[Histoire] : Le stationnement payant : une « mesure de pure folie » pour le lobby automobile rennais

Aujourd’hui, la ville de Rennes réfléchit à une possible mise en place de « voitures ‘vampire’ » plus connues sous le nom de « sulfateuses à PV ». Ces autos sont équipées d’une technologie leur permettant d’analyser en temps réel si les voitures stationnées sur le bas-côté sont bien en règle. Même si mettre sa petite pièce dans l’horodateur après avoir réussi son créneau est un geste devenu automatique, cela n’a pas toujours été le cas. Loin s’en faut !
Il est donc drôle de revenir sur cet arrêté municipal « mort-né » de 1925 taxant le stationnement à Rennes.

En février 1925, la municipalité vote un arrêté municipal interdisant le stationnement « sur les rues et place de la ville », mais l’autorise uniquement aux emplacements dédiés à cet effet. Ceux-ci se trouvent, par exemple, autour de la place de la mairie, du quai Lamennais, rue du Pré Botté, aux abords du Champs de Mars, ou encore près du stade municipal du quartier Alphonse Guérin… Des permis de stationnement à 2 francs devra être acquitté par chaque rennais·e laissant son véhicule sur l’un d’entre eux. Mais gare ! Si une auto après avoir occupée une première place allait dans la même journée stationner sur un autre emplacement, rebelote, il faut repasser à la caisse. L’arrêté prévoit également « un forfait à 150 francs par an et par voiture » permettant de stationner de manière illimitée sur tous les emplacements.

En apprenant la nouvelle, différents collectifs et associations comme l’Automobile Club de l’Ouest, le syndicat d’Initiative du Touring Club, le syndicat des Hôteliers, et encore de l’Union du Commerce et de l’Industrie montent au créneau (créneau, automobile, tu l’as ?) Pour ses adhérent·e·s, cette décision va totalement à l’encontre des intérêts de la ville « puisqu’on brime les automobilistes tout en les faisant payer ». Lançant la contre-offensive, de nombreuses protestations remontent aux médias locaux comme Ouest-Éclair qui en fait le relais avec une certaine délectation, et même opportunisme. On imagine déjà le fermier répercutant la nouvelle taxe sur les prix de ses légumes ou de sa livre de beurre. On imagine déjà la galère de ces touristes qui ne pourront plus se garer devant le musée, ou la cathédrale finissant à pied leur chemin par n’importe quel temps. On imagine déjà ce médecin qui ne pourra plus s’arrêter en bas de l’immeuble de la personne malade. La mesure est traitée de « stupide, inepte, grotesque, incohérente, ridicule, de mesure vexatoire, de pure folie » qui aura pour effet « d’empêcher tous les automobilistes d’utiliser leurs véhicules, de paralyser le commerce local et d’accroitre le malaise général déjà suffisamment grand. » Face à toutes ces attaques, la municipalité fait le dos rond et se cache derrière le code de la route qui stipule que « le stationnement sans nécessité sur la voie publique est interdit à tout véhicule. (article 11 du décret du 31 décembre 1922). »

Mais dans la presse, on lance un boycott pour ne pas payer. Un peu comme ce qu’il s’était passé au Havre. Pour l’anecdote, la ville avait poursuivi au tribunal tous les automobilistes qui refusèrent de payer leur droit de stationnement, et aussi surprenant que cela puisse paraître, la justice donna raison à ces derniers et non à la municipalité. Toute cette débauche d’énergie ne passe pas inaperçue. Des clubs autos de Paris et des alentorus ont l’intention de descendre en Bretagne pour faire une randonnée automobile dans la ville qu’ils taxent déjà d’ « inhospitalière » ou encore « de ville mendiante. »

C’est l’impasse. Le 20 février, une entrevue entre les différents protagonistes a lieu. Sentant le vent tourné et les faibles soutiens de la population rennaise à sa cause, le Conseil municipal va alors faire machine arrière. Le rapporteur monsieur Malapert dénonce cependant au cours de la soirée « une campagne de presse éhontée » à l’encontre de l’arrêté municipal qui selon lui « ne méritait pas ces basses critiques. » Il demande ainsi la modification de l’arrêté. Dorénavant, « le stationnement dans les rues sera toléré pendant une durée de deux heures », « le stationnement aux emplacements prévus sera payant de deux franc mais valable pour toute la journée, et ce, même si l’automobiliste décide de changer de place. » Le lobby automobile a gagné.

 

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