu en 2008 en backing band somptueux de l’immense et regretté Vic Chesnutt reste une des plus belles choses que nous ayons pu voir et entendre sur une scène. Le monsieur avait conclu le concert avec une reprise sublime des Stones, en les présentant comme The best fuking band ever. Nous étions bien d’accord avec lui.

L’autre groupe dont nous sommes ravis de la présence sera The Warlocks. Nous avions découvert la bande à Bobby Hecksher sur le tard avec leur 5ème album, l’impressionnant The Mirror Explodes et nous avions vite compris que nous avions loupé quelque chose de grand. Baptisée d’après un des premiers noms utilisé à la fois par le Velvet Undergound et Grateful Dead, cette formation californienne fait partie de ces groupes maudits, infoutus de décrocher un vrai succès et au line up perpétuellement changeant au gré des humeurs massacrantes d’Hecksher. Le bonhomme continue de produire avec un entêtement remarquable un rock psychédélique dépressif et vaporeux. Après 5 ans de silence, il est revenu en novembre dernier avec un Skull Worship un poil moins abrasif mais pas plus apaisé ou serein pour autant.
On a franchement hâte de se laisser submerger par le raz de marée de fuzz crassouse des compositions retorses du monsieur.

Après la noise vivifiante de Metz l’an dernier, Rock Tympans a donc rejoué la carte d’un rock tortueux et dissonant pour conclure la soirée. On retrouvera avec joie le trio montpellièrain Marvin sur la scène de la Nouvelle Vague. On a déjà pu voir deux fois les zigues sur scène et l’on ne doute pas un instant que la soirée se conclura sur un superbe chaos sonique où fusionneront avec une puissance maléfique vocoder dément, ligne de synthés électrisantes et guitares insaisissables. La claque devrait être d’autant plus vivifiante qu’ils arrivent armés des compos redoutables de leur dernier album Barry, sorti en juin dernier et qui, dès la première écoute, nous a laissé l’envie dévorante de se prendre ses tueries en live.

Vendredi 21 Février 2014 – La Nouvelle Vague, Rue des acadiens, Saint Malo – 19h00 à 03h00 – 25€
2 Jours / 42 € en location & 46 € sur place. Vendredi / 23 € en location & 26 € sur place

Si la seconde soirée du samedi 22 février nous semble bien moins excitante sur le papier, elle a tout de même quelques atouts dans sa manche.

La présence en ouverture de Cate Le Bon en est d’ailleurs un non négligeable. La galloise exilée à Los Angeles semble aussi à l’aise dans des compositions folk sensibles que dans une pop rétro de grande classe. On n’a pas encore eu la chance de la voir en live mais les amis de Pop is On fire ont chaudement conseillé de ne pas la louper. On transmet donc le conseil.

Un souffle glacé devrait ensuite parcourir la salle puisque ce sera au tour de The KVB de monter sur scène. Autre projet du mystérieux Klaus Von Barrel (avec Die Jungen) le duo fait partie des rares qui, parmi les groupes actuels, se réapproprie un rock froid et ténébreux avec suffisamment de talent pour sortir du lot. A l’instar du californien Luis Vasquèz avec The Soft Moon, le monsieur de Southampton n’hésite pas à faire jouer la dramaturgie et la tension à leur maximum dans d’infernales ritournelles, minimalistes, mais saisissantes comme un bain glacé. Reprendre le noir flambeau de groupes comme Suicide ou Bauhaus, sans tomber dans le pastiche ou le ridicule n’est pas chose aisée mais le gars a déjà quatre albums à son actif, qui prouvent qu’il en est amplement capable. Nous avions loupé sa venue l’an dernier au Bar’Hic, voici une belle occasion de réparer cette erreur.

