La Route du Rock 2016 – La prog’ détaillée [Face B]

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Voilà plus d’un quart de siècle que le festival malouin tient la barre contre vents (consensuels des programmations) et marées (oui, on parle de cirés) : du 11 au 14 août 2016, la Route du Rock fêtera son vingt-sixième anniversaire dans un Fort St Père désormais rendu totalement étanche (ou quasi !) avec une programmation parfois pointue, souvent maligne et fréquemment alléchante… Et qui donne une nouvelle fois envie de ne manquer ce rendez-vous estival sous aucun prétexte. 

On vous propose donc une présentation détaillée (en plusieurs morceaux, pour être un poil moins indigeste), en espérant vous y retrouver, en tongs ou en ciré…

 

Route du rock-2013-©NicolasJoubard - photo presse ambiance

Crédit photo : ©Nicolas Joubard

Une soirée apéro à La Nouvelle Vague pour ouvrir le festival

Pour débuter cette nouvelle édition en beauté, la team Rock Tympans vous propose de nouveau une première soirée en guise d’apéritif (burné) à La Nouvelle Vague dès le jeudi 11 août.

Usé

D’abord avec Usé, aka Nicolas Belvalette qu’on connaît aussi avec le quatuor de noise bruitiste volcanique d’Amiens Headwar (avec une musique qu’ils catégorisent eux même comme du Nuke, terminologie tout à fait adéquate pour leur post-punk-noise-indus déglingué pratiqué sur des instruments rapiécés de toutes parts qu’ils soumettent aux tortures les plus extrêmes. On doit notamment à Roulements de Tambours 2013 l’un de nos plus beaux souvenirs de cette ode jouissive au fracas, au Jardin Moderne, tout comme à  l’association Tendresse et Passion en septembre dernier) mais également dans Les Morts vont bien, Hache tendre et Roberto Succo (entre autres !). A la Route du Rock, Nicolas Belvalette sera seul mais tout aussi tranchant. On le retrouvera avec Usé, son projet solo depuis 2011, dont l’album Chien de la casse est sorti en avril sur Born Bad. Entre mouvance industrielle, ADN punk-hardcore chevillé aux artères, chant en français qui fait rimer piaule et gnôle (Sous mes draps) et instruments bricolés (guitare-cymbale par exemple) frappés, concassés à qui mieux-mieux, la musique d’Usé donnerait quasi envie de danser comme un zombie sous Amphétamine dans une cave glacée d’Amiens. Rythmique carrée et martelée, devenant très vite hypnotique, synthé qui dégueule et énergie proche de la fission : on risque bien d’en prendre une bonne ce jeudi soir à la Nouvelle Vague.

Usé - photo presse

On vous conseille au passage la lecture de la pas triste interview de Usé dans le second numéro de la revue Barré. Suite à la décision de fermeture de l’Accueil Froid (une salle de concert autogérée à laquelle il participait), il a décidé de se présenter à Amiens aux élections régionales en fondant le Parti Sans Cible. On vous invite notamment à découvrir le superbe programme de campagne dont voici quelques exemples de propositions histoire de vous appâter : Rapprocher le Terre du soleil à partir de septembre pour éradiquer l’hiver, Élargir le créneau horaire de l’apéro, Gratuité dans les magasins ouverts le dimanche, Acheter une DoLoréane pour pouvoir revenir sur nos erreurs…

La Colonie de Vacances

Le même soir, on risque bien de perdre tout autant de litres de sueur avec l’excitant projet de quatre de nos groupes préférés, entendez Papier Tigre, Pneu, Electric Electric et Marvin réunis sous l’entité La Colonie de Vacances (la colo, pour les intimes) dans son dispositif plutôt unique et bien barré. Autrement dit 4 groupes sur 4 scènes distinctes qui jouent en même temps et le public au milieu (chacun pouvant donc choisir de se planter au beau milieu ou de se balader de scène en scène au gré du concert). Pour ceux qui auraient manqué le début : à la fin d’un festival à Tilburg, les quatre groupe pré-cités se retrouvent en fin de concert et comme ils sont déjà potes, se proposent de faire une tournée à quatre (qui aura également lieu, pour la petite histoire). Là-dessus, Rubin Steiner leur souffle l’idée d’un concert à quatre en même temps, en mode « jukebox ». La colo est lancée. Pendant quatre ans, les 11 compères jouent ainsi sur quatre scènes entourant le public et proposent un set en même temps composé de parties écrites ensemble et des morceaux de chacun revisités en mode colo. Et ce sur toutes les scènes de France, de Navarre et d’un peu plus loin.

