Chic, les inépuisables associations l’Alambik et Capital Taboulé ont, malgré une actualité déjà pléthorique, de nouveau trouvé le moyen de délocaliser sur Rennes l’épatant festival parisien des musiques libres : le Sonic Protest. Nos fadas favoris nous ont concoctés trois journées de joyeuse folie musicale du 11 au 15 mars 2020 dans trois lieux différents. On vous en détaille les aguichantes pathologies.
Depuis 2003, le festival parisien Sonic Protest explore avec passion et acuité ce qui s’est fait et ce qui se fait de plus excitant en matière de musiques barrées et sauvagement marginales. Habitué à écumer les lieux les plus incongrus de la région parisienne, le festival a, depuis 2012, pris l’excellente habitude de se faire aussi nomade. Des soirées à Marseille, Reims, Tours, Dijon, Lyon, Metz, Nantes, Brest ainsi qu’à Bruxelles, Genève, et Rotterdam ont été organisées et, depuis 2017, notre chère Rennes s’ajoute à cette belle liste. Pour cette nouvelle année, c’est de nouveau trois belles soirées entre le 11 et le 15 mars qui vous seront proposées localement par le festival avec la complicité des vaillants locaux de l’Alambik et Capital Taboulé.
La fête démarrera donc le mercredi 11 mars dans un lieu que l’on avoue ne pas encore connaitre mais que l’on a hâte dé découvrir : La bête Humaine. Situé non loin de la place de Bretagne et de la Vialine, ce lieu animé par l’association du même accueillera une belle triplette de concerts riches en saveurs musicales bien épicées.
La soirée nous offrira une nouvelle occasion d’écouter les expérimentations sensibles et les collages sonores riches en vertiges de Jean-Marc Foussat. Ce franco-algérien officie dans les musiques expérimentales et improvisés depuis les années 70. Que ce soit dans les millions de projets auxquels il a participé à la guitare ou aux claviers (Mandragore, Lézard Marçio, Phyllauxckzairrâh N° III, Carte Postale, Marteau Rouge, Thrash The Flash, Aliquid... ou plus récemment avec Augustin Brousseloux en duo), dans les différents labels qu’il a participé à créer (Potlatch, Fou Records…) ou en solo, le bonhomme cultive avec une obstination remarquable un bel esprit d’aventurier musical. Ce talentueux technicien a aussi enregistré un nombre incalculable de disques et de concerts. Avec tout ça, le voyage musical que nous offrira le bonhomme risque bien d’être aussi diaboliquement perturbant que divinement dépaysant.
Kosmos Natur Furor est un duo germano-nantais électroacoustique dont les compositions épurées et voyageuses oscillent langoureusement entre douceur rêveuse et fébrilité chaotique. Des cordes, des voix et des machines pour une musique chaloupée et intimiste qui n’hésite pas à allier puissance et douceur.
Enfin, on pourra également se prendre de plein fouet les incantations soniques de Descendeur. Projet parmi mille autres du prolifique et protéiforme Arno Bruil, Descendeur ne fait pas de quartier. Son premier album Shoker Necklace sorti chez Warm en janvier 2019, est un bon bourre pif d’electro bruitiste et abrasive dont les sonorités indus défouraillent sévère les esgourdes. Attendez-vous donc à un live puissant et radical.
La seconde étape de cet aventureux périple musical vous mènera samedi 14 mars cette fois dans un lieu mieux connu : la Maison de la grève. Attention, les festivités démarreront dès 16h30, ce sont en effet pas moins de cinq propositions qui seront présentes ce jour là pour un programme de nouveau hautement contrasté.
Sculptrice de formation, Méryll Ampe aime mêler création sonore et plastique. Inscrivant le rythme et la percussion au cœur de ses installations et de ses sculptures, elle a aussi multiplié les collaborations avec des musiciens mais aussi des chorégraphes et des vidéastes. Ce qu’on a pu entendre de ses lives dans de multiples festivals promet une belle immersion avec un remarquable sens de l’espace sonore et une richesse de textures assez ébouriffante.
On reste dans le percussif et le sensoriel avec Yann Leguay & Inga Huld Hákonardóttir. le duo composé d’un artiste sonore bruxellois et d’une chorégraphe, interprète et danseuse islandaise propose un live des plus étonnants. Les deux artistes juchés sur une poutre la frappe successivement avec une masse pour créer un rythme aussi primitif que fascinant. La pulsation magnifiée par quelques effets soutient un texte étrange et fantomatique déclamé avec une réelle puissance par l’islandaise. Une performance ultra sensorielle et assez saisissante qui ne devrait laisser personne indifférent.
