D’aucuns auront un petit pincement au cœur de voir les lapins une dernière fois dégonflés, les plantes et les canapés déménagés du Vieux St Étienne ou Parsec plongé dans l’immobilité et le silence. Les mêmes ou d’autres seront surpris de ne pas sortir tous les soirs ou le week end, qui pour une soirée clubbing, qui pour une virée avec les kids, qui pour une découverte de musique plus expérimentale (et on en passe un paquet tant l’éventail des propositions offertes par Maintenant était large). Le festival s’achève ce dimanche 16 octobre au soir, mais affiche une belle réussite cette année encore avec plus de 30 000 spectateurs sur 10 jours. Maintenant, c’est fini… mais en vrai pas tout à fait.
Une belle édition de Maintenant avec plus de 30 000 spectateurs
Plus de 30 000 personnes auront profité de cette 16ème édition du festival Maintenant. Plus de 30 000 personnes, car d’aucuns pourront découvrir deux installations qui resteront encore visibles. Reverse of Volume du Japonais Yasuaki Onishi aux Champs Libres, d’une part, autrement dit une montagne inversée faite d’une bâche et de fils de glue, qui semble respirer et se révèle totalement féérique. L’installation qui a déjà rencontré un très vif succès pendant ces dix jours de festival devrait combler encore beaucoup de nouveaux spectateurs jusqu’au 30 octobre. D’autre part, jusqu’au 3 décembre prochain, la facétieuse exposition De chose et d’autres du Québécois Samuel Saint Aubin qui ré-enchante nos objets quotidiens, restera installée au Grand Cordel MJC. A la manière de Ponge, Samuel St Aubin prend en effet le parti des choses et dote nos objets du quotidien d’une réalité nouvelle. Souvent drôles, ses mécanismes confinant à l’absurde (les moules de muffins se transforment en engrenages, les cuillères en convoyeurs d’œufs de l’extrême) et à l’expérimentation loufoque se révèlent d’une précision extrême mais restent vulnérables au grain de sable de la matière, qui a tout moment, menace l’équilibre. Funambule facétieux, Samuel St Aubin se balade avec l’œil du technicien obsédé par la loi de Murphy (la tartine tombe toujours du côté de la confiture). On gage ainsi que l’ironie subtile des installations du Québécois jouant sur l’irruption du hasard dans la récurrence devrait sans peine ravir de nouveaux curieux.
C’est en revanche fini cette nuit pour les lapins d’Intrude (Amanda Parer), pour lequel l’intérêt des Rennais (et des professionnels venus pour la biennale d’art contemporain) n’aura pas faibli d’un iota toute la semaine. Sûrement, explique Gaétan Naël, de l’association Electroni[k] qui organise le festival, parce que le propos de l’artiste Australienne a été bien compris et reçu. C’est une autre belle surprise, l’installation Parsec de Joris Strijbos et Daan Johan, finalement visible à l’Hôtel Pasteur, s’est révélée particulièrement marquante, a fonctionné au bouche à oreille et a su trouver son public. A la fois visuelle et sonore, composée de seize bras cinétiques équipés de lampes et de hauts-parleurs qui tournent frénétiquement autour d’un même axe, plongés dans l’obscurité et dont chaque rotation produit un déplacement incessant de points lumineux, de pulsations éblouissantes et épileptiques, de bourdonnements sonores sourds, voire stridents, Parsec est une œuvre pas forcément facile d’accès. Pourtant, d’après les médiateurs présents sur place, les spectateurs semblent avoir fait le chemin jusqu’à l’œuvre, certains restant même immergés plusieurs dizaines de minutes face à cet essaim sonore et lumineux.
