Après le (quasi) sans faute de vendredi, la soirée du samedi s’est révélée plus inégale, mais marquée tout de même par les excellents concerts de The XX et Breton.
On est de nouveau présent dès 18h30 sur le site du Fort Saint Père pour assister au premier concert devant la petite scène de la Tour : les soirées débutent tôt cette année, mais on est ravi d’avoir une petite rasade de concerts supplémentaires grâce à ce nouveau dispositif qui devrait, on l’espère, s’inscrire durablement dans le temps.
Les membres d’Egyptology débarquent sur scène avec de jolis tee-shirts noirs sur lesquels figurent des signes qui ressemblent peu ou prou à des hiéroglyphes. Domotic et Olamm, debout derrière leurs synthés, laptop et autres boites à rythmes, encadrent un batteur présent pour le live. La particularité de ce projet est de produire un son futuriste avec des synthés vintage. Les titres débutent avec quelques nappes atmosphériques jouées en boucle aux claviers, sur lesquelles le batteur claque une rythmique sèche. Si la formule est un peu répétitive, on a apprécié ce contraste entre la douceur atmosphérique des synthés et le beat sec de la batterie hybride. Un apéro sonore réussi devant un public qui (re)prend doucement ses marques.
Aucun temps mort, puisque le quatuor Veronica Falls prend place sur la Grande Scène, remplaçant au pied levé My Best Fiend. Influencés par le rock anglais des années 80, avec de petites touches sixties, le groupe déroule sa pop garage avec beaucoup de fraicheur. Le chant de Roxanne Clifford (qu’on avait déjà entendu sur Everything Goes My Way de Metronomy) est parfaitement appuyé par les choeurs du guitariste James Hoare et du batteur Patrick Doyle (avec une mention spéciale pour le chant en boucle de James sur quelques titres). Les guitares de Roxanne et James s’accordent pour produire de petits riffs rythmiques sautillants, et les quelques soli restent discrets et raccords avec l’ensemble. La section rythmique ne révolutionne pas le genre, mais la simplicité de la ligne de basse reste néanmoins efficace. Le rythme élevé du set se ralentit soudainement avec l’intro du tubesque Found Love in a Graveyard, pour mieux repartir ensuite. Le set souffre un peu du manque de variation dans l’intensité, mais le dernier titre, avec sa jolie intro instrumentale, prouve que le groupe a une marge de progression en live. Une entrée en matière comme on les aime à la Route du Rock.
Savages par Mr B
Sur la foi d’un premier single ravageur Husbands, nous attendions beaucoup du quatuor londonien Savages. On en attendait peut être trop. Ça démarre pourtant plutôt bien. Les quatre charmantes demoiselles toutes de noir vêtues font preuve d’une belle énergie et le jeu de scène épileptique de la chanteuse Jehnny Beth impressionne. Mais quand on veut essayer de faire une musique froide et puissante, c’est difficile de passer après l’ouragan The Soft Moon, qui a tout balayé sur son passage la veille. Par comparaison, leur post-punk fait bien sage et manque cruellement d’intensité. Surtout que des problèmes de sons et de trop longues pauses entre les morceaux, donnent au concert un rythme assez haché. On aura tout de même été très contents de voir le tempo s’accélérer, mais il faut croire que le soleil sied mal aux corbeaux.
Avec la prestation tonique de Savages, contrepied radical avec le début du concert de Lower Dens : un concert qui commence mollement avec deux titres dont l’excessive lenteur génère l’ennui, avant de décoller ensuite. Et on ne s’attendait pas à un tel paradoxe : leur excellent album, Nootropics nous avait emballé avec son savant mélange de pop sombre et de titres plus souriants, avec une petite préférence pour les titres lents et froids, comme Propagation ou Lamb. Les mêmes titres qui nous ont profondément ennuyé en concert : la rythmique est désespérement plate, l’émotion est quasi absente, là où le groupe réussissait à maintenir une tension sur album. La magnifique voix de Jana Hunter, plantée derrière son clavier, perd même de son pouvoir enveloppant. Un pouvoir qu’elle retrouve lorsqu’elle se saisit d’une guitare sur le troisième titre, Lion in Winter : les musiciens qui l’accompagnent semble soudain sortir de leur torpeur et s’enflamment enfin. On sent le groupe beaucoup plus à l’aise sur scène avec des titres plus enlevés (Brains) sur lesquels basse et guitares saturent gentiment. On regrette de ne pas entendre le chant du bassiste, mais on est séduit par le chant de Jana, qui réussit le tour de force de s’élever au-dessus des guitares aux accents shoegaze. Un set à la courbe sinusoïdale qui nous laisse un sentiment mitigé : ce petit bijou d’album révèle peut-être son potentiel dans une petite salle.
