L’impeccable association Alambik avait la riche idée d’inviter au Terminus, mardi 17 janvier, deux formations de l’excellent label Le Saule. Les musiques acoustiques, fantasmatiques et poétiques de Bégayer et Philippe Crab ont enchanté notre début d’année.
En arrivant au Terminus, on craint un instant que ce mardi soir glacial n’ait quelque peu refroidi les ardeurs musicales des rennais. Il faut aussi dire que le public local n’est pas toujours très friand de ce qui tombe sous l’appellation « chansons », même obliques. Heureusement, ce ne sera pas le cas ce soir là et le bar va progressivement se remplir une fois le premier concert démarré.
Le trio grenoblois Bégayer ouvre le bal avec l’agréable ponctualité coutumière de l’endroit. Loup Uberto, Lucas Ravinale et Alexis Vinéïs déploient avec une fièvre délicate leur folk tribale venue de partout et d’ailleurs. Une voix sans âge, chaleureusement rugueuse envahit l’espace. Des arpèges vibrants tournent en bourrique sur des guitares bricolées. Des rythmiques subtilement libres sont effleurées sur la batterie. Le tout donne un concert littéralement envoutant qui laisse le public sous le charme.
C’est ensuite au tour de Philippe Crab, de jouer. Le guitariste chanteur est flanqué de Borjas Flames au clavier/batterie/bidouilles diverses et de Marion Cousin à la seconde voix/radio/délicates bizarreries percussives et accordéonesques. Le trio joue un chouette frichti mêlant les titres des deux derniers disques du monsieur : Ridyller Rasitorier Rasibus et Fructidor. Les tortueuses et labyrinthiques compostions du bonhomme paraissent, de prime abord, moins immédiatement sensorielles que ses prédécesseurs mais, grâce à l’énergie facétieuse du trio, on se prend vite à ce jeu aux règles délicieusement flottantes. Le plaisir est d’abord celui du langage. Les mots, les expressions, les idiomes se culbutent dans un doux et savoureux fracas. Le bonheur est aussi multiplié par le jeu fluctuant des deux voix de Philippe et Marion. Ce n’est qu’une fois qu’on a plongé tête baissée dans ce bain lexical et vocal que l’on s’aperçoit que les arrangements ne sont pas en reste. Ca voltige sur les cordes de la guitare, ça percute, grince, vrille sur un joyeux capharnaüm instrumental. C’est fin, inventif et constamment surprenant.
Si l’on en croit le brouhaha des conversations du comptoir, l’accueil est un poil plus mitigé que pour Bégayer mais pour notre part nous avons été tout autant emballé par les deux prestations. Tout comme Annette, la patronne des lieux, qui répond à la demande de Philippe Crab sur son temps de rappel par un tonitruant et enthousiaste : « Nan, mais vous ne jouez pas fort. Vous pouvez continuer autant que vous voulez !« .
Merci donc au Terminus, à l’Alambik et à toute la bande du label Le Saule pour nous faire aussi bien démarrer notre année musicale.