Chronique SFFF : Des devenirs

Que vivrons-nous demain ? Après-demain ? Dans très longtemps ? Jamais ? Qu’avons-nous vécu autrefois ? Qu’ont-ils subi ? Qu’allons-nous devenir ?

Water Knife – Paolo Bacigalupi

thewaterknifeLe Water Knife s’appelle Angel Velasquez. Il bosse pour Catherine Case, celle qui permet à Las Vegas de mener la danse et faire crever les autres villes, comme Carver City à qui ils coupent l’eau.
Maria est une gamine, une réfugiée texane qui tente de survivre à Phoenix, avec sa copine Sarah qui se prostitue.
Lucy est journaliste. Elle couvre depuis plusieurs années ce qui se passe dans la capitale de l’Arizona. Elle va raconter le désastre.

On aurait pu placer la chronique du dernier livre de Paolo Bacigalupi dans la section polar : crimes, truands, recherche de la vérité. Les ingrédients y étaient. Mais on a découvert l’auteur américain avec « la Fille Automate », et de toutes façons, c’est la Science-Fiction qui a besoin de promotion.

Alors voici une de ses toutes meilleures plumes. Un monsieur qui raconte des futurs possibles. D’autres auteurs le font, mais il est indéniable que celui-ci s’en préoccupe vraiment. Donc s’informe, sait de quoi il parle.
Pourtant, ce n’est pas ça qui va donner le plaisir de lecture. Puisqu’on est dans un thriller, il faut qu’on coure avec les personnages, parfois un peu devant, parfois à la traîne. Ici quand on croit voir la route, elle tourne, et retourne. Pas abruptement, intelligemment. Humainement : ce que Bacigalupi fait à son ange est magnifique.

Et il nous laisse avec juste ce qu’il faut dans le ventre pour être rongé. Sur ce qu’il adviendra de nous, bien sûr, mais surtout, avant tout, sur ce que seront les gens qui arrivent. Nos enfants.

Lum’en – Laurent Genefort

lumenC’est l’histoire d’une planète, l’histoire de la colonisation d’une planète. Les humains y débarquent mais Lum’en y était depuis bien plus longtemps, enfermée dans le sol. Et les Pilas peuplaient déjà Garance avant que les bipèdes ne commencent à détruire la forêt.

Pour cette histoire, plusieurs nouvelles : celle d’un illuminé religieux qui élève des enfants, celle des colons qui transforment leur ADN pour pouvoir manger ce qui pousse sur ce monde, celle d’artistes/activistes qui tentent d’apporter quelque chose à leur civilisation, celle de la prise de contact entre un homme et deux petits êtres arboricoles (la meilleure sans doute), celle d’un diplomate qui doit trouver la moins mauvaise solution, c’est-à-dire celle qui précipite la fin, et celle d’un gamin seul qui fait exploser des ruines.

Au milieu, entre : Lum’en qui s’éveille, qui patiente, utilise des vers, s’échappe.

Laurent Genefort a reçu trois prix pour ce livre (on était à la remise du premier), la couverture le rappelle. Dans ces cas-là on s’attend à du tout bon.
C’est le cas. L’intérêt va croissant. L’antépénultième chapitre en est le climax, les deux derniers sont presque aussi réussis, en tout cas très haut.
L’ensemble est relativement court pour dire la naissance, la mort, la place laissée, peut-être, à meilleur que soi.

Le fleuve céleste – Guy Gavriel Kay

le-fleuve-celesteRen Daiyan est encore très jeune lorsque le magistrat Wang Fuyin ordonne qu’il lui serve de garde pour rejoindre une bourgade éloignée. Ils sont attaqués. Le garçon tue tous les assaillants grâce à son arc.
Puis part dans la forêt devenir bandit.

La Chine des Song (Xè siècle) est la matière utilisée pour tracer le parcours d’un homme hors du commun. Comme dans « les Chevaux Célestes », Guy Gavriel Kay prend ce qu’il veut dans l’Histoire, ajoute l’imaginaire (femme-renard, fantômes), mais cette fois avec beaucoup plus de parcimonie.

Dès la scène initiale, déclenchante, tout ce que fait l’auteur est là : l’immédiat, le devenir, le hors-champ, l’esprit. 700 pages où le Canadien peint. Une femme exceptionnelle. Parce que ceux qui le voudront liront une histoire d’amour douce et forte. Ils trouveront aussi la poésie, passée du chinois à l’anglais puis au français, mais ce qu’il en reste a de quoi toucher. Et il y a celle des pensées et des actions de ces gens.

Les civilisés et les barbares. Les soldats et les dirigeants. Nous ne choisissons pas notre époque, nous choisissons, parfois, notre manière d’y vivre. L’honneur, la carrière, la famille, la justice, l’audace, le respect, l’amitié, l’harmonie, la beauté.

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