Paula Hawkins fait avec « La Fille du train » une entrée fracassante dans le monde du polar.
Pourquoi cette fascination pour Rachel, la fille du train ? Rachel qui, dès ses premières confidences, nous livre ses visions morbides, les souvenirs douloureux de ses fausses couches, ses doutes comme ses angoisses : «j’ai tout vu» mais elle ne se rappelle pas, ou si peu, ce qu’elle a vu.
La disparition de Megan, le 13 juillet 2013, marié à Scott, est l’événement qui ouvre le roman de Paula Hawkins, plongeant cette proche banlieue de Londres dans un grand désarroi. Leur maison est au bord de la voie ferrée que tout le monde emprunte, surtout Rachel la fille du train, qui «a tout vu» de la vie de Megan et de Scott, les observant depuis si longtemps.
Il lui reste bien un hématome et des mains ensanglantées. Elle appelle à l’aide, elle nous ficelle insidieusement à sa détresse, on lui pardonnerai ses Gins Tonics, ses SMS et ses « je suis désolée » dits sur un ton désespéré. Non elle ne peut pas faire de mal, mais elle aurait fait des choses terribles. Non, elle n’a pas pu faire le mal ce samedi 13 Juillet 2013.
La fille du train glissera dans l’intrigue des noms, des non-dits, des sûrement, tout un wagon de rumeurs ou de découvertes, faisant de La Fille du Train cet excellent thriller. Sans en avoir l’air, comme dans un reality show, on jubile à vivre l’intimité des couples.
La Fille du Train se compose de trois carnets intimes : ceux de Rachel, d’Anna, et de Megan. Qui se complètent et s’entrecroisent, les dates permettant de tricoter les faux aveux ou les vrais mensonges, transformant les lecteurs en voyeurs distraits, puis en lecteurs attentifs aux états d’âme de ces 3 femmes, complices parfois ou corbeaux zélés.
Une certaine perversité affleure, insidieuse. Les trois femmes se connaissent, s’accusent, disent ou avouent bien des traîtrises. Elles ont épousé Tom ou l’ont fréquenté de près ; Rachel et Megan ont gardé Evie, le bébé du couple d’Anna et de Tom.
Pourquoi ces carnets intimes qui forment la trame de l’enquête nous livreraient-ils la vérité ? Les récits sont subjectifs ; on circule sur des rails imprécis mais à un train d’enfer. Le train, c’est celui qui permet de s’évader, de rêver à de meilleurs rivages, de se fixer de nouvelles résolutions, d’oublier le quotidien et s’imaginer vivre des destins ensoleillés. Cette femme, Megan, si heureuse, a eu un enfant ou en attend un, moi Rachel je ne pourrai jamais et le bonheur d’Anna m ‘écrase.
Le train c’est aussi les aiguillages, et les fausses pistes. Ce train, la romancière a su le manipuler à sa guise, nous menant en voiture au gré des confidences de nos trois jeunes dames. C’est un lieu où il ne se passe rien mais où l’on imagine et où l’on observe cette petite communauté qui vit avec ses mensonges.
Voilà un beau roman policier, très original, sans policiers, qui vire à l’obsession. Ici, le train sifflera trois fois pour 3 intrigantes qui avaient beaucoup de choses à se dire et à nous dire. Un excellent ouvrage à lire et plus encore à écouter dans le train, car on voit pas le temps passer, et ces carnets intimes sont délicieux et jubilatoires.
A noter : le côté voyeurisme voulu par Hawkins est encore plus palpable dans la version audio. Cela confère à ce roman une palette d’émotions nouvelles.