Essai en décembre : Hard’N’Heavy (tomes 1 et 2)

Il ne faut pas se fier aux couvertures des magazines qui vendent le plus : des amateurs de hard et de métal, il y en a en France depuis le début. Mais notre pays n’est pas réputé pour avoir les niveaux de popularité qu’on rencontre outre-Rhin, plus au nord en Europe ou dans ce méga-marché que sont les Etats-Unis.
Est-ce le signe de quelque chose ? Le Mot et le Reste, l’excellente maison à qui l’on doit entre autres des livres sur le krautrock, le rock progressif, les musiques électroniques, vient de publier deux tomes sur le rock dur, signés Jean-Sylvain Cabot (Rock & Folk) et Philippe Robert (les Inrockuptibles)

Ça commençait bien

lucifers_friend1966-1978 : Sonic Attack, c’est le sous-titre du livre sorti en fin d’année dernière. On y trouve presque tout ce qu’il faut connaître quand on s’intéresse à ces musiques, et même un peu plus. A commencer par les classiques : Led Zeppelin, Deep Purple, Black Sabbath y sont, représentés chacun par un album, c’est un des principes de l’ouvrage.
La préhistoire du genre est également là, les auteurs ayant choisi de commencer 3 ans avant l’année supposée de la naissance du hard proprement dit. Ce qui permet de placer les Yardbirds, Hendrix, Cream mais aussi Iron Butterfly et Blue Cheer. Les premiers jalons permettant de comprendre la conception que se font les auteurs du genre en question.
L’amateur retrouve un peu plus loin avec plaisir des groupes comme Grand Funk Railroad, Cactus, Uriah Heep, Alice Cooper, UFO, Scorpions, Pentagram, Blue Öyster Cult, Kiss, Thin Lizzy. Et bien sûr les Judas Priest, AC/DC et Motörhead. Van Halen ferme la marche et c’est déjà une autre époque qui démarre.
Le véritable intérêt de ce premier tome est dans la liste des formations que l’on découvre pour la première fois, ou qui sont, pour le moins, largement méconnues : Writing On The Wall, Yesterday’s Children, T2, Lucifer’s Friend (baptisé un temps, on l’apprend, Astérix), Variations (groupe français), Dust, Buffalo etc …
On en vient ainsi à s’interroger sur ce qui permet ou pas le succès d’un groupe, la longévité d’un disque.
Le livre étant une succession de chroniques de disques, les répétitions sont relativement fréquentes, notamment les références à Julian Cope (musicien et auteur d’ouvrages sur le rock), sorte de caution du bon goût.
C’est un défaut mineur. Et même si l’on regrette (déjà) des absents comme Queen, Rush, The Dictators, Rainbow, on se console avec l’addenda et on apprécie largement le boulot proposé.

Drôle de liste.

Boris1978-2010 : zero tolerance for silence, est le sous-titre du deuxième tome. Avant de pouvoir ouvrir le livre il y a quelques semaines, c’est déjà la surprise : comment faire tenir dans un seul bouquin le monde du métal comme il s’est développé depuis 30 ans ?
Quand il arrive dans les mains et qu’on en regarde le sommaire, le questionnement redouble : Pourquoi y trouve-t-on des groupes comme Black Flag, Minor Threat, Discharge, Hüsker Dü, The Jesus Lizard, Fugazi ou Shellac ?
Il va sans dire qu’ils ont tous une importance considérable dans le rock et sont d’une qualité exceptionnelle. Ils ont influencé des gens qu’on classe aujourd’hui sans problème dans le métal mais jusqu’à preuve du contraire, même si une jument et un âne peuvent avoir une descendance, le second n’a jamais été vu à Maisons-Laffitte devançant Treize-Heureux.
Et pourtant Philippe Robert et Jean-Sylvain Cabot font tenir ce parcours jusqu’à nos jours en 245 pages, renvoyant dans leur préface à Ian Christe et son excellent « Sound of the Beast », en le traitant au passage de réactionnaire.
Dédouanés dès lors d’être exhaustifs, nos critiques font l’impasse sur le glam,le prog, le gothique, le néo, le folk, le symphonique etc …Ils font des choix surprenants sur le thrash (Exodus mais pas Anthrax), expédient en 3 disques le death metal et effacent des tablettes Manowar, Accept et autres Blind Guardian. C’est un peu comme si nous était racontée l’histoire du jazz en s’attardant sur l’avant 1920 puis en filant jusqu’au free et au jazz-rock avec une douzaine de disques entre les deux.
Le petit paragraphe en bas de page, à la fin du second addenda parle d’un récit « plus ou moins subjectif »… C’est que ces gens sont plus friands de name-dropping que d’étiquettes. Ils savent faire apparaître le nom du dernier prix Goncourt et dire à propos de Mike Patton « qui fera la carrière que l’on sait ». Ils sont en fait plus proches du Dictionnaire du Rock que de la Metalthèque Idéale de Rock Hard. Ainsi dans la chronique de Rust In Peace de Megadeth on évoque « la virtuosité vaine et gratuite ». On a envie de répondre : ce n’est pas sale.

Et pourtant. Qu’est-ce qu’on est content de trouver des défenseurs de Venom, Bathory, Voivod, Cathedral, Fu Manchu, Eyehategod, Harvey Milk, Boris etc … Là-aussi, aucun doute sur l’immense talent de tous les groupes qui sont dans ce livre.
Mais ce n’est peut-être pas celui-là qu’il fallait écrire. Au risque de compartimenter, il aurait sans doute mieux valu se concentrer sur toutes ces musiques lentes, boueuses, psychédéliques que sont le stoner, le sludge, le doom voire le black metal quand par exemple il en vient à se relier au shoegazing. Au lieu de figures imposées, nous aurions peut-être eu droit à un Mastodon, un Kylesa ou cette scène dite « post-metal » où ont excellé les Isis, Pelican etc…

La maison d’édition annonce un nouvel ouvrage de Philippe Robert pour février 2011, intitulé « Post-punk, No Wave, Indus et Noise, chronologie et chassés-croisés ». On a hâte.

1 commentaires sur “Essai en décembre : Hard’N’Heavy (tomes 1 et 2)

  1. Isa

    DAMNED, je savais pas que les Variations c’était du métal…

    En revanche, merci pour cette double chronique qui m’a même donné envie de les lire, les bouquins…ce qui n’était pourtant pas gagné
    🙂

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