On vous a déjà dit de ne regarder trop de haut les deux autres soirs mais c’est vrai que cette soirée du samedi 4 octobre au jardin Moderne a une putain d’allure. 6 groupes, dont un mythique, pour un samedi qui promet d’être mémorable de bout en bout.
Une fois n’est pas coutume nous entamerons cette annonce par un petit point footbalistique. Sache, spectateur avéré ou potentiel de cette merveilleuse soirée que ta route vers le Jardin Moderne sera compliquée en ce samedi par une fâcheuse synchronicité avec l’homérique bataille disputée ce soir là stade de la route de Lorient entre le FC Lens et le Stade Rennais. Le souci étant que la rue de Lorient menant au Jardin sera à un moment barrée à la circulation et que les places de parking seront chères. On vous conseille donc fortement d’arriver tôt et de passer par le quartier de Cleunay.
Autres bonnes raisons d’arriver tôt :
– il y aura de 17h30 à 18h30 un plateau radio Canal B où l’on nous promet invités, morceaux en live et conneries en tout genre ;
– il y aura moyen d’acheter plein de chouettes disques avec la distro de T-d-T-B et les belles nouveautés Kerviniou Records;
– Vous pourrez manger sur place et prendre le temps d’aller voir la superbe expo CBGB, Home for the Underground réalisée lors de la récente troisième édition du Marché Noir (festival de la micro-éditions).
Bref, venez tôt. Vous êtes prévenus.
D’autant plus qu’il n’y aura que des groupes inloupables à l’affiche. Ça démarrera à 19h30 pétantes avec les Lyonnais de Torticoli et ce serait fort dommage de manquer ça. Ce trio guitare/guitare/batterie existe depuis 2011. Ils ont sorti une première démo en octobre 2011, un très bon split EP partagé avec Chevignon en 2013 et ils sortiront en novembre rien de moins qu’une des meilleures galettes de cette rentrée. Pas de bol pour eux comme pour nous, ces poissards n’auront pas les vinyles de cette merveille pour le concert mais vous pourrez au moins vous prendre en pleine tronche leur noise alambiquée et atmosphérique qui, par moment, n’est pas sans délicieusement nous rappeler les structures puissantes et retorses de nos chers Møller Plesset. Premier groupe donc, mais pourtant la barre est déjà très haute.
Ça continuera sans faiblir avec une autre formation qu’on apprécie particulièrement : Berline0.33. Planned Obscolescence, le second disque de ce quatuor lillois, sorti en mai 2011 est revenu régulièrement hanter nos platines. Son successeur The abyss will gaze back fait lui définitivement partie de nos disques favoris de 2014. Leur noise-rock froid et implacable, oscille avec grâce quelque part entre Jesus Lizard et Lydia Lunch. Sur des guitares acérées et une inflexible section basse/batterie, le chant rageur d’Emilie Lk, posé en équilibre instable entre scansion et parler-chanter, balaie tout sur son passage. La bande nous avait collé une mémorable dérouillée lors d’un concert à la Bascule en février 2013 et nous sommes ravis d’avoir l’occasion de renouveler l’expérience.
Pas de répit pour les braves, puisque ce sera l’ouragan lozérien Pord qui déboulera derrière. Le trio œuvre au noir depuis déjà 2004. Il s’est taillé une putain de réputation scénique de sa mère et il a impressionné avec son incandescent second album Valparaiso en 2011. Eux aussi déboulent avec une galette redoutable sous le bras. Le bien-nommé Wild a été enregistré au Rec Studio de Genève, et enregistré par Serge Morratel (Ventura, Tantrum, Knut, Basement…). L’ombre furibarde de Dazzling Killmen plane sur le disque, sans jamais pourtant l’écraser, ce qui n’est pas un mince exploit. Sur 7 titres aux titres parfois facétieux (My Bloody Galantine, What are tuesdays for?) le trio fait une démonstration de force impressionnante du premier au dernier larsen. L’album s’achève d’ailleurs en apothéose avec un monstrueux On The Couch de 11 minutes 25, magistral de ténacité et de tenu. Plusieurs sources nous ont confirmé que Pord avait été le meilleur concert du récent Réjufest à Paris (festival célébrant les 10 ans de l’excellent label Rejuvenation). Vu la concurrence qu’il y avait, ce n’est pas peu dire et on frémit d’impatience de se prendre ça directement dans la face.