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Crédit photo : ©Romain Etienne

L’an dernier, c’est avec une nouvelle collaboration que reviennent les joyeux drilles, entendez avec Sieur Greg Saunier (des inégalables Deerhoof) auquel la joyeuse troupe a demandé de composer une pièce pour la Colo. Autrement dit 26 courtes parties combinées les unes aux autres dont l’interprétation est laissée libre aux quatre groupes. L’expérience fut particulièrement fructueuse, et permit à toute la bande d’évoluer dans sa façon de composer ensemble. La fine équipe s’est donc retrouvée en mars dernier pour donner naissance à une nouvelle création. Dire qu’on en attend du très lourd et du plus que finement ciselé résumerait bien la tension que ces pieds nickelés qui fracassent les codes et nos esgourdes parviennent à créer. Définitivement, une expérience live à ne manquer sous aucun prétexte.

 

Bastions rock au Fort St Père : retours gagnants sur la scène du Fort

Bon, la Route du Rock met peut-être le mot « rock » en avant, mais c’est bien sous toutes ces formes qu’il faut prendre l’acception, du garage au psyché, de la pop au lo-fi, du shoegaze à l’électro-pop et on en passe, comme vous avez pu sans peine le remarquer. Dans la programmation de cette année, une tripotée de groupes revient sur la scène du festival, bien souvent après avoir laissé des souvenirs indélébiles de leur prestation les éditions précédentes.

Savages

Savages@RouteduRock2015-alter1fo (5)Après un concert tellurique l’an dernier, le retour du rock frontal et dégraissé jusqu’à l’os des Savages fait saliver moult festivaliers pour qui ce concert était l’un des meilleurs de la dernière édition. On se souvient que Savages étaient venues à la Route du Rock en 2012 auparavant mais également qu’elles ne nous avaient pas laissé un souvenir impérissable. Pourtant l’année suivante, après la sortie d’un premier Lp sur Matador Silence Yourself (2013) la bande des quatre menée par Gemma Thompson et Jehnny Beth avait sacrément gagné en épaisseur et nous avait plus qu’agréablement surpris avec un live particulièrement intense à l’Antipode, nous forçant à revoir humblement notre copie.

Le concert sur la scène de Fort de l’an dernier acheva de lever les quelques doutes qui subsistaient. Il faut dire que le quatuor avait entamé la partie pied au plancher à coups de basse retorse et massive et de guitare bien vrillée, mené par une Jehnny Beth au jeu de scène intense et habité. Entre danse haletante et frénétique, chant a capella, donnant sans conteste de sa personne, quitte à laisser ses escarpins sur la scène pour plonger au milieu d’un Fort chauffé à blanc (au grand dam de la sécurité), la frontwoman avait parfaitement orchestré un moment à l’intensité ravageuse. Tout au long du set, les quatre mercenaires avaient déroulé les titres sans rien lâcher, laissant dans leur sillage, une traînée de poudre. Noire. Musicalement, entendons nous bien, toujours rien de nouveau sous le soleil (charbon), mais une belle maîtrise scénique gagnée. Depuis, un second album d’une belle cohérence, Adore Life (janvier 2016, Matador), est venu graver dans le marbre des titres qu’on avait l’impression de déjà bien connaître. L’an dernier, les Savages étaient venus au Fort en conquérantes. Elles y reviennent cette année en terrain d’ores et déjà conquis.

