Cultures Electroni[k] propose le troisième et dernier (snif!) volet des Nuits Américaines consacrées aux compositeurs minimalistes américains : après Steve Reich et Terry Riley, c’est au tour de la musique de Philip Glass et de John Adams de nous faire vibrer.
Un tripyque autour de la musique minimaliste américaine dans un festival électronique ?
Il y a trois ans, c’est avec un plaisir sans mélange que nous avions pour la première fois entendu Different Trains de Steve Reich joué en vrai au Diapason, par des musiciens en chair et en os, alors que nous avions déjà usé notre disque de la même oeuvre jusqu’à la corde. L’année dernière, c’est Terry Riley qui nous avait donné le tournis au Triangle avec In C, interprété avec brio, encore une fois par l’Orchestre de Bretagne et son facétieux chef Jonathan Shiffman. On attendait très impatiemment de savoir quel serait le troisième musicien américain qui serait mis à l’honneur pour ce dernier volet consacré aux compositeurs minimalistes américains, tant les choix de Steve Reich et Terry Riley nous avaient emballés. Et bien c’est un sans faute de la part des organisateurs puisque cette année, ils sont deux et que ce sont Philip Glass et John Adams qui ont été choisis.
Mais pourquoi donc proposer des concerts de musique minimaliste dans la programmation de Cultures Electroni[k] vous demandez-vous peut-être ? Et bien parce que les compositeurs du courant minimaliste et répétitif sont pour la plupart reconnus comme les plus importants précurseurs de la musique électronique. La musique minimaliste américaine est une influence majeure pour un grand nombre de musiciens électroniques contemporains. Cultures Electroni[k] et l’Orchestre symphonique de Bretagne nous proposent donc de redécouvrir ce répertoire.
Les Nuits Américaines précédentes ont ainsi toujours associé performances de l’Orchestre Symphonique de Bretagne et musiciens de la sphère électronique. Ainsi lors de la première Nuit Américaine, nous avions assisté à un live époustouflant de Tim Hecker, tandis que l’an dernier, c’est la performance audio-visuelle de Purform qui nous en avait mis plein les yeux et les oreilles, avant le mariage subtil d’In D du collectif électronique Arandel avec un quatuor à cordes. Cette année, c’est une nouvelle fois le mariage entre instrumentation organique et électronique qui sera consommé avec la performance de Murcof et Vanessa Wagner.
Philip Glass, la star du minimalisme
Sûrement l’un des compositeurs les plus connus du courant minimaliste et répétitif, du fait de ses nombreuses compositions pour des musiques de film (The Hours, Koyaanisqatsi, Chroniques d’un scandale, l’Illusioniste et on en passe), de son travail sur l’opéra avec Robert Wilson (Einstein on the Beach, notamment) et de ses accointances avec des musiciens tels Brian Eno, David Bowie, Patti Smith ou Aphex Twin (et là encore on en passe !), Philip Glass fait partie des pionners du genre avec Reich, Riley ou La Monte Young.
Pour dire vite, la musique minimaliste est née aux Etats Unis dans les années 60 et repose sur un principe de composition simple : la répétition. Qui se déclinera sous différentes formes comme celle du phasing inventé par Steve Reich : il s’agit de partir d’un motif musical très court mais que l’on répète indéfiniment. Chaque musicien ou magnétophone joue donc sensiblement toujours la même chose, mais ce motif est progressivement décalé entre les différents instrumentistes ou vocalistes (ou magnétophones). On commence donc par exemple par deux motifs identiques, joués à deux tempi différents, mais réguliers. Petit à petit, on quitte l’unisson et une sorte d’impression d’écho se produit… Dans ce qu’on considère souvent comme la première oeuvre de la musique minimaliste, In C, Terry Riley écrit pour sa part, une partition composée de 53 phrases musicales que chacun des musiciens doit jouer et répéter autant de fois qu’il le souhaite avant de passer au motif suivant (à chacun de choisir le nombre de répétitions).