Nous sommes moins emballés par le post punk furibard des Eagulls. Ces gars de Leeds ont au moins pour eux un nom rigolo, contraction de eagle et seagull (aigle et mouette), mais malgré une poignée de titres plutôt efficaces, ils peinent quand même à sortir du lot. Ils ont tout de même tenté de jouer la carte provoc avec une lettre incendiaire publiée sur leur blog et rédigée bave aux lèvres mais sans grande cohérence. Pour les non-anglophones, ils y insultent copieusement les groupes de plage et les fils à papa mais aussi ceux qui ont les cheveux longs ou ceux incluant des filles (?). Bref, il va vraiment falloir qu’ils nous sortent une prestation volcanique pour remonter dans notre estime.

Après des prestations de feux à la Route du Rock 2012 et à l’Antipode dans la foulée, le collectif anglais Breton fera ensuite son grand retour avec sous le bras leur tout récent second album War Room Stories. Les cinq londoniens viendront défendre avec le panache qu’on leur connaît leur pop métissée de basse dubstep, rythmique hip hop, electronica, post-punk, indie pop, envolées de cordes, et on en passe… Leur efficacité scénique devrait faire merveille et nous ne doutons pas un seul instant qu’ils vont enflammer le public. Les pinailleurs de l’équipe trouvent quand même que leur musique manque cruellement de finesse mais une fois devant, difficile de leur en tenir rigueur tant leur énergie est communicative.

La soirée virera finalement vers des terres plus électroniques avec d’abord Jackson & His Computer Band et son électro rétrofutriste et clinquante nous laissant un peu de marbre. Il sera suivi par les sélections de la parisienne Clara 3000 qui emmèneront les plus délurés jusqu’au petit matin. Une demoiselle capable de mixer Can, Arnaud Rebotini et Prins Thomas devrait pouvoir vous mener à potron-minet sans trop de difficultés.

Samedi 22 Février 2014 – La Nouvelle Vague, Rue des acadiens, Saint Malo – 19h00 à 06h00
La nouvelle Vague : 2 Jours / 42 € en location & 46 € sur place. Samedi / 26 € en location & 29 € sur place.

ROCKCINEMA_RVB_640X290On n’oublie bien sûr pas de vous recommander de ne pas louper l’indispensable rock-conférence de notre cher musicologue Christophe Brault. On le fait avec d’autant plus de conviction que le thème : Rock au cinéma promet des moments grandioses pour les yeux comme pour les oreilles.

Samedi 22 février 2014 – La salle Saint Anne, 12, rue Sainte-Anne, Saint-Malo- 15H30 – Entrée Gratuite

Pour les survivants, il restera encore la possibilité d’aller savourer dimanche après-midi la délicate session de la chapelle Saint-Sauveur. Ils y trouveront une fois de plus une très belle affiche dominicale.

La canadienne Julia Kent viendra tout d’abord broder des boucles éthérées sur son violoncelle. La demoiselle semble maîtriser à la perfection l’art de la pédale de sample et son univers musical est prometteur en sensations envoûtantes.

Mais ce qui rend le rendez-vous proprement immanquable, c’est la venue de Mélanie de Biasio. Cette jeune flûtiste et chanteuse belge a mis tout le monde KO avec son second album No Deal. Les 8 perles épurées de ce magnifique disque peignent en à peine plus d’une trentaine de minutes un univers intime et mélancolique empruntant aussi bien l’ultra sensibilité de la voix de Beth Gibbons qu’à la fragilité étrange des plus beaux albums de Talk Talk. Accompagnée d’un trio piano, clavier, batterie, la jeune femme risque fort d’emporter son auditoire très très loin. Risque maximal de chair de poule et grand frissons en perspective donc.

Dimanche 23 Février 2014 – La Chapelle Saint Sauveur, Rue Saint Sauveur, Saint Malo – 15h30
10 € en location & 14 € sur place

1 commentaires sur “Les détours enchanteurs de la Route du Rock hiver 2014

  1. Mr.B.

    Rock Tympans a annoncé hier soir que, comme pour chaque session hiver, la soirée de samedi est complète. Pas grave, puisqu’on vous dit que le reste n’est que du tout bon.

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