The Fat White Family

Autre retour au Fort St Père donné gagnant, celui des sales gosses de The Fat White Family, un rien plus hirsutes et dépravés. La preuve : un frontman qui finit certains concerts nu comme un ver, une banderole qu’ils auraient tendu chez eux le jour de la mort de Margaret Thatcher « The Bitch is Dead ». Bref, une réputation de dézingués sans foi(e) ni loi pour le sextet cockney auteur d’un Champagne Holocaust à la pochette iconoclaste. On était (contrairement à beaucoup beaucoup d’autres) resté plutôt de marbre face au punk rock gras de ces brixtoniens en 2014. La sortie en 2016 de Songs for our mothers (sic!) sur Without Content n’est pourtant pas des plus pénibles et si le soufre musical est plutôt frelaté, les garçons continue d’y aller fort. Et débile : Whitest Boy On The Beach mis en images, montre la bande trash jouant à se torturer le cuir chevelu en uniformes militaires dépareillés dans un paysage mêlant blockhaus glauque, barbaque suspendue et falaise de craie, avant de cramer l’un des leurs dans un four, n’en laissant qu’os et cendres… Bigre.

The fat white family

Suuns

Dans la famille retour au Fort, on retrouvera également avec un immense plaisir les Montrélais de Suuns, qui après un Zeroes Qc (2010) et trois passages malouins remarqués (le dernier en date en 2013 pour défendre  leurs Images du Futur -même année toujours sur Secretly Canadian- devant un public du Fort chauffé à blanc par une prestation incandescente et dérangée), viendront de nouveau asséner à nos oreilles extatiques leurs mélodies à la froideur clinique et à l’urgence habitée. Ambiances d’apocalypse glacée, tendues de noirceur electro-pop, sombres et tétanisées : les morceaux de Suuns sont des sommets de rock malade et blafard, d’électro vénéneuse et de post-punk obsédant. Après une (excellente) collaboration avec Jérusalem in my heart en 2015, les Canadiens remettent le couvert en quatuor cette année en sortant le très réussi Hold/Still (Secretly Canadian), alternant 11 pépites tour à tour malsaines, vénéneuses et magnétiques. On se souvient qu’en live, les Suuns n’hésitent pas à délivrer des sets exigeants, ne cédant en rien à la facilité, et osent les sonorités dissonantes. Leur groove ralenti, les textures magmatiques qui affleurent sous la lave du chant susurré de Ben Shemie, et cette tension à la limite, toujours, d’avant l’explosion devraient donc une nouvelle fois faire du concert des Canadiens un grand moment de rock distordu, malade. Et essentiel.

Suuns

Battles

On poursuit avec les habitués, avec le retour de Battles sur la scène du Fort St Père. Devenu trio depuis le départ de Tyondai Braxton avant la parution de leur troisième album Gloss Drop, les Battles gardent un souvenir ému de leur dernier passage à la Route du Rock (en 2011) : « Notre concert à la Route du Rock reste un excellent souvenir. Ça fait longtemps que je ne m’étais pas autant amusé. A vrai dire je pense même qu’il s’agit d’un de mes meilleurs souvenirs depuis notre concert dans un restaurant à Chicago, il y a longtemps » , confiait le bassiste Dave Konopka à New Noise au moment de la sortie du quatrième album du groupe La Di Da Di (toujours chez Warp, en 2015). Il faut dire que la présence scénique du trio, passant pourtant pas mal de temps penché à trifouiller des boutons, était juste fascinante, notamment l’ambidextrie virtuose d’Ian Williams aux claviers/guitare ou l’impériosité d’un John Stanier aux fûts, bien calé sous sa cymbale perchée en haute altitude. Leur math-rock atmosphérique et aventureux, rehaussé à grandes louches de synthés avaient su convaincre un Fort trempé mais extatique et sautillant.

Battles - crédit photo Grant Cornett - photo presse

Crédit photo : ©Grant Cornett

Si leur quatrième album en date (on imagine qu’avant Mirrored -2007, Warp-, EP C/B EP, autrement dit la compilation des deux premiers EP et du single Tras -2006- compte comme un album) a peut-être rencontré moins d’unanimité que les précédents, mais se révèle pourtant écoute après écoute. Pas de tubes ici (l’absence d’invités vocaux faisant de cet album un opus uniquement instrumental y joue peut-être sa part), mais toujours cette science de la construction poussée à son paroxysme, cette richesse des textures et des rythmiques (les parties de batterie de Tricentennial ne sont pas le fait d’un manchot !) travaillées dans les moindres détails. On a donc bien hâte de retrouver les trois garçons sur scène, curieux de voir quelles dimensions ces nouveaux titres prennent en live.

