Après la restitution de son travail sur les bruits de l’aéroport de Saint Jacques et une prestation de DJ au jardin Moderne, l’artiste berlinois Robert Henke, en résidence toute la semaine sur Rennes, a offert une ultime performance à Cultures Electroni[k] et cette fois-ci avec le génial Christopher Bauder avec Atom. Œuvre emblématique de la partie la plus expérimentale du travail d’Henke, Atom allie un travail sonore, riche et imprévisible, à un étrange et fascinant ballet de baudruches sublimé par des éclairages subtils. Proposée à quatre reprises, la performance a affiché complet à chacune des représentations et plusieurs personnes sont restées à la porte de la salle de la Cité.
Sur place pour la séance de 11h30 ce samedi 13 octobre, on se réjouit de voir une nouvelle fois à quel point Cultures Electroni[k] parvient à s’adresser à des publics différents : des fans de Robert Hen[k]e (nous en sommes), des curieux, des parents de tous âges, de jeunes enfants, des grands-parents, des étudiants… Il faut dire que pour chacune des représentations, l’entrée estgratuite, ce qui est une bonne façon de faire venir les Rennais aux budgets les plus modestes à des propositions artistiques aussi passionnantes qu’exigeantes…
Quand on pénètre dans la Salle de la Cité, on est tout de suite happé par l’étrange installation qui prend l’essentiel du centre de la salle. Dans la pénombre, 64 (gros) ballons blancs gonflés à l’hélium, maintenus à hauteur d’homme par des filins sont disposés de manière à former un immense carré. Le public s’installe autour de la structure, qui sur des chaises, qui sur des coussins posés sur le sol. Autour de nous, les zébulons de moins de 10 ans semblent tout autant ravis de pouvoir s’allonger sur les coussins qu’ébahis par la féérie de ces énormes ballons suspendus dans les airs. Et on doit avouer qu’au triple ou au quadruple de leur âge, on est tout aussi émerveillé…
Sur la scène de la Cité, assis à une table surmontée d’un ballon fixe, Christopher Bauder et Robert Henke sont derrière leurs machines. L’installation Atom créée en 2007 est en effet une collaboration entre Henke donc, et un autre artiste berlinois Christopher Bauder. Le travail de ce dernier tourne autour d’interactions visuelles et sonores entre le public et des installations géométriques ou des objets détournés de leur fonction de base. Le Midigun, par exemple, vous permet de mixer un set électro arme au poing tandis que la Toneladder vous fait contrôler images et sons en montant, descendant ou frappant deux escabeaux… Pour Atom, c’est Christopher Bauder qui est venu, avec sa structure aérienne, proposer à Robert Henke de travailler avec lui. Ainsi, pendant que Bauder gère la flotte des 64 ballons blancs remplis d’hélium et contrôle la hauteur de chaque ballon pour former différentes figures, Henke s’occupe pour sa part de l’interaction entre la musique et les éclairages puisque les ballons, en plus d’être mobiles, sont éclairés de l’intérieur par une armada de LED. La musique (même si une trame a été précédemment établie) est créée sur place et en direct par Henke.
Une fois la salle plongée dans le noir, les ballons restent encore immobiles le temps qu’une nappe de basse orageuse nous plonge dans l’ambiance et nous fasse quitter nos repères. On se laisse porter par cette première vague, sorte de drone profond, qui emplit progressivement la salle. Et puis, petit à petit, des ballons commencent à clignoter sur des cliquetis sonores qui font taire le drone et hoquètent avec le silence. Les cliquetis s’entremêlent tout autant que les lumières blanches à l’intérieur des ballons, qui dansent immobiles, un ballet de claquettes aériennes.
D’un coup, certains ballons s’élèvent de plusieurs mètres dans les airs. On a du mal à retenir des « aaahhhh » surpris et ébahis en même tant que les enfants, tant cette montée soudaine est à la fois renversante et féérique.
Pour le tableau suivant, ce sont des notes de piano qui courent, lumineuses, sur des ballons mouvants qui s’éclairent à chaque touche, pour des arpèges lumineux captivants. S’ensuivent alors de multiples figures géométriques, plus ou moins complexes, des jeux de montée et descente, que ce soit sur des notes ou des ballons. On en prend plein les rétines, mais aussi plein les oreilles, notamment quand Henke revient aux sons plus électroniques : des brumes électriques, des déplacements d’airs sonores, de petites stridences aiguës, avec toujours cette clarté dans les textures sonores, une pureté des sons qui sont une des marques de fabrique du musicien. On pense parfois à Mille Plateaux et toute la clique des click’n cuts, Snd en tête. Mais les basses profondes nous rappellent que Monsieur Henke a également activement participé à Chain Reaction/ Basic Channel. Et qu’il a pour cela notre reconnaissance éternelle.
Durant un moment de silence lumineux, un zouzou à côté de nous s’écrie : « mais elles sont où les lumières ? » quand un jet de fumée blanche est soudainement propulsé sous les ballons. Là encore, on se retient de s’exclamer mais on entend la surprise des plus jeunes autour de nous. La fumée forme alors une sorte de nuage cotonneux au-dessus duquel planent les ballons pour quelques secondes totalement magiques. Puis celle-ci s’étire et crée un halo brumeux dans lequel la présence des ballons qui s’éclairent de façon encore plus imprévisible est tout aussi stupéfiante.
On doit avouer qu’on retrouve notre âme animiste de bambin à chaque mouvement vertical des ballons tant ceux-ci nous semblent vivants, à leur manière de s’élever dans les airs, d’un mouvement décidé, toujours sûrs d’eux. Les crépitements lumineux les personnifient encore davantage puisqu’ils sont associés aux sons joués par Henke. Un quatuor de ballons-basse reste groupé tandis qu’un carré de ballons aux sons crépitants le surplombe avant d’être lui-même dépassé par un autre carré de ballons aux souffles rythmés. On sait bien, pourtant, que les sons ne viennent pas des ballons. Mais c’est une des réussites de la performance : cette visualisation des structures musicales par le biais des formes géométriques créées avec les ballons. On perçoit facilement tous les sons et la manière dont ils sont agencés puisque cette structure devient visible et soulignée par le ballet des ballons lumineux.
Certaines parties sont plus rythmées, d’autres plus atmosphériques. Mais on se laisse de bout en bout porter par ce ballet moderne et subtil tant les formes géométriques et les agencements aériens réalisés par Bauder sont nombreux et variés. On aime aussi que la lumière des ballons se reflète sur la texture de leurs voisins tout comme on regarde pendant de longues secondes les formes géométriques se refléter sur les vitres de la Cité. Au final, on aura du mal à ne pas garder la mâchoire décrochée durant toute la performance.
Sûrement l’un des moments les plus magiques passés durant cette édition…
Photos : Caro, Mr B.
[A noter, les artistes ne souhaitant pas -à raison- que la performance soit gênée par les appareils photographiques,
les photos ont été prises à l’issue de la représentation]
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Cultures Electroni[k] a lieu du 8 au 14 octobre 2012 à Rennes. Plus d’infos sur le site de Cultures Electroni[k].