Voilà plus d’un quart de siècle que le festival malouin tient la barre contre vents (consensuels des programmations) et marées (oui, on parle de cirés) : du 11 au 14 août 2016, la Route du Rock fêtera son vingt-sixième anniversaire dans un Fort St Père désormais rendu totalement étanche (ou quasi !) avec une programmation parfois pointue, souvent maligne et fréquemment alléchante… Et qui donne une nouvelle fois envie de ne manquer ce rendez-vous estival sous aucun prétexte.
On vous propose donc une présentation détaillée (en plusieurs morceaux, pour être un poil moins indigeste), en espérant vous y retrouver, en tongs ou en ciré.
Plus de bottes, pas de tête d’affiche, mais une volonté d’indépendance toujours aussi marquée
Le Fort st Père au sec
Maintenant qu‘il n’est plus question de bottes (suite au drainage l’an dernier d’une grande partie du Fort St Père le site qui accueille le festival -hormis les 20% du « marché aux fleurs » qui manquent encore à l’appel-), laissons également les discussions météo (tongs ou impers, il faut choisir faut-il choisir ?), toujours un peu épineuses dans notre pluvieuse riante région, aux amateurs et plongeons tout de suite dans ce qui nous intéresse avant tout à la Route du Rock : la programmation.
2016, pas une année des plus faciles
Selon François Floret (co-programmateur du festival avec Alban Coutoux) en interview dans My Band News, 2016 n’est pas une année des plus faciles : « Cette année, ça a été extrêmement compliqué. Nous avons eu le même problème sur l’édition d’hiver. Il a été difficile de trouver une cohérence globale.(…) Nous avons su doser et trouver des artistes un minimum connus pour permette d’assurer un minimum de public. Nous avons eu des problèmes de calendrier, de disponibilités et de cachet avec de nombreux artistes. »
Si on ajoute à cela, une annulation malvenue l’an dernier (faut-il rappeler la défection de Björk au dernier moment ?) « La soirée avec Björk était dix euros plus chère que les autres, pour compenser son cachet – on a donc remboursé pour ceux qui l’ont demandé ce surplus, soit un peu plus de 27000 euros. Certains spectateurs n’ont pas compris qu’on ne rembourse pas tout, car ils ne venaient que pour elle. Sauf que c’est un festival, il y avait sept autres groupes, et la soirée n’était pas annulée. On voulait être réglo par rapport à cette majoration de 10 euros, mais on ne pouvait pas faire plus. L’avance sur le cachet de Björk nous a évidemment été remboursée, mais notre assurance n’a pas pu fonctionner car elle n’a pas donné une raison garantie. (…) Il faut une raison médicale ou technique – auquel cas l’assureur aurait pu prendre en charge le remboursement des billets. On ne pouvait pas rembourser les gens sans l’argent de l’assurance, sinon on aurait déposé le bilan.(…) On a perdu 70 000 euros [l’an dernier], et encore ça aurait pu être pire. » (extrait de l’interview donnée par François Floret à Tsugi). Bref une seule solution pour continuer de maintenir le festival sur la crête des vagues du rock indé : « se refaire sur l’année qui suit, on n’a pas d’autre possibilité. » Mais sans pour autant sacrifier à cet ADN indé bien spécifique qui fait l’identité du festival breton.
ADN Indé & Indie
Souvent présenté comme le « dernier bastion des musiques indé » , la Route du Rock tente de préserver la spécificité du festival : un maximum d’indépendance, une programmation un poil atypique, cohérente, autour des musiques indés et surtout défendue par des passionnés. « Ce qui nous rend fiers, c’est d’avoir chaque année les moyens de préserver notre liberté, notre indépendance et de présenter sans aucune pression tous les artistes qu’on aime. Il y a encore de la place pour l’audace et les prises de risques. (…) Ceux qui viennent à la Route du Rock sont séduits par notre sincérité, notre honnêteté et notre originalité. C’est l’un des moments les plus magiques de l’été. Nous avons une programmation pointue, on ne va pas piocher partout. Il y a un esprit familial et on a tous la même passion dans les veines » conclut d’ailleurs François Floret.
On souhaite donc que cette vingt-sixième édition (collection été) d’un festival à qui on doit un nombre incalculable de moments précieux, qu’on a défendu bec et ongles et que l’on continuera à défendre, soit une immense fête musicale collective et joyeuse que tout un chacun puisse apprécier d’un bout à l’autre. Il semblerait bien que ça s’annonce dans ce sens avec une programmation musicale bigrement excitante pour tous ceux qui aiment garder les oreilles ouvertes.