Belle and Sebastian

BELLE_AND_SEBASTIAN_1_RVB_300_©SOREN_SOLKAER.jpgDix ans après son précédent passage à la Route du Rock (lors de l’édition 2006, alors qu’Isobel Campbell, qui avait déjà quitté le groupe, était pour sa part programmée au Palais du Grand Large) et 20 ans (quasi) après ses débuts, Belle and Sebastian devrait une nouvelle fois ravir les festivaliers. On se souvient d’un début de soirée enchanteur, illuminé par le polo blanc étriqué et la guitare folk de Stuart Murdoch : l’indie pop toujours classieuse du groupe de Glasgow avait fait mouche et on est ravi de retrouver le groupe sur scène.

En 20 ans d’existence, les Écossais ont publié neuf albums studio, des intemporels Tigermilk et If you’re feeling sinister (1996) puis The Boy with the Arab Strap (1998) chefs d’œuvre aux guitares rondes, aux arrangements souples tout en légèreté et aux textes cisaillés, jusqu’au tout dernier long format en date, qui prend un étonnant virage dansant (Girl In Peacetime Want to Dance, 2015).

Planquant ici des arrangements de cordes à la Jean-Claude Vannier circa Melody Nelson (Don’t live the light on, Baby sur Fold your hands child, you walk like a peasant -Jeepster Recordings 2000), là du Love sur le refrain (Black and White Unite sur la bande originale avortée Storytelling – 2002) ou dans des violons surgissant (Dear Catastrophe Waitress sur l’album du même nom – le premier sorti chez Rough Trade en 2003), les Écossais restent surtout un groupe aux mélodies et aux harmonies cristallines, aux décors ensoleillés, vaporeux et cotonneux et aux superbes artworks. La transparence et la fluidité des Belle and Sebastian prenant parfois, il est vrai de surprenants atours comme sur Girl In Peacetime Want to Dance, dernier album en date qui fait des détours osés par une instrumentation eurodance (comment Sylvia Plath se trouve mêlée à cette chevauchée synthétique dégoulinante, on se le demande encore !) mais dont le passage sur la scène devrait faire danser les festivaliers. Comme l’avouait Suart Murdoch au Guardian : « Stevie wants to be in the Velvet Underground, Bob [Kildea, bass] wants to be in the Rolling Stones and I want to be in Abba.” Tout est dit !

Minor Victories

Bon, on triche un peu parce que ce groupe en tant que tel, Minor Victories, ne s’est jamais produit sur la scène du Fort, mais deux de ses membres, si ! Stuart Brainwaithe avec Mogwai d’une part. Rachel Goswell dont la classe et le sourire avaient charmé le Fort St Père tout entier avec Slowdive, d’autre part. Pour les accompagner on retrouve également Justin Lockey des Editors et James Lockey, son frangin, qu’on connaît avec Hand Held Cine Club. C’est d’ailleurs le guitariste des Editors qui a initié le projet, cherchant une voix féminine pour un ep un peu noisy.

Slowdive

Bref : composé à quatre, à distance, avec pas mal d’allers-retours par mail, ce premier album (finalement, le projet a évolué) sorti au printemps dernier allie chant éthéré particulièrement addictif, progression toute cinématographique -voire parfois épique-, guitares tour à tour sombres ou aériennes, avec parfois des parties de cordes vaporeuses. Sur un titre, Mark Kozelek, l’ex-leader des Red House Painters/Sun Kil  Moon (qu’on a pu voir l’an dernier à la collection été à la Nouvelle Vague) mêle sa voix à celle de la chanteuse Rachel Goswell pour un duo inattendu (les deux artistes ont néanmoins déjà collaboré à l’occasion d’un album hommage à John Denver-2000) mais réussi (For You always) qui offre une nouvelle couleur à la palette de Minor Victories. Quelques titres plus tôt, c’était James Graham (de The Twilight Sad) qui venait apporter un contrepoint vocal à la chanteuse de Slowdive sur Scattered Ashes (Song for Richard). Au final, l’album est particulièrement cohérent, abouti, même si parfois un poil grandiloquent, et on a très hâte d’en découvrir l’interprétation live par ce quatuor de choc (qui a dit supergroupe ?) sur la scène du Fort. D’autant que ce sera la première date française pour le collectif.

