Route du Rock 2022 – Premier tour de Fort

Après une annulation et une édition allégée mais sympathiquement nomade, c’est enfin le retour à la normale pour la Route du Rock. Pour sa trentième édition, le plus malouin des festivals pop-rock retrouvera du 17 au 20 août 2022,  la Nouvelle Vague, la plage du Bon secours et, surtout, le Fort Saint-Père. Après l’apéritif à la Nouvelle Vague hier, la Route du Rock commence véritablement ce jeudi 18 août. Revue en détail de la programmation de la journée, des plages malouines l’après-midi au Fort St Père jusqu’au (quasi) bout de la nuit.

Jeudi 18 août : Fort en tête

Après l’appétissante mise en bouche à la Nouvelle Vague du mercredi, il sera enfin temps de retrouver l’enceinte du Fort Saint-père qui nous a bien manqué ces deux dernières années. Après une première venue en 2019 dans la catégorie « jeune groupe prometteur » qui nous avait laissé plutôt mitigé, les irlandais de Fontaines D.C. y reviendront cette année en terre conquise et en tête d’affiche de la soirée. Dans leur honnête premier album, Dogrel (Partisan Records, 2019), un poil trop produit à notre goût pour que ses brûlots sentent totalement le souffre, la bande menée par Grian Chatten, Conor Deegan III (basse), Carlos O’Connell (guitare), Conor Curley (guitare) et Tom Coll (batterie) montrait qu’elle savait combiner un chant/déclamation qui rappelait tout autant un Robert Smith époque Fire in C.A.I.R.O sur le clashien Sha Sha Sha que The Streets sur le tube Hurricane Later ou Oasis (ouch) sur Television Screens, basse ronde et élastique post punk et guitares la salive aux lèvres. Sans oublier sa ballade pleine de brume et d’alcool Dublin City Sky qui évoquait forcément les Pogues. Un second album A hero’s death en juillet 2020, puis un troisième Skinty Fia en avril 2022 avec les mêmes qualités (et défauts) sont venus confirmer et amplifier les succès critiques et publiques des dublinois et les voilà donc de retour en vedette du jour, voire de l’édition. On confesse qu’on garde nos préférences régionales aux mélodiquement imparables Undertones ou aux plus abrasifs Gilla band mais nous sommes cependant très curieux de voir comment le groupe a évolué scéniquement depuis ces débuts.

Il est peu probable que vous soyez passés à côté de l’irrésistible basse et du refrain délicieusement nonchalant du single Chaise Longue de Wet Leg. Le premier album du duo composé de Rhian Teasdale (chant, guitare rythmique) et Hester Chambers (guitare solo, chœur) faisait partie des plus attendus de l’année parmi les amatrices et amateurs d’une pop maligne, sautillante et ironique. Leur premier disque sans titre est sorti au printemps chez Domino et c’est une sacrée revanche pour une formation initialement montée pour remonter le moral de ces deux ex-étudiantes en musique sur l’île de Wight après l’échec de leurs tentatives solos respectives. Les plus anciens retrouveront avec plaisir la verve punk et l’efficacité mélodique d’Elastica ou Veruca Salt (que les deux iliennes avouent volontiers n’avoir jamais écouté) et les plus jeunes s’en foutront bien et savoureront avec délice l’humour so british et le groove goguenard des deux jeunes femmes.

Les Wet Leg reconnaissent par contre sans problème l’influence de Yard Act (et de Dry Cleaning aussi d’ailleurs qu’on aurait tellement aimé voir au Fort cette année!). Le quatuor formé par le chanteur James Smith, le guitariste Sam Shipstone, le bassiste Ryan Needham et le batteur Jay Russell est l’autre success story de l’année dans la sphère indie rock britannique. Il faut dire que The Overload, premier album de ce quartet de Leeds sorti en janvier 2022 chez Universal ne manque pas de charmes. Le disque est une astucieuse synthèse de ce que la presse a paresseusement regroupé sur le terme post punk (Mark E Smith doit se retourner dans la bouteille de pinard qui lui sert de tombe) tout en élargissant le propos avec un groove porté par des samples malins et en sachant lever le pied (comme sur Rich ou Land of the blind). Au final, Yard Act tient plus à notre avis des Blockheads de Ian Dury, de Pulp ou d’une version moins hirsute et plus mélodique de Sleaford mods que de Wire ou de Gang of Four. Mais au diable les étiquettes et nous avouons volontiers être très curieux de voir comment va se sortir la bande de l’exercice scénique.

