Ce n’est à rien de moins qu’une soirée de rêve que vous convie l’association Kfuel samedi 18 février, au Bar’Hic, à Rennes. Vous y aurez la grande chance de pouvoir y entendre le responsable d’un de nos albums les plus marquants de 2016 : le trio de Boston E (au sein duquel on retrouve l’immense Thalia Zedek). Comble du bonheur, la soirée sera complétée par un autre trio qu’on apprécie beaucoup : les locaux de Février qui viendront défendre les titres de leur imminent premier maxi vinyle.
Alors que dans son roman La Disparition Georges Pérec escamotait la cinquième lettre de l’alphabet pour évoquer ses drames personnels, le choix de la simple lettre E comme patronyme pour la formation américaine regroupant Thalia Zedek, Jason Stanford et Gavin Mc Carthy évoque au contraire un retour gagnant. C’est donc un doux euphémisme de dire que nous avons bondi de joie à la confirmation du retour sur Rennes de cette grande dame qu’est Thalia Zedek, qui plus est avec sa formation qui nous a collé l’an dernier une claque magistrale avec son premier album.
Originaire de Washington, Thalia Zedek est une de ces légendes discrètes mais chéries, des marges de la musique américaine. Elle s’est d’abord fait connaître dans les années 80 comme la furieuse frontwoman d’Uzi ou Live Skull. Elle quitte ce dernier groupe en 1990 empêtrée dans de terribles conflits personnels envenimés par une sévère addiction à l’héroïne. Aidée par ses amis, elle parvient tout de même à se sortir de sa dépendance. En compagnie de Chris Brokaw, batteur et guitariste de Codeine, elle fonde dans la foulée le groupe qui aura une place toute particulière dans le cœur de tous ceux qui ont croisé sa musique à l’époque : Come. Entre 1992 et 1998, ils sortiront quatre albums chez Matador Records, tous plus splendides les uns que les autres. Zedek et ses acolytes y développent un blues-noisy, abrasif, furibard et d’une sublime noirceur. Le duo de guitares Zedek/Brokaw apporte une tension saisissante à ces longs morceaux envoûtants. Surtout que plane sur cette musique déjà remarquable, la voix de Thalia Zedek. Une voix âpre et éraillée, où chaque aspérité comme chez le regretté Vic Chesnutt, porte la marque d’une vie tourmentée. Une voix de quelqu’un qui a vu le fond du trou et qui en est remonté. Une voix qui vous dévoile autant qu’elle ne se dévoile elle même.
La dame poursuivra à partir des années 2000 une carrière solo, d’abord sous son propre nom puis sous celui de Thalia Zedek Band, une fois la formation l’accompagnant stabilisée. Son inspiration s’est faite plus inégale malgré des fulgurances toujours aussi bouleversantes. Sa musique s’est également apaisée et ses disques naviguent plus vers des terres folk ou classic rock. Pourtant, cette grande dame n’a rien perdu de sa remarquable intensité même quand elle chante des ballades plus classiques. En témoigne EVE, son très beau dernier album, sorti en août 2016 chez Thrill Jockey.
Sauf que la dame n’en a pas terminé avec l’électricité. En 2013, elle s’associe donc à Jason Stanford (Neptune) et Gavin Mc Carthy (batteur de Karate) pour former E. Les premiers morceaux que nous avions pu écouter de la formation nous avaient filé le grand frisson. La musique du trio se nourrit des parcours assez différents de ses trois protagonistes. Elle combine avec élégance et rugosité un rock fiévreux, une évidence qui vous frappe pile sous le menton et un goût certain pour les sentiers les plus tortueux. Leur premier album sans titre sorti en novembre 2016, toujours chez Thrill Jockey confirme haut la main la fertilité du projet. Tension remarquable, intelligence des compositions, les dix titres sont rien de moins que des merveilles. Le duo/duel de guitares (et de voix) de Zedek et Stanford apporte une tension remarquable à des compos charpentées de main de maître par les rythmiques de Mc Carthy. Un grand disque tout simplement qu’on bout littéralement d’impatience d’entendre sur scène. D’autant plus que d’après ce qu’on a pu entendre du début de leur tournée européenne, le trio a sous le bras quelques inédits de tout aussi haute volée.
Les occasions de croiser le chemin d’une artiste aussi singulière qu’intense ne sont pas légions. Louper celle-ci, alors qu’elle est en plus en excellente compagnie, serait donc rien de moins qu’impardonnable.
Nous sommes tout aussi ravis de retrouver le second trio de la soirée. Février est composé d’Emilie au chant et de Don Lurie à la guitare (animateur régulier de l’émission kérozène sur canal B et pilier de l’association Kfuel) et enfin de Mat Cotton (de You’ll Brynner et Formica) à la batterie minimaliste. Alors duo, ils avaient sorti en novembre 2013 une excellente Démo deux titres sur bandcamp où ils déployaient un slowcore atmosphérique et à vif, proche des immenses Slint ou du duo canadien Mecca Normal. Sur scène, nous apprécions tout particulièrement leur interprétation fiévreuse et habitée. Surtout que l’ajout d’un batteur a encore accentué l’impact émotif de leur prestation. Le premier concert à trois qu’ils avaient donné en juin 2015 au Bar’Hic et leur prestation lors de la release party de l’album de Daniel Paboeuf Unity à la salle de la Cité, nous ont beaucoup impressionné par la sensation de complicité qui se dégageait d’une formation aussi récente et par la façon dont la rythmique accentuaient encore la puissance émotionnelle de leurs morceaux. Ils devraient avoir à cœur de défendre les compos de leur imminent premier maxi vinyle enregistré au studio Kerwax avec Christophe Chavanon. Une des formations rennaises qui nous semblent les plus prometteuses. A découvrir absolument comme dit l’autre.
Samedi 18 février 2017 – Bar’Hic, place des Lices, Rennes – 21h – 6€
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