Kevin Morby

Kevin Morby, vous l’avez peut-être déjà aperçu sur la scène de la Route du Rock collection été, à la basse de The Woods en 2013 (et aussi un peu à l’harmonica). Ou bien l’avez-vous découvert en co-frontman dans son second projet, The Babies, formé également à Brooklyn, mais avec la guitariste des Vivian Girls, Cassie Ramone. Sur la scène du Fort, c’est cette fois-ci avec son projet solo, sous son nom, que vous retrouverez Kevin Morby, juste après son passage à la Route du Rock d’hiver en février dernier à l’Antipode MJC.

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Crédit photo : ©Dusdin Condren

Bassiste par accident dans Woods, c’est à la six-cordes que le garçon s’illustre sur son premier album solo, Harlem River, sorti en 2013 (Woodsist). Hommage à New York qu’il a quittée pour la Californie, Harlem River est un fort honorable premier essai en huit titres de folk racée, arrangée avec talent. L’instrumentation résolument sixties (pedal steel, orgue Hammond), quelques accents à la Leonard Cohen plus loin (Sucker in the Void) voire Dylaniens (mais des débuts du sieur Zimmerman) donnent au disque un surcroit d’élégance pourtant jamais surannée. Huit morceaux à la délicatesse lumineuse et contemplative, pas chiants pour deux sous, belles compos au raffinement classieux d’un songwriter prometteur. Sur un titre (Slow Train), la voix chaude et grave de Cate Le Bon apporte même un contrepoint parfait à la voix légère de Morby. Un ep lo-fi de folk boisée My Name, tout en arpèges acoustiques, est d’ailleurs venu confirmer le talent du jeune homme pour trousser de jolies perles. A sa suite, deux longs formats, Still Life (Woodsist en 2014) puis le très réussi Singing Saw (Dead Ocean) sorti au printemps dernier voient le jour, avec toujours, un songwriting ciselé et des arrangements particulièrement léchés (la scie musicale, justement qui donne son titre à son dernier effort, cuivres et cordes ailleurs, parfaitement dosés). Ne s’interdisant pas de faire écho aux réalités sociales du présent (I Have Been To The Mountain rappelle la mort tragique d’Eric Garner, Afro-Américain tué lors de son arrestation par la police new yorkaise en 2014), le garçon continue pourtant d’enfiler les chansons intemporelles comme peu peuvent s’en targuer.

Julia Holter

On avait manqué Julia Holter sur la plage en 2013, mais c’est cette fois sur la scène du Fort qu’on retrouvera l’Américaine et c’est tant mieux. Autant le dire, on a d’abord été étonné de l’engouement particulièrement unanime qui a accompagné la sortie de son dernier album en date Have you in my wilderness (Domino, 2015) qui s’est retrouvé dans la majorité des tops de l’année passée. Non du fait de la qualité de l’album, tout au contraire, c’est une réussite éclatante. Mais parce que si l’on peut comprendre l’adhésion d’une grande partie du public au disque par son accessibilité immédiate (à l’inverse des précédents longs formats de la jeune femme), on a pour notre part suivi année après année un parcours plutôt tourné vers la recherche, l’expérimentation ; pas particulièrement évident dans son approche.

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Crédit photo : ©Tonje Thilesen

Plus tournée vers les concepts albums, la littérature et la poésie, la folk électro hantée des débuts de la jeune femme évoque ainsi davantage les Wurthering Heights (Kate Bush cherchant Heathcliff) ou le tendre fog londonien d’un Stereolab que la Californie rayonnante d’où elle vient. Avec en plus cette approche expérimentale (Laurie Anderson ou Nico Mulhy, très loin dans le brouillard), un intérêt pour Euripide revendiqué (Tragedy, 2011 s’inspirait de la pièce Hippolyte, le second Hekstasis, 2012, retourne dans la Grèce antique) tout comme pour Colette (Gigi, l’une des nouvelles de l’écrivain français servant de point de départ à l’écriture du déjà très bon Loud City Song, transposant l’histoire de ce Paris du siècle dernier dans le Los Angeles contemporain), la musique de Julia Holter ne semblait pas faite pour la désigner comme nouvelle égérie pop. Pourtant lorsqu’on ré-écoute Loud City Song avec attention, on y décèle désormais les germes en devenir de la pop luxuriante, baroque, ingénieuse, immédiate, sensible, expérimentale et ciselée qui ont éclot avec flamboyance sur Have you in my wilderness. Peut-être que la collaboration, déjà, avec Cole M. Greif-Neill l’explique un peu.