Ho, un concert sans guitare ! Le contraste sera spectaculaire avec l’arrivée de Tom Bodlin. Seul avec son sampler et ses cuivres, le Nantais Thomas Beaudelin, qu’on avait déjà aussi croisé chez les furibards Café Flesh ou les abrasifs Trench Piss, bricole avec fièvre d’épatantes expérimentations à base de sax multiples, de boucles étranges et de sa voix profonde et éraillée. Un univers proche des ballades fiévreuses de Tom Waits mais aussi du blues psychotique de Captain Beefheart. Son second album Spit in the air and take out your umbrella sorti en 2012 chez A Tant Rêver Du Roi et Kerviniou Recordz nous avait déjà beaucoup plu mais il a encore franchi une étape avec son excellent Comme je descendais des fleuves impassibles sorti début 2014, toujours dans les mêmes crèmeries. Sur cette nouvelle galette, il pousse encore plus loin son minutieux travail sur les sonorités de ses sax. Captant les cris ou les souffles les plus incongrus, samplant les cliquetis des clés, ou frappant des rythmiques à même son instrument, il tisse une matière sonore évocatrice et aventureuse. On pense d’abord très fort au travail de l’épatant Colin Stetson en écoutant ce disque et puis on l’oublie. Parce que Bodlin trace sa propre voix, en y incluant de mélancoliques ritournelles évoquant aussi bien l’addiction à la nicotine que les amours n’arrivant jamais au bon lieu ou au bon moment. Un très beau disque ayant en point d’orgue une superbe mise en musique tribale du vertigineux poème d’Arthur Rimbaud, Le bateau ivre. Autant dire que tout ça devrait être très chouette sur scène. Nous en sommes d’autant plus sûrs que nous gardons précieusement en mémoire une très touchante prestation que le garçon avait improvisée à la Bascule un soir de décembre 2012.
Autre changement de style avec le rap orageux de Psykick Lyrikah. Depuis le début des années 2000, le rapper Arm mène ce qui est devenu principalement son projet, comme il l’entend et avec un esprit d’aventure et d’ouverture que l’on salue bien bas. En solo, en collaboration avec Olivier Mellano, Robert Le Magnifique ou encore Tepr ou Iris, le bonhomme multiplie les collaborations et les projets les plus variés avec une inspiration et une classe qui forcent le respect. Mêlant sans complexe hip hop, électro, rock et post-rock, puisant aussi bien dans le cinéma, le théâtre ou la littérature, sa soif d’aventure musicale semble inextinguible. Il a ainsi récemment mis en ligne une ébouriffante lecture publique de Cahier d’un retour au pays natal d’Aimé Césaire accompagné par la guitare atmosphérique d’Olivier Mellano ou la mise en musique du roman de Dorothée Piatek : Le Silence des Oiseaux. Son dernier album Jamais trop tard sorti chez Yotanka et Ulysse Prod en octobre 2013 impressionne une fois de plus, par sa puissance sombre et son caractère éminemment intime et personnel. Sur scène, Psykick Lyrikah s’avère tout aussi intense qu’en disque et il est de plus annoncé qu’il sera ce soir là rejoint par différents invités histoire d’enfoncer le clou. Avis de tempête en perspective.
Pour en savoir plus, vous pouvez retrouver Arm interviewé par Isa pour alter1fo.
Après tout ça, il ne vous restera plus qu’à vous faire achever en apothéose par Terminal Cheesecake. Groupe inconnu de la plupart mais mythique pour une poignée d’amateurs de musique underground de chez underground, cette bande d’Anglais azimutés (pléonasme) aura été à la fin des années 80 une des pionnières d’un mélange détonnant de noise-rock, d’indus et de la musique électronique hallucinogène qui allait déferler sur la perfide Albion. Composé principalement de Gary Boniface au chant, de Russell Smith à la guitare (ex membre d’A.R. Kane et de /M/A/R/R/S, oui ceux de Pump Up The Volume!), Gordon Watson à la seconde guitare et Mick Parkin et John Jobbagy à la section rythmique. Le groupe va se faire remarquer grâce à ses fabuleuses pochettes et ses prestations scéniques sulfureuses. Moins connu que Skullflower ou Godflesh, la bande va poursuivre son chemin en signant après deux albums sur Pathological, l’excellent défunt label de Kevin Martin (God, Techno Animal, The Bug) avant de partir vers des terres de plus en plus electro et dub. Ils se séparent en 1995 mais décident à la surprise générale de se reformer en 2013 avec Neil Francis (de Gnod) remplaçant Boniface derrière le micro et en recrutant Dave Cochrane (God, Ice, The Bug, Jesu, Head Of David… et oui rien que ça) à la basse. Leur prestation en avril dernier à la 10ème édition du Sonic Protest (festival dévolu « aux défricheurs de musiques et autres explorateurs du sonore » proposant 25 soirées dans 15 villes dont Bruxelles et Rotterdam) a mis pas mal de monde à genoux avec une noise psychédélique dévastatrice. Tous les ingrédients seront donc réunis pour un final apocalyptique à souhait.
Comme la veille les DJ’s du Secret seront là pour doctement ambiancer une soirée qui s’annonce comme un monument d’intensité totalement inratable sans avis du médecin.
Samedi 4 octobre – Jardin Moderne,11 rue du Manoir de Servigné, Rennes – 18h – 12 euros
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préventes de la soirée au Jardin et pass 2 soirs.
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