Seuls sur le sable, (ou presque) …
Carte blanche à la Souterraine
Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 15h, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours à St Malo même (renommée Plage Swatch pour l’occasion) avec des dj sets et des concerts.
Cette année, le festival laisse carte-blanche aux essentiels La Souterraine, aka Benjamin Caschera et Laurent Bajon, défricheurs de gemmes souterraines chantées en français (et bien souvent sous-exposées), compilées, exhumées, cartographiées et mises en lumière avec amour (on vous renvoie aux différentes compilations -le volume 9 est sorti en mars dernier-, semi-volumes et autres éditions de covers ou d’artistes, qui naviguent avec un goût certain des irremplaçables Arlt à la minimal wave du Rennais Rouge-Gorge, des pataphysiques Aquaserge à Chevalrex… et bien sûr on en passe des pépites…). Assurant les mises en appétit journalières, le Mostla Soundsystem (émanation de la maison d’édition Mostla qui publie certains des artistes référencés par La Souterraine) lancera les premières ablutions avec des dj sets dès 15h. Tout ça, bien sûr, avant de vous étirer tranquillement sur votre serviette de plage au son de lives plus que prometteurs.
Aquagascallo
On commence dès le vendredi avec une poupée gigogne à barbe et moustache, Aquagascallo, autement dit trois Aquaserge (dont c’est le retour sur la plage de St Malo) Julien Gasc, Julien Barbagallo et Benjamin Glibert, héritiers directs de la scène prog-rock de Canterbury, et d’autres dérangés magnifiques (l’Art Ensemble de Chicago en tête, mais aussi Serge Gainsbourg ou Zappa bien sûr et on en passe) avec Aquaserge (4 albums derrière eux, dont le dernier en date A l’amitié est sorti en 2014), prouvant qu’il était possible de mélanger pop, jazz, prog, free ou kraut avec goût et talent. Mais également visibles ailleurs, en solo (on est par exemple très fan du Cerf, Biche et Faon de Julien Gasc autrement dit 12 titres doux amers et délicatement zinzins, arrangés avec une attention d’orfèvre) ou pas (Julien Barbagalo est notamment batteur de Tame Impala). Leur tout nouveau projet sort à peine des cartons, mais connaissant les qualités de ces trois Toulousains, la chaleur musicale dégagée par le trio devrait gagner sans peine la plage malouine.
Requin Chagrin
Le lendemain, c’est avec la chanson-pop ligne claire (un tantinet surf) de Requin Chagrin que vous pourrez piquer une tête et explorer les abysses malouines. Pas d’inquiétude, ce requin ne risque pas d’angoisser vos évolutions aquatiques, tant le groupe mené par Marion Brunetto (qu’on avait également vue avec Alphatra et The Guillotines) aime avant tout les guitares claires et la pop en français fraîche et lumineuse. Repérée par La Souterraine sur la foi d’un seul titre, aussitôt intégré dans leur compilation (le Volume 5 en janvier 2015), les compos s’étoffent en un premier album éponyme (en téléchargement sur la Souterraine puis en vinyle 10″ en édition limitée chez Objet Disque et au printemps en vinyle et numérique sur Almost Musique). Nul doute que le quatuor (en plus de Marion Brunetto, on y retrouve Grégoire Cagnat à la basse, Yohann Dedy aux claviers et Romain Mercier-Balaz à la batterie) devrait sans peine combler les amateurs de chanson pop lumineuse, à partager pourquoi pas en famille, les doigts de pied dans le sable.
Halo Maud
Le dimanche enfin, c’est avec Halo Maud que vous pourrez enchaîner les brasses et les dos crawlés. Nettement plus personnel, nous semble-t-il, le projet de la jeune femme qu’on a également pu voir avec Melody’s Echo Chamber, Moodoid ou plus récemment Marietta (mais également rappelez vous dans Myra Lee) permet à Maud Nadal d’explorer plus avant ses propres aspirations. Voix très haute, ambiances vaporeuses, oniriques et spectrales, la musique d’Halo Maud semble éminemment personnelle et donne envie de la suivre dans les dédales encore inconnus d’un premier album qui verra le jour, semble-t-il, à l’hiver et en cours d’enregistrement au studio Spectral. Avant cela, on est persuadé que le projet de la jeune femme trouvera un écho dans les vagues marines sous les remparts malouins pour le plus grand bonheur des festivaliers.