Le set de Lower Dens est raccourci d’un petit quart d’heure, ce qui nous laisse le temps de passer au stand des labels, avantageusement situé à l’entrée du festival. On remarque alors l’arrivée de vagues successives de spectateurs, qui confirme l’attente placée dans le groupe phare de cette soirée.
Avec pour seul décor un immense X en plexi, le trio The XX se présente devant une foule beaucoup plus dense. Le groupe n’avait pu se produire il y a deux ans lors de la session hivernale de la Route du Rock, après avoir délivré un splendide premier album. Même si la sortie du deuxième opus a été repoussée à la rentrée, l’attente est palpable. Un premier titre saississant, chanté a capella par Romy Madley Croft, donne le ton du concert : le groupe s’est profondément bonifié en live, avec des arrangements subtils, faits de silences et de ruptures audacieuses. Et si les deux titres suivants, les excellents Islands et Crystalised, sont joués de manière classique, les autres titres de l’album prennent un relief différent. Les intros sont réarrangées, avec des riffs de guitares qui s’installent en douceur, produisant une new-wave aux accents slow : puis les titres développent un côté dansant, sous la double impulsion d’une ligne de basse marquée et d’une rythmique parfaitement dosée par Jamie Smith. Ce dernier alterne claviers et boite à rythmes, avec quelques touches de percus, et prouve une fois de plus son immense talent d’arrangeur hors pair. Et ce duo de voix… Le timbre vaporeux de Romy trouve le parfait contrepoint avec la voix sombre et grave d’Oliver Sim. Le duo nous délivre aussi quelques moments a cappella inoubliables, notamment pour clôturer les morceaux. Le set prend fin sur le splendide Infinity, et son claquement renforcé par le jeu de lumières ; et le dernier titre en rappel, Stars, qui clôture l’album, met somptueusement fin à cet excellent concert. L’un des concerts les plus marquants de ce festival, et un set qui nous laisse de grands espoirs : les quelques titres de leur nouvel album, Coexist (sortie prévue le 10 septembre), se sont parfaitement intégrés au set et se révèlent prometteurs.
La grande migration des festivaliers devant la petite scène de la Tour est toujours un moment délicat à gérer, mais la prestation réussie de Willis Earl Beal n’a pas entrainé les mouvements de foule épiques de la veille (Civil Civic). Originaire de Chicago, il fait partie de ces musiciens au parcours de vie chaotique : repéré par le magazine Found, il parvient à sortir un album en avril dernier, Acousmatic Sorcery. Douze morceaux blues, bruts et minimaux, avec un côté lo-fi prononcé. Son set est d’ailleurs à l’image de cet album : il arrive seul sur scène, accompagné par un magnétophone à bande, et débute par un blues, basé uniquement sur son chant fiévreux et ses déhanchements. Le moins que l’on puisse dire, c’est que le gus est littéralement habité, parfois même inquiétant : le jeu de scène est forcément redondant sur la durée, mais les quarante minutes de show alternent avantageusement entre blues, funk, soul ou rock, avec parfois un mélange de toutes ces influences. Une véritable performance, dans un style qui n’aura probablement pas séduit tout le public, mais qui devait permettre de faire la transition avec la voix chaude de Mark Lanegan.
Hélas le set de l’ancien leader des Screaming Trees nous aura déçu dans les grandes largeurs. Tous les ingrédients sont pourtant réunis : des musiciens talentueux, un dernier album convaincant (Blues Funeral), et bien entendu la voix chaude et rocailleuse de Mark Lanegan. Mais faisant l’impasse sur les merveilleuses ballades dont il a le secret, il impose d’entrée un blues-rock stéréotypé, à grands renforts de soli attendus, pour un début de concert qui ne décolle pas. Il se risque à un virage discoïde (si, si !) au milieu du set, qui contraste avec les premiers titres, mais qui ne nous sort pas de notre torpeur. Les titres sont rallongés à l’envie, et, hormis une ballade et un dernier titre au-dessus du lot, l’ensemble est beaucoup trop classique pour être enthousiasmant. Si vous rajoutez un jeu de scène quasi inexistant, renforcé par un jeu de lumières statiques, et vous avez là tous les composants d’un set manquant cruellement d’incarnation.