Pour les amateurs de chiffres, on reprendra la communication du festival : 30 000 spectateurs, donc (mais le chiffre sera à revoir à la hausse avec la poursuite de Reverse Of Volume et De chose et d’autres), sur 25 lieux (des salles classiques comme l’Antipode MJC, le Grand Cordel MJC, le Cadran ou l’Ubu au Parlement de Bretagne, le Musée des Beaux-Arts, l’Église St Melaine, le Mail François Mitterand ou le théâtre du Vieux St Étienne, transformé cette année en Quartier Général du Festival…). 100 artistes de 16 nationalités différentes allant d’un casting international de haute tenue au soutien de la jeune création, souvent locale (on pense aux Ambiances Electroniques, mettant en avant la scène électronique rennaise le plus souvent, qui ont rencontré un franc succès et qui ont souvent affiché complet ou aux appels à projet remportés par des étudiants qui ont pu présenter leurs premiers travaux –Uluce, Point à Point, Logik-) avec 120 bénévoles (merci à eux) sur 10 jours d’explorations tous azimuts. La durée du festival, plus longue que les années précédentes a permis de renouer avec les deux week ends, permettant d’accueillir des propositions familiales (la Super Boom la semaine dernière, le Dimanche au Triangle le lendemain, le Super Week end ces 15 et 16 octobre), favorisant les rencontres, les échanges, le faire ensemble. Au cœur des quartiers, d’une part (le Blosne, Beauregard), mais également pour la première fois en centre ville avec la Super Boom au Vieux St Étienne. On retrouve l’envie des organisateurs de Maintenant de proposer des parcours dans Rennes, d’inviter à la découverte de notre ville, d’amener les gens aux œuvres mais également à la rencontre les uns des autres.
Le Vieux St Étienne, justement, transformé en Quartier Général du festival à la dernière minute, suite à la fermeture de la Cité, a réussi à s’imposer comme un point névralgique du festival sans se transformer uniquement en dancefloor du centre ville, ce qui est une sacrée réussite, allant des brunchs du dimanche midi aux soirées jusqu’à minuit. Les publics et les envies différentes s’y sont croisées, côtoyées, dans un bel équilibre. L’aménagement du lieu (un immense bravo aux équipes qui se sont donné sans compter pour aménager le lieu à la dernière minute et ont relevé le challenge avec enthousiasme) avec ses espaces différents (un espace dancefloor qui ne vient pas contredire les autres proposions du festival, des canapés pour chiller, une structure pour les enfants sonore et interactive avec l’impressionnant Polyphonic Playground, un espace restauration – on espère que vous avez goûté la brioche perdue de la formidable Miss Dom !-, un bar ou un espace pour les tablettes numériques), y est certainement pour beaucoup.
On ne reviendra pas sur les propositions musicales ici, qu’elles soient expérimentales ou clubbing, on en a déjà longuement parlé (et ce n’est pas fini) mais on s’est une nouvelle fois pris de belles claques cette année et chacune des propositions semble avoir trouvé le(s) public(s).
Maintenant, c’était aussi Demain, avec une foultitude de rencontres sur 3 journées et 5 workshops (Dessiner avec le son /Dresseur de robots / Construire un robot en papier/ Mapping Urbain ou Band Band, construction d’instruments & jeu vidéo musical). Autrement dit, des temps spécifiques pour échanger, comprendre comment ça marche et mettre les mains dans le cambouis.
Le déclic explique Gaétan Naël, a eu lieu lors de l’édition 2012, quand Christopher Bauder et Robert Henke sont venus expliquer leur projet Atom à la Cantine Numérique. L’équipe du festival a alors pris la mesure de l’importance de mettre en place ce type d’échanges car nombreux sont ceux qui se sont montrés intéressés et passionnés. Demain, né l’année dernière, a donc été reconduit cette année autour de trois thèmes (Interfaces sonores et créatives, Cité créative et Éducation & Créativité numérique) avec entre 15 et 20 intervenants par jour, bénéficiant également de la présence des artistes programmés sur le festival et de réels temps d’échanges et d’interactions. L’édition a rencontré un très large succès (avec environ 200 personnes par exemple, sur la conférence du vendredi).
Ce n’est pas vraiment fini : Maintenant entre en Mouvements
L’association Electroni[k] œuvrant pour l’accès de tous aux « cultures émergentes ainsi qu’aux pratiques artistiques innovantes » , poursuit son action en initiant le parcours Mouvements, proposant à travers le réseau des médiathèques et des bibliothèques du département un riche programme d’expositions, d’ateliers autour des questions du numérique et de l’éducation. Cela commence dès mercredi et cela se poursuivra jusqu’au mois de novembre.
Au final, ces 10 jours de festival auront marqué une édition encore une fois particulièrement réussie. Avant tout le fait, souligne Gaétan Naël, d’une énorme implication des équipes (technique, bénévoles, etc…), particulièrement investies et enthousiastes. Un grand merci à eux.
Comment ça, on a déjà hâte d’être à l’année prochaine ?
Maintenant 2016 avait lieu du 7 au 16 octobre 2016. Plus d’1fos.