Et si on se tournait vers les Remparts ?
Pour ceux qui feraient leur baptême du feu à la Route du Rock cette année, commençons par cette petite précision nécessaire pour s’y retrouver : à la Route du Rock, il y a deux scènes : une scène principale, dite scène du Fort, et une plus petite où sont bien loin de ne jouer que les outsiders : la scène des Remparts (autrefois scène de la Tour).
Après des années de tâtonnements, d’essais, de déplacements, les organisateurs de la Route du Rock ont enfin trouvé LA formule parfaite. Plus haute, plus grande, au fond du Fort, face à la scène du Fort, la nouvelle disposition de la scène des Remparts est définitivement la bonne ! On y voit les groupes, la fluidité du public dans le Fort est excellente et elle permet au plus grand nombre de profiter des concerts qui s’y déroulent de la meilleure des manières. Et c’est tant mieux puisque cette année encore, pour rythmer non seulement l’arrivée des festivaliers mais aussi les petits coups de mou de la soirée, ce sont 9 groupes qui s’y donneront le tour.
Psychic Ills
Ce sont les Psychic Ills qui auront l’honneur d’inaugurer la scène avec le premier concert au Fort St Père le vendredi. Psychés rock, mais d’une fièvre brumeuse, comme leur patronyme l’indique, plutôt que kaléidoscopique, les titres du duo venu de New York devraient lancer en douceur cette nouvelle édition du festival. Le duo d’origine, composé de Tres Warren et Elizabeth Hart, a une douzaine d’années d’expérience au compteur et en est déjà à son quatrième long format. Inner Journey Out, sorti il y a tout juste deux mois n’est pas de ceux qui révolutionnent l’histoire du rock par son inventivité, et reste sacrément convenu (lenteur psychée, touche d’americana) mais se révèle plaisant à l’écoute. Assez en tout cas pour qu’Hope Sandoval (Mazzy Star) ait envie d’y poser sa voix sur un titre. Signé sur le label indépendant de Brooklyn, Sacred Bones Records pour ses deux derniers albums, le groupe devrait sans peine mettre les festivaliers sur les rails de cette première soirée.
Haelos
Pour faire une pause sous les étoiles le vendredi, les organisateurs parient sur le revival trip hop avec les Londoniens d’Haelos. Découverts en 2015 suite à un premier EP intitulé Earth Not Above, Haelos est un trio composé des musiciens Arthur Delaney et Dom Goldsmith et de la chanteuse Lotti Benardout (enfin les garçons chantent aussi), dont le premier album est sorti chez Matador cet hiver (Full Circle). Rythmiques entre électro et hip hop, basses lourdes et soul urbaine, la musique du trio lorgne davantage du côté de Jungle, voire de très loin dans le brouillard de XX, que des chantres du trip hop circa 90′ (Massive Attack, Portishead). On n’est sûrement pas les plus convaincus par l’ « euphorie sombre » que le trio souhaite provoquer (pas d’euphorie de notre côté), mais on a nul doute quant à l’enthousiasme que le trio pourrait susciter dans les rangs des festivaliers. C’est en tout cas tout le mal qu’on leur souhaite.
Gold Panda
On sera sûrement pour notre part bien plus impatient de retrouver le sémillant Derwin Schlecker, aka Gold Panda, dont les circonvolutions électroniques IDM downtempo nous accompagnent depuis de nombreuses années. Développements tout en finesse, enchainement subtil de clicks et de cuts, ondulant de milles petites secousses, la musique languide et inspirée du garçon de l’Essex est de celle qui donne le sourire aux lèvres. Repéré tout autant par ses remixes bien inspirés (Caribou ou The Field en tête) que par ses productions (Lucky Shiner en 2010 -sur Ghostly International- a longtemps squatté nos platines) ou ses mixes (un volume Dj Kicks sur !K7 en 2011), Derwin Schlecker fait obligatoirement penser à son compatriote Four Tet tant les deux garçons partagent cette science des ambiances oniriques toutes en subtils rebondissements et cette ouverture toute aussi délicate aux influences orientales. En 2013, Gold Panda sort son deuxième album, Half Of Where You Live, encore chez Ghostly International, avec toujours cette science de la fluidité aérienne tout en crépitements. Son nouvel album, Good Luck And Do Your Best, sorti mai 2016 cette fois-ci chez City Slang (juste avant la sortie d’un ep surprise inspiré par le Brexit), s’inspirant semble-t-il de son récent séjour au Japon, est tout aussi réussi. On est donc ravi de retrouver le garçon aux premières heures du matin le vendredi. Sous les étoiles, ça devrait être bien chouette.