Ainsi les premières œuvres de Philip Glass (jusqu’en 1974) s’inscrivent pleinement dans ce courant répétitif et minimaliste, notamment 1+1 ou Music in Fifths. Mais les compositions du musicien évoluent par la suite : la répétition n’est plus le principe essentiel de composition. A tel point que pour ces oeuvres postérieures, Philip Glass préfèrera utiliser l’expression « musique avec structures répétitives » . C’est notamment le cas pour l’oeuvre qui sera interprétée ce mardi 9 octobre à l’Opéra, la Symphonie n°3 (1995). Commandée par le Stuttgart Chamber Orchestra et son chef d’orchestre Dennis Russel Davies, elle a été composée pour les 19 instrumentistes à cordes et chaque musicien y est considéré comme un soliste. L’oeuvre explore les textures, de l’unisson juqu’à la poly-harmonie de tout l’orchestre. Le troisième mouvement (une chaconne) commence avec trois violoncelles et quatre alto qui jouent un motif harmonique. Mais à chaque répétition de ce motif, de nouvelles voix sont ajoutées, jusqu’à ce qu’au final, les parties des 19 musiciens soient totalement imbriquées. Le rythme syncopé et ces progressions de cordes qui se répètent se révèlent tout aussi émouvants qu’addictifs. On a donc plus que hâte de les entendre jouer par l’Orchestre Symphoni[k] de Bretagne. A noter que les étudiants du Conservatoire en donneront par la suite une relecture numérique.
John Adams, ou le mariage entre Schoenberg et les cartoons
De 10 ans le cadet de Steve Reich ou Philip Glass, John Adams est pourtant lui aussi tombé dans la marmite du minimalisme et a composé plusieurs oeuvres reposant sur la répétition de brèves cellules (Shaker loops notamment).
Avec la Chamber Symphony (1992), dont l’OSB jouera le premier mouvement (mais aussi avec sa « descendance » , Son of Chamber Symphony, 2007), John Adams joue sur des superpositions rythmiques d’une grande virtuosité. Ainsi que sur un mariage détonnant, teinté d’une sacrée dose d’humour : «Je me trouvais dans mon studio où j’étudiais la partition de la Symphonie de chambre de Schoenberg, pendant que dans une pièce voisine, mon fils Sam, âgé de sept ans, regardait des dessins animés (ceux datant des années 50, les meilleurs !) à la télévision. La bande musicale hyperactive, insistante, agressive et acrobatique des dessins animés se mêlait dans ma tête à la musique de Schoenberg, elle-même hyperactive, acrobatique, et nettement agressive, et j’ai réalisé soudain à quel point ces deux traditions possédaient des éléments communs.» De là naissent les trois mouvements de sa Symphonie de chambre, qui vagabonde de sautes d’humeur en contrastes grinçants. A ne pas manquer.
Vanessa Wagner et Murcof : le mariage entre classique et électronique
Autre belle surprise dans cette programmation, la présence de Murcof sur la scène de l’Opéra. Grand nom de la musique électronique, le Mexicain est un maître dans l’art de créer des textures synthétiques minimales, souvent belles à pleurer, à égale distance entre musique contemporaine et ambient. L’homme a déjà collaboré avec d’autres artistes venus d’horizons musicaux différents, tels Erik Truffaz (jazz) ou Talvin Singh (tablas indiens, pour faire vite). Pour Electroni[k], il sera aux cotés de la pianiste classique Vanessa Wagner sur la scène de l’Opéra.
Rappelant la performance de Mira Calix avec Oliver Coates l’an dernier en ouverture du festival, mêlant instrumentation classique et organique (violoncelle) et électronique, la collaboration entre les deux artistes devrait également magnifier le mariage entre classique et électronique en revisitant des oeuvres de compositeurs contemporains (Debussy, John Cage, Erik Satie, Philip Glass ou encore Maurice Ravel). Murcof avait déjà tissé des liens entre musique baroque et électro minimaliste en 2007 à l’occasion du Festival Les Grandes Eaux nocturnes du Château de Versailles avec subtilité et talent. Fort à parier qu’il en sera de même avec la création proposée cette année.
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Cultures Electroni[k] présente La Nuit Américaine #3 avec l’Orchestre Symphonique de Bretagne, Vanessa Wagner & Murcof et les élèves du Conservatoire à l’Opéra de Rennes (Place de la Mairie) le mardi 9 octobre 2012 à partir de 19h30 (spectacle à 20h).
Plein tarif : 16 euros – Tarif réduit : 12 euros – Sortir ! 4 euros
Cultures Electroni[k] a lieu du 8 au 14 octobre 2012 à Rennes. Plus d’infos sur le site de Cultures Electroni[k].