Chronique SFFF : C’était l’été

En attendant les Utopiales 2016 (fin octobre, on a le temps), nous vous proposons quelques avis sur des bouquins sortis entre juin et août, soit une période pas vraiment faste pour l’édition mais où l’on peut trouver quand même son bonheur, surtout juste avant la rentrée …

Les Légions de Poussière – Brandon Sanderson

leslegionsdepoussiereJoel n’est pas rithmaticien, il doit se contenter d’être étudiant à l’académie Armedius, en Nouvelle-Britannie, l’une des 60 Iles-Unies.
Il n’est donc pas capable de donner vie à des créatures de craies, mais peut cotoyer ceux qui le peuvent et sont là pour développer leur potentiel avant d’être envoyés sur le front à Nebrask afin de combattre les crayolins de la Tour.
L’été arrive et le jeune homme est nommé assistant du professeur Fitch. Il doit l’aider à trouver des informations permettant d’expliquer les disparitions des meilleurs étudiants en rithmatique de l’académie.

Une école, une sorte de magie, un orphelin (de père). Ça sent le réchauffé. Un personnage principal bien jeune, des adultes aux caractères simples (simplistes?), une complice adorablement insupportable : on a dû se tromper, on a pioché dans le Young Adult. Est-ce le néant des sorties estivales ? On avance dans le récit avec plaisir, mais pensant ne pas taper une ligne pour mentionner le livre dans ces chroniques.

Et pourtant, une fois refermé, vient l’envie d’en parler. Raison une : on se prend au jeu des explications/cours sur cette science géométrico-fantastique. Chaque chapitre commence par un schéma présentant une ligne ou un cercle de défense rithmatique. Les enjeux des duels (académique ou en situation de guerre) s’enrichissent au fur et à mesure.
Raison deux : les illustrations de Ben McSweeney. Ce n’est pas une BD (il y a eu un projet , abandonné), ni un album mais les quelques créatures rencontrées apportent beaucoup à l’histoire, la rendant plus immersive.
Raison trois : plus on avance plus on en veut. Un démarrage avec une confrontation poussive, des combats en 2 dimensions, plats, et finalement des personnages dégueulant des monstres qui vont s’engouffrer dans les victimes. Ajoutons le monde décrit autour : un début de XXè siècle qui n’est pas le nôtre. L’Amérique du Nord est un archipel, l’Europe a été envahie par l’Asie. Là aussi le trait est épais mais rend curieux.

Il y aurait peut-être la place dans les étagères ou le temps de lecture pour la suite.

Chaos : Ceux qui n’oublient pas – Clément Bouhélier

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Paris, gare de Lyon. Une femme brise une éprouvette et libère un virus. Il ne lui faut que quelques jours pour infecter quasiment toute la population. Les symptômes : le dernier stade de la maladie d’Alzheimer.
Phil est collégien, son meilleur ami a été le premier touché, lui ne l’est pas. Ni Arthur, l’assistant parlementaire. Ni Claudy, le retraité de la BNP. Ni Chloé, qui gagne sa vie en tournant des films X, qui voudrait bien faire autre chose mais sans doute pas ce qui va lui arriver.

On part sur l’idée d’une histoire post-apocalyptique, comme il en sort pas mal. Mais premier constat, à l’instar de Stephen King cité dans la 4è de couverture, Clément Bouhélier prend son temps pour raconter l’effondrement. Le temps de donner une réelle épaisseur à ses personnages. Le temps d’en passer rapidement en revue plein d’autres, pour expliquer comment une société se crashe. On apprécie le rythme.
Puis vient le moment plus classique des pillages et des fuites devant la sauvagerie totale. C’est là que l’auteur met en avant les marionnettistes : celui qui est responsable du chaos, et son ennemi, son ancien maître. Que sont-ils ? Le premier tome ne le dit pas.

Chaos : Les Terres Grises – Clément Bouhélier

chaos-lesterresgrisesDeuxième tome : Les 4 (et demie) sont sur le point de se retrouver, le dénouement paraît proche. Mais l’intervention de l’ennemie envoie l’équipe nouvellement formée vers un monde mort. Ou quasi : des sortes d’oiseaux et des plantes vénéneuses sont les seules formes de vie. Comment se signaler au maître ? Comment échapper aux dangers, notamment celui envoyé par l’homme aux yeux couleur d’eau sale ?

Dans « les Terres Grises », l’histoire de Kiyan (et Yevel) nous est racontée. Celui qui a détruit l’humanité a un passé, il nous est donné d’entrer en empathie avec lui. A contrario, Aurigua, qui le dirigeait apparaît plus ambigu. La dynamique du groupe des survivants est bien sûr utilisée. Elle fonctionne. Le personnage de pseudo-Alien aussi : ses motivations, ses émotions sont brutes mais font du prédateur un peu plus qu’un tueur. La machine dans le ciel, par contre, laisse plus dubitatif. Même si on nous explique qu’elle ne fonctionne plus très bien, le menace qu’elle apporte est moins nette.

Au bout du compte, si la fin est peut-être discutable, il faut admettre qu’on a tourné les pages à une vitesse significative. S’il s’agit d’être pris par un récit, la mission est parfaitement remplie.

Un Pont sur la brume – Kij Jonhson

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Kit Meinem d’Atyar est architecte. Il est envoyé à Procheville pour poursuivre le chantier le plus important de l’Empire. Pour traverser le fleuve, donc la brume, il doit compter sur Rasali Bac. Mais la jeune femme ne peut accomplir son travail que lorsqu’elle est (à peu près) sûre que les Géants ne seront pas un danger.
Qu’est-ce que la Brume, cette matière sur laquelle il est possible de naviguer mais qui brûle la peau ? Le pont pourra-t-il être construit ? Que deviendront les Bac et les Passage, ces gens dont le nom indiquent la fonction, une fonction bientôt inutile ?

En SF et fantasy, les nouvelles sont assez courantes. La novella est, au choix, une nouvelle particulièrement longue ou un roman bien court. Le Bélial a déjà publié 6 titres dans sa collection « Une Heure Lumière », dédiée à ce format.
124 pages suffisent pour raconter la vie du technicien, sa façon d’aborder les gens, les difficultés et les avancés des travaux.
On a peur des traversées, peur de l’échec. Parce que l’histoire, pense-t-on, doit comporter un drame.
Tout comme dans les contrats d’union dont les gens de ce monde à 2 lunes peuvent fixer la durée à l’avance, on sait quand on va s’arrêter, pas avec quelles émotions.

L’homme qui mit fin à l’histoire – Ken Liu

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Akemi Kirino et Evan Wei sont américains. Elle est d’origine japonaise, lui d’origine chinoise. Il est historien, elle est physicienne et a trouvé un procédé pour « voir » le passé. Ils vont envoyer des témoins observer les agissements de l’unité 731. Entre 1936 et 1945, des médecins japonais expérimentent sur des cobayes humains : viols (pour étudier les maladies vénériennes), vivisections sans anesthésies, amputations etc …

Quand l’écriture est à ce niveau-là, et le sujet tellement bouleversant, le chroniqueur se sent sécher. Comment dire tout ce que Ken Liu peut mettre dans une centaine de pages ? Les conflits politiques, les débats philosophiques (à qui appartient l’histoire ?), la finesse des sentiments au milieu de l’horreur.
Il y a le procédé : décrire un documentaire, comme si on assistait à une émission de télé. Faire alterner les prises de parole, passer de l’écœurement au déni, débattre des responsabilités. Parce que ce qui peut être vu ne peut l’être qu’une fois, après chaque passage, un vide. Que restera-t-il ?

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