Ulrika Spacek
Le lendemain ce sont les Britanniques d’Ulrika Spacek qui mettront la soirée au Fort sur orbite. Et on a d’ores et déjà très envie de découvrir ces cinq garçons sur scène tant leur premier album The Album Paranoïa (sorti chez Though Love) nous a énergisé les esgourdes. Guitares, basse, batterie, avec trois six cordes qui tricotent ensemble, un sens de la mélodie qui accroche, un poil de fuzz et de dissonance, plein de reverb sur les voix et des couches de guitares en veux-tu en voilà sont la marque de fabrique de ces minots plein de talent. Si vous aimez en même temps Deerhunter, les boucles lancinantes des Black Angels, la jeunesse sonique, nul doute que vous apprécierez la bande menée par les deux Rhys (Rhys Edwards et Rhys Williams). Nous en tout cas, on a très hâte, d’autant que le groupe révèle un savoureux potentiel pour à la fois digérer ses influences et exceller lorsqu’il sort des chemins balisés. Vivement.
Exploded View
On sera tout autant ravi de retrouver Anika qu’on avait vue sur la scène du Fort accompagnée des musiciens de Beak> en 2011 avec son nouveau projet Exploded View. L’album paraîtra quelques jours après la Route du Rock (le 19 août sur Sacred Bones), mais les premiers titres disponibles sont bigrement alléchants. Alors, forcément, soleil dardant et doigts de pieds en éventail ne cadrent pas des masses avec Exploded View, mais ça tombe bien puisqu’ils joueront à la nuit tombante/tombée. La musique d’Annika Henderson fait en effet plutôt dans la noirceur hypnotique et désolée, avec ce timbre grave et hanté (entre Nico et Sybille Baier) et ce délicieux accent allemand (même si elle vient du Surrey, près de Londres, elle a une mère allemande : ceci doit expliquer cela). A côté d’elle cette fois-ci, on retrouve Hector Quezada, Hector Melgarejo et Martin Thulin (producteur de Crocodiles) délivrant un post-punk/no wave bien hypnotique et tout autant vénéneux. On souhaite en tout cas au groupe le même succès que celui qu’Anika avait remporté en 2010 sur la scène du Fort.
The Field
Pour nous catapulter jusqu’aux dernières heures de la nuit et jusqu’au dernier groupe de la soirée du samedi, on donne toute notre confiance à Axel Willner aka The Field qu’on suit depuis son premier album, From Here We Go Sublime (2004) sorti chez Kompakt. Mêlant à ses débuts étude académique de la musique et rage punk à la Dead Kennedys, le garçon se tourne peu à peu vers l’ambient à la guitare et le drone influencé par l’idm warpienne du milieu des nineties, avant de progressivement forger le son qu’il défendra sous son nouveau nom, The Field. De la techno ambient, marquée par un rythme robotique très kraut, en rotation constante et à l’hypnotisme vaporeux, particulièrement réussie. Après avoir beaucoup tourné en solo avec son laptop, le Suédois trouve finalement la formule étriquée et choisit d’intégrer d’autres musiciens en live. C’est ainsi avec une vraie batterie et trois acolytes qu’on le retrouvera sur la scène des Transmusicales 2009 pour Yesterday And Today (sur lequel se niche une étonnante reprise d’Everybody’s Got To Learn Sometimes des Korgis). Suivi en 2001 par Looping State Of Mind qui mêle lui aussi influences kraut des seventies, disco glacée (nappes entre Moroder et Carpenter) et minimalisme américain (Reich) puis Cupid’s Head en 2013, qui le voit retrouver la formule solo sans ses comparses Dan Enqvist, John Stanier et Andreas Soderstrom. L’album, moins kraut peut-être, y gagnera en complexité sur les textures. Paru au printemps, son cinquième album en date, The Follower, toujours sur les essentiels Kompakt affirme encore plus avant la volonté de brouiller les lignes entre expérimentation, dance musique et fluidité downtempo. On a en tout cas bien hâte de découvrir ce cinquième long format en live.