Autre expérience bien hors normes, vous pourrez également retrouver les cartes postales sonores et portuaires d’Emilien Leroy. Aussi connu sous le pseudo de Feromil), le bonhomme a laissé traîner micros et caméras dans divers ports du monde (Lisbonne, Hambourg, Istanbul, Saint-Nazaire…). De ses voyages il a tiré les Sonata Di Porto et maintenant Scherzo Di Porto Alang une série de ciné-concerts restituant des cartes postales sonores et visuelles de ces différents lieux. Entre musiques électroniques et field recording explorant le foisonnement sonore de ces endroits hautement évocateurs, le monsieur nous proposera un voyage dans ses terres de tous les échanges à la fois porteuses de l’absurdité d’un monde globalisé mais toujours empreintes de la poésie mélancolique du départ et de l’ailleurs. cartes postales sonores portuaires.
On reste dans des franges bien frappadingues avec Les Lumières, projet rennais explorant les interactions entre lumières et sons. LED, stroboscopes, néons… et même bougies agissent sur des capteurs photo-sensibles pour produire une expérience lumino-musicale qui devrait de nouveau ravir vos yeux comme vos oreilles.
Pour conclure cet intriguant florilège, vous pourrez également découvrir sur place l’installation Volta de l’artiste sonore bruxellois Yann Leguay (le gars sur la poutre plus haut). L’interaction sous haute tension entre les deux micros du dispositif est déjà très spectaculaire en vidéo, on a donc plus que hâte de découvrir ça de visu.
Samedi 14 mars 2020 – Maison de la grève, 37 rue Legraverend, Rennes – de 16h30 à 23h30 – Prix libre
Malgré tout ça, on vous conseille de garder encore quelques forces pour l’ultime soirée du dimanche 15 mars qui pourrait bien être la plus belle des trois. Elle se déroulera au Bois Harel et nous sommes ravis d’avoir l’occasion de retourner par le sentier cycliste qui passe sous la rocade sud jusqu’à ces anciens locaux agricoles réaménagés en un endroit où règnent sans maître une ambiance conviviale et un esprit de liberté des plus agréables; Le lieu parfait pour réunir un beau paquet de formations sortant des sentiers archi rebattus.
Ça tombe bien c’est exactement ce qui est inscrit en majuscules de feu sur le CV de Bonne Humeur Provisoire. A deux ou a trois, cette belle bande compose des collages sonores dadas entre musiques folkloriques d’un pays qui n’existeraient que dans des BD underground slovaques et bande son débridées de cartoons psychédéliques japonais. Ludique, extra-terrestre, imprévisible… la musique du combo est un joyeux foutoir percussif et irrésistible dans lequel il fait admirablement bon se laisser embarquer.
On durcit le ton avec OFFICINE. Composé de Marion Camy-Palou (chant/guitare et moitié d’Oktober Lieber), Christophe Provincial (basse) et Kohzo Komori (batterie), ce trio parisien a sorti fin 2019 chez Tanzprocesz et Op Oloop records, un monstrueux LP tout simplement intitulé Dieu et pourtant totalement dénué de toute miséricorde. Comme ses glorieux ainés de Sister Iodine ou Flaming Demonics, le groupe cultive un art consommé du chaos sonore le plus impitoyable. Rythmiques passées à la tourneuse fraiseuse, guitares sans aucune pitié pour vos tympans, chant hurlé jusqu’à la rupture, la musique d’OFFICINE suinte le mal-être et le dégoût généralisé d’un monde auquel on n’a définitivement renoncé à appartenir depuis longtemps. Un voyage sans retour dans les recoins les plus sombres de nos petites cervelles qui vous laissera sans doute aussi hébété que ravi. On trépigne littéralement d’impatience de découvrir la version scénique de cette superbe monstruosité.
Si vous avez déjà vu France Sauvage sur scène, vous savez qu’il ne faut louper sous aucun prétexte l’insaisissable bestiole. Pour les autres, sachez que le trio est composé de trois lascars hautement aguerris en matière de splendides raout scénique jouissivement chaotique. On y retrouve en effet Johanne Mazé (également batteur chez l’ébouriffant Cercles des Mallissimalistes), Arno Bruil (bien connu des amateurs de noise rennais sous son nom ou celui de Crab Rangoon Institute) et Manuel Duval (maître bourreau de potards et de claviers chez Rien Virgule). Entre noise, indus, punk, free-jazz… et surtout, sans se soucier à un quelconque instant de ces étiquettes musicales, les trois lascars bâtissent ensemble la Bande Originale frappadingue et hallucinatoire d’un film étrange et unique qu’ils redéfinissent à chacun de leur concert. Le tout est mené avec une joie collective assez communicative et un savant équilibre entre subtilités et agression pure. On sait donc que le set n’aura sûrement pas grand chose à voir avec les précédents mais on a aussi l’assurance que l’expérience vaudra plus que le détour.
Suite aux mesures concernant l’épidémie la soirée est annulée.
Dimanche 15 mars 2020 – Le Bois Harel, , Rennes – 19h – Prix libre