Feu d’artifice pop, flirtant avec le jazz (Vasquez), éblouissant par la richesse de ses timbres, de ses textures, marqué par un songwriting étincelant, multipliant trouvailles époustouflantes, qu’elles soient mélodiques (ah ces ponts sur Silhouette, ce refain sur Night Song), harmoniques, de voix enchevêtrées ou d’instrumentations (les cordes soudain tournantes et inquiétantes d’How Long ?, les échos de cathédrale, le clavecin de Feel You, la rythmique sautillante piano/batterie d’Everytime Boots  et on en passe une palanquée), ce dernier album en date semble toujours aussi inépuisable à l’écoute. On garde donc jusqu’aux doigts de pied croisés  pour que cette cathédrale pop se révèle aussi éblouissante en live que sur album.

Tindersticks

On finit (pour aujourd’hui !) avec des anciens, déjà passés par deux fois à la Route du Rock (en 2008 et en 2011), avec 25 ans d’existence à leur actif et pas moins de 10 albums. Les Tindersticks font donc forcément figure de légende du spleen contemplatif à l’élégance classieuse. Leur premier album, sorti en 1993 avait, on s’en souvient, suscité un immense engouement avec ses orchestrations délicates, sa classe intemporelle et le timbre de crooner brisé de Stuart A. Staples. L’intérêt des mélomanes et des fans se trouvant ensuite constamment renouvelé au fil de sorties de disques toujours marqués par des ballades rock rêveuses, graves et atmosphériques, à l’instrumentation particulièrement soignée, et ce malgré une pause de quatre ans entre 2003 et 2007.

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Crédit photo : ©Richard Dumas

C’est donc avec leur dixième album studio que les Tindersticks reviennent à la Route du Rock. Pour accompagner la sortie de ce dernier long format The Waiting Room (janvier 2016 sur City Slang), les musiciens ont accepté un projet de film collaboratif : The Waiting Room Film Project où chaque chanson est accompagnée d’un film, « une interprétation visuelle et personnelle » de l’univers des Britanniques. On y retrouve par exemple Claire Denis (qui avait auparavant choisi Tindersticks pour écrire les b.o. de cinq de ses réalisations) Christoph Girardet, Gregorio Graziosi, David Reeve, ou Rosie Pedlow et Joe King -ci-dessous-… Les amours cinématographiques du groupe se trouvant également mises en exergue dès l’ouverture du disque avec cette reprise du thème de Mutiny on the Bounty sur l’instrumental Follow Me. Mais il serait réducteur de limiter ce nouvel album aux ambiances cinématographiques en clair obscur qu’il dessine. D’une part parce qu’il ressuscite la voix de Lhasa, décédée en 2010, le temps d’un duo sur Hey Lucinda, retravaillé à partir d’une vieille démo (a priori quitare/voix), pour un moment forcément  émouvant. D’autre part parce qu’il frotte, sur un autre duo, la voix sépulcrale de Stuart A. Staples à celle de Jehnny Beth (des Savages dont on vous parlait plus haut) sur un We are Dreamers ! tout en tension. Plus tôt aussi, parce qu’il se permet des cuivres afro-beat sur un Help Yourself particulièrement addictif. Autrement dit, si Tindersticks continue d’avoir un son immédiatement reconnaissable, si le groupe continue de creuser le sillon d’un spleen orchestré avec élégance album après album, il n’en a pas moins encore des choses à dire.

 



La Route du Rock Collection Eté 2016 aura lieu du jeudi 11 août au dimanche 14 août.

Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/


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