Morgan Delt
Le dimanche, la soirée commencera (et c’est tant mieux) sous des auspices californiennes avec Morgan Delt et sa psychée aussi biscornue qu’en apesanteur. Particulièrement réussi, le premier album du garçon sorti en 2014 sur le label Trouble In Mind (à qui l’on doit les disques de Jacco Gardner ainsi que certains Fuzz et Ty Segall) a le mérite de toujours dérober sous nos pieds ses mélodies troussées avec classe et arrangées avec luxuriance et de toujours accrocher durablement l’oreille. Bien sûr imprégné de tout le son west coast californien des sixties, le garçon semble tout autant proche des Byrds que d’un Tame Impala. Rien de nouveau sous le soleil, donc, si ce n’est que le garçon fait les choses bien et très bien et pourrait bien séduire un public de plus en plus nombreux. Son second album, Phase Zero, sortira quelques jours après la Route du Rock (le 26 août), sur Sub Pop cette fois-ci, et on espère bien en entendre quelques titres en avant première sur la scène des Remparts. En espérant que le Californien confirme les attentes que l’on place en lui.
Fidlar
On durcit un peu le ton avec les affreux sales et gentils skateurs punk de Fidlar (aka Fuck it dog life’s a risk) toujours prêts à en découdre et à pousser leurs potards sur 11. Oubliez la dentelle, préférez les postillons pour ce punk qui refoule du goulot et se joue crânement sur trois accords. Deux albums au compteur (Fidlar en 2013 et Too en 2015), des hymnes de cancres à chanter (pardon hurler) sur sa planche à roulettes et l’art de jouer des titres aussi efflanqués que décomplexés à toute berzingue devrait faire du concert des quatre Californiens un défouloir parfait pour lancer sous des auspices bien crades d’autres affreux sales et méchants de cette soirée (oui Fat White Family).
Sleaford Mods
D’autres punks bien plus rêches nous attendront également ce soir-là pour clôturer la soirée sur la scène des Remparts : un duo britannique avec un laptop et un micro pour cracher leur bile bien noire, entendez les lads contestataires de Sleaford Mods. Jason Williamson, devant, au spoken word écorché, trempant sa plume acérée à l’acide sulfurique pour écrire des textes à la rage sourde et tranchante, dézinguant impitoyable, les injustices sociales, avec un flow entre hip hop rêche et Mark E.Smith (The Fall) -en mieux- (oui, c’est un avis tout personnel). Derrière lui, Andrew Fearn aux machines, aligne les lignes hypnotiques et répétitives qui raclent là où ça fait mal, entre danse synthétique et hystérique, voire neurasthénique. Après 4 disques autoproduits, les deux gars de Nottingham (plus Robins urbains que shérifs, on l’aura compris) ont sorti trois albums sur Harbinger. Le dernier en date, paru en 2015, Key Markets, est dans la même veine que les précédents. Entre post-punk et hip hop : ça clashe, éructe, rogne, sur fond de réalisme social avec toujours cette dérision et cet humour (noir forcément) qui agissent comme du sel sur les chairs à vif. On a donc très hâte de découvrir le duo sur scène, tant la mandale qu’ils risquent de nous coller, tout en flegme désabusé, pourrait laisser des traces.
Conférence et Expo
Christophe Brault : la conférence
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils, vous aurez tout de même une belle alternative dans les fauteuils moelleux du Théâtre Chateaubriand le samedi 13 août dès 14h avec Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur RCR) qui se chargera de retracer en deux heures (avec la fougue qu’on lui connaît) l’histoire du shoegaze. Et sans jamais regarder ses pieds, s’il vous plaît. On sait que Christophe était particulièrement branché par cette noisy pop des late eighties/ début nineties et qu’il a une affection toute particulière pour certains de ses plus célèbres représentants : My Bloody Valentine, Ride, The Jesus & Mary Chain, Lush, Slowdive, … Guitares distordues, murs de son, voix noyées dans la reverb’ et regard rivé sur leurs pieds et leurs pédales d’effets : les shoegazers n’auront plus de secrets pour vous grâce à Christophe Brault.
Christophe Brault : le livre
Autre passion de Christophe Brault : le rock garage. Si la programmation (à l’inverse de l’an dernier avec Ty Segall/Fuzz ou Wand par exemple) ne lui laisse pas grand’ place cette année, Christophe saura pourtant le remettre au centre de nos préoccupations avec la sortie de son livre sur le sujet aux éditions Le Mot et le Reste, disponible en avant-première à la Route du Rock. Une présentation d’une centaine de groupes du genre, précédée d’une petite histoire du mouvement décortiquée avec le talent et la précision d’orfèvre qu’on connaît à Christophe (on en a lu quelques extraits, c’est passionnant) devrait sans peine intéresser nombre festivaliers.