Breton par Isa
C’est Breton, généreux et altruiste, qui termine la soirée. Ca avait commencé dès 20h30 puisque Breton avait décidé de faire participer les festivaliers au tournage du clip de son nouveau single. Par le biais du facebook du groupe, point de rendez-vous avait été donné à tous ceux qui voulaient participer à côté de la Place des Remparts dans le Fort. A 20h30, c’est une bonne soixantaine de personnes qui se massent autour de Roman Rappak et de son équipe pour connaître les instructions à suivre. Feuilles blanches et stylo sont distribués par le groupe et son entourage avec la consigne : « dessine ce que tu espères le plus dans la vie ou ce dont tu as le plus peur » . Et c’est absolument fantastique de voir tout le monde entrer conscienscieusement dans la tâche, appuyé sur le dos de son voisin ou sur les palissades du Fort. C’est un chouette spectacle de voir ces longues files de dessinateurs, concentrés et le groupe qui passe voir chacun. Il y a des fans, quelques uns qui sont passés là par hasard, un petit bonhomme haut comme trois pommes qui dessine un groupe sur scène avec application… Et tout se passe dans une chouette ambiance. Ensuite, chacun est invité à venir se faire filmer son dessin devant soi. Ce qui nous emballe le plus c’est de voir le sérieux avec lequel chacun représente ses espoirs et ses angoisses. Pas de poses hipsters. On est touché de voir chacun mettre à nu peurs et espoirs, de petites bêtes avec plein de pattes aux angoisses de mort et solitude. Au final, donc, un très joli moment. Généreux et altruiste.
On retrouve la même générosité du quintet londonien lorsque le groupe monte sur scène. D’abord parce que Roman (qui a étudié au Lycée Français de Londres) communique dans un français impeccable avec le public. Mais surtout parce que ces jeunes gens ne brident absolumment pas leur énergie. Capuches ou casquettes sur la tête, les cinq jeunes garçons s’agitent derrière leurs instruments (guitare, basse, claviers, machines, batterie), totalement possédés par le rythme. Sur les écrans géants, on suppose que ce sont leurs vidéos qui sont projetées (installés dans une ancienne banque dans le nord de Londres -rebaptisée bretonLABS-, les Breton ont démarré leur carrière en bricolant des vidéos qu’ils mettaient en musique eux-mêmes) mais on n’arrive pas à les regarder tant on est happé par l’énergie survitaminée que le groupe dégage sur scène, notamment son leader, Roman Rappak, guitariste chanteur bondissant au charisme magnétique. Autour de nous, tout le monde danse, bouge, crie, exulte. Beaucoup sont venus pour Breton. Mais encore plus resteront pour Breton. Le Fort s’est transformé en dancefloor géant et on a la bonne surprise de voir que le public reste nombreux et compact. Pop par leur évidence mélodique, les jeunes Anglais ont pourtant mélangé plein d’influences dans la marmite : basse dubstep, rythmique hip hop, electronica, post-punk, indie pop, envolées de cordes, et on en passe, … Et c’est une réussite : sorte d’avant pop vénéneuse et enlevée, la musique de Breton fait mouche à chaque fois. Choeurs à cinq voix, chantés à pleins poumons par des garçons qui se donnent littéralement à leur public. On regrettera juste que les nuances plus évidentes sur leur album soit un peu noyées dans ce grand raout d’énergie. Mais franchement, on applaudit à deux mains ces garçons qui ont pris le parti de donner tout ce qu’ils avaient et nous offrent un moment jubilatoire.
Photos : Caro, Solène, Mr B
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Pas du tout d’accord à propos de la prestation de The XX que j’ai trouvé absolumment mauvaise. Sur album, les morceaux sont déjà assez lents, mais malgré tout efficaces…. En concert, c’est comment dire…… chiant à mourir. Aucun relief dans leur musique, tous les morceaux sont ralentis, même « Chrystalized » était fade. Quel manque de conviction, on se demande s’ils prennent vraiment plaisir à jouer ensemble où s’ils se contentent de nous endormir pour empocher un joli cheque. Concert à mettre oux oubliettes.
Exactement d’accord avec Sarah !
The XX a un don pour donner l’impression que leurs morceaux vont (enfin) décoller, ce qui peut être sympa quand même en live, et puis non ! Ça retombe à plat, le soufflé se dégonfle, et nous restons sur notre faim.
Bref, un concert bien bien ennuyeux pour rester poli. Ils prennent quoi pour chanter de façon si sophorifique ?!
Heureusement que Breton aura réveillé tout ce ptit monde qui ne demandait que ça, les londoniens sauvent la soirée, médaille d’or au Anglais !
pardon, soporifique !
Je confirme pour The XX.. qu’est-ce que c’était chiant..
Je suis pas trop d’accord avec vous là.
Perso je suis pas un fan hardcore de The XX même si j’aime beaucoup leur premier album et j’ai vraiment apprécié le concert.
Pas mal de frissons sur les début de titre, une mise en scène/éclairage qui colle bien avec leur musique, une musique plus électrique que sur le disque, des fins de titres bien boostées sur les parties instrumentales et des chants vraiment (trop) parfaits.
Bref on a pas dansé comme des petits fous mais c’était bien trippant je trouve.
Après c’est clair que y’avais pas mal de gens qui papotaient comme au café donc tout le monde a pas du apprécier.
J’ai fait que les 2 premiers jours et c’était mon concert préféré (par contre Spiritualized : mouais)