Marre des statistiques covidées ? Marre du masque ? Marre du gel hydro-pas-alcoolique ? Marre des infos ? ça tombe bien, nous aussi ! Pour oublier cet environnement toxique, on vous propose une plongée sans filet dans notre sélection bigarrée de culture en papier sous forme de calendrier de l’avent bibliophile : Des bouqu’1 sous le sapin 4è édition ! Pour ce dimanche, voici une longue et passionnante virée au cœur des Balkans du Sud, dans les pas d’une autrice bulgare qui cherche à comprendre la spirale de l’exil.
Les anglophones appellent cela le « non-fictional writing », les francophones lui préfèrent le terme de « reportage littéraire ». Dans les pas de Truman Capote ou d’Albert Londres, le genre est en renouvellement, notamment depuis que la biélorusse Svetlana Alexievitch s’est vue attribuer le prix Nobel de Littérature en 2015 après ses reportages sur Tchernobyl. En France, on doit aux éditions Marchialy un nouvel élan pour ce genre de récit, qui mêlent réalisme journalistique et souffle littéraire. C’est Marchialy qui publie en France ce récit de la bulgare Kapka Kassabova, d’abord remarquée pour sa poésie et sa fiction, et dont le premier reportage littéraire, « Lisière » (2020) s’était vu récompensé du Prix Nicolas Bouvier, attribué pendant le festival malouin Étonnants Voyageurs.
L’autrice bulgare, qui vit à Glasgow, poursuit ici son enquête au sujet des dynamiques de l’exil qui ont marqué sa famille: « Dans notre lignée de femmes, je représente la quatrième génération à émigrer ». Pour ce faire, elle réalise un long voyage sur les rives de deux lacs parmi les plus anciens et les plus beaux au monde, mal connus des européens occidentaux, les lacs d’Ohrid et de Prespa. Le long voyage entrepris est un récit ambitieux: l’autrice y mêle récit de voyage, interviews de personnes rencontrées, Histoire et mythologie. Au grée des déambulations et des contacts, elle décrypte les mécaniques de la guerre et de l’exil, en Macédoine du Nord, en Albanie et en Grèce. La narration est une prouesse, la lecture passionnante et polyphonique.
« Ce voyage touchait à sa fin. J’avais besoin d’y retourner…Pas à Ohrid, la ville, mais au lac de Lumière. Prespa ne s’ingérait qu’à petites doses, comme un médicament. Pour atteindre la frontière albanaise, il m’a fallu quitter une fois de plus le lac et suivre pendant un long moment une vallée assombrie par les montagnes, dépasser des ruines datant de la guerre civile. Tout ici donnait l’impression d’être instable, dans le temps comme dans l’espace. »
Malgré tout, on ressort apaisé de cette lecture, pourtant marquée par une humanité cabossée, à mesure que l’autrice s’éloigne et se rapproche des rives du lac. Le travail d’édition et de traduction sont à la mesure de l’écriture, remarquables.
L’Écho du lac : Guerre et paix à travers les Balkans / Kapka Kassabova
Marchialy Éditions
454 pages
ISBN 9791095582632
Prix: 22 euros
Nos autres idées de « bouqu’1 sous le sap1 » pour cette nouvelle année par ici