Pour vous donner un aperçu, voici la présentation officielle : « Le rock garage se développe à partir de 1964 en réaction à la British Invasion des Animals, Rolling Stones ou Kinks des charts américains. L’inexpérience et la jeunesse des musiciens ainsi que leur manque de moyens les obligeront souvent à répéter et enregistrer dans le garage familial, donnant ainsi à leurs productions un son amateur, brut, sale, punk avant l’heure, que l’on baptisera garage. La démocratisation de cette méthode de production va permettre à des milliers de groupes de se former, certains d’entre eux obtenant même un hit inattendu. Le mouvement psychédélique et surtout le rock progressif mettront un terme à toute cette énergie qui réapparaîtra au début des années 1980 impulsant le courant « revival ». Une nouvelle génération (Crawdaddys, Chesterfield Kings) qui imitera dans un premier temps ses ainés avant de s’en émanciper totalement (Lyres, Miracle Workers, Cramps). Les décennies suivantes confirmeront la vitalité de cette scène qui s’étendra aussi largement en Europe et jusqu’à nos jours, le succès de la nouvelle scène garage française en étant la marque. Des Fleshtones à Ty Segall, des Fuzztones à Jay Reatard, le mouvement est devenu aujourd’hui incontournable pour tous les amateurs et autres défenseurs de guitares fuzz et d’orgues farfisa. »
A noter, donc, le livre sera en avant-première sur le stand du Mot et le Reste à la Route du Rock (la sortie officielle aura lieu le 18 août prochain).
Renaud Monfourny : l’expo
L’an dernier c’est le gentilhomme de l’argentique Richard Bellia qui exposait ses photographies sur le chemin descendant au Fort St Père. Cette année, les organisateurs, avec le soutien d’Agnès B. mettent à l’honneur l’un des membres fondateurs des Inrockuptibles, Renaud Monfourny auquel l’on doit certains des plus beaux portraits en noir et blanc des acteurs du rock’n roll (de près ou de loin) avec une vingtaine de photographies exposées sur le site du festival. Rappelant l’adage de Tati « Trop de couleur distrait le spectateur« , les images de Renaud Monfourny se font in situ, en noir et blanc, donc, et non en studio. De Patti Smith (avec ou sans fleur) à Nirvana dans les rues de Seattle, en passant par Nick Cave, Neil Young, Denis Hopper, Jim Jarmush (oui, on vous a dit Rock’n roll au sens large), Antonioni, Paul Auster, Eliane Radigue, les mains de Mark Lanegan, Sonic Youth (et on en passe des centaines) : Renaud Monfourny les a tous photographiés. Fréquemment exposées (notamment cette année à la MEP -Maison Européenne de la photographie-), récemment compilées dans un livre de portraits (Sui Generis) -du moins 131 d’entre eux- les images du photographe sont de celles qui marquent et frappent. A découvrir donc.
A noter, pour fêter les 30 ans des Inrockuptibles, en plus de cette exposition, le magazine présente une programmation spéciale ciné (de Mulholland Drive à Almost Famous en passant par Happy Together) au cinéma le Vauban 2 à la Grande Passerelle la semaine du festival. Vous pouvez la retrouver ici.
Pour les sportifs (pas nous)
Copacabana, le Maracana, c’est un peu ce que deviendra la plage de l’éventail le dimanche de 13h à 17h pour la dixième édition de Foot / Sport is not dead sur le sable malouin. Techniciens, bénévoles, festivaliers et organisateurs s’affronteront une nouvelle fois dans un tournoi de foot sur sable en 16 équipes.
Mais pas que puisque vous pourrez également participer à à des rencontres de Beach Rugby (ou Rug’Beach, on ne sait plus), à un tournoi de Dodgeball (ne nous demandez pas, depuis le temps, on ne sait toujours pas ce que c’est… disons une sorte de ballon prisonnier avec plusieurs balles ?) ou même nouveauté pour cette année vous essayer au Beach Volley.
Lire La Route du Rock – La prog’détaillée [La fin]
La Route du Rock Collection Eté 2016 aura lieu du jeudi 11 août au dimanche 14 août.
Plus d’1fos : http://www.laroutedurock.com/