Les anglais de Black Country New Road pourraient, hélas, faire partie des plus douloureux rendez-vous ratés de cette édition. Après une épatante poignée de singles et For the First Time, un premier album très réussi sorti en février 2021 chez Ninja Tune, le groupe londonien formé par Isaac Wood au chant et à la guitare, Tyler Hyde à la basse, Lewis Evans au saxophone, Georgia Ellery au violon, May Kershaw au clavier et Charlie Wayne à la batterie faisait partie des figures de proue de la scène anglaise post-prog-rock avec Black Midi ou Squid… Sauf que quelques jours à peine avant la sortie de Ants from Up There, un second disque moins qualitativement uniforme mais ponctué de fulgurances, Isaac Wood chanteur et compositeur principal de la bande annonce son départ du groupe. Après une annulation de la tournée américaine, voilà le désormais sextet de retour sur scène. Etant donné que le groupe a annoncé qu’ils ne joueraient aucune de leurs compositions des deux disques, on ne sait pas trop à quoi s’attendre et les paris restent ouverts.

Parmi les groupes que nous attendons de pied ferme cette année, Cola figure en bonne place. On y retrouve en effet le chanteur guitariste Tim Darcy et le bassiste Ben Stidworthy qu’on avait adoré suivre dans Ought. Le groupe fut une des belles claques de l’édition 2014 de la Route du Rock et on continue régulièrement de se replonger avec un délice intact dans le post-rock chaloupé, aventureux et insaisissable de leurs albums. Dès 2019, les deux montréalais ont commencé à jammer avec le batteur Evan Cartwright lorsqu’ils le croisaient dans leurs tournées. De cette rencontre est né Cola. Dans ce nouveau trio, ils ont simplifié leur propos et privilégié l’énergie mélodique pop tout en gardant un sens du groove bancal réjouissant. Leur premier album Deep In View sorti chez Fire Talk en mai 2022, composé à distance pour cause de pandémie, fait pourtant preuve d’une cohésion et d’une urgence remarquable. La voix reconnaissable entre toute de Darcy y est parfaitement soutenue par des riffs de guitares insolemment pertinents et des rythmiques à la fois irrésistibles et inattendues. On mise une grosse pièce que cette alchimie devrait se révéler aussi entrainante que ravageuse sur scène.

Après toutes ces incertitudes, le duo Charlotte Adigery & Bolis Pupul devrait vous remonter le moral et vous filer des fourmis dans les gambettes. Après la très remarquée Bande Originale du film Belgica (2016) et une poignée d’EP aguicheurs, la chanteuse d’ascendance yoruba/martiniquaise retrouve le musicien chinois/martiniquais, son “partenaire musical” de chez Deewee le label de Soulwax, pour Topical Dancer un premier long format furieusement métissé et délicieusement revendicatif. Dans des compositions chaloupées et ludiques, misogynes, racistes et autres pisse-froids en prennent joyeusement pour leur grade avec un humour ravageur et un groove aussi irrésistible que redoutablement glacé. On ajoute à ça un joli clin d’œil aux Talking Heads avec Making Senes Stop et un surréaliste HAHA entre hilarité et larmes et vous obtenez un disque soufflant délicieusement le chaud et le froid. De la musique qui fait du bien à la tête et au bassin, on est méchamment preneur.

Si la notoriété des Working Men’s Club en leurs terres anglaises est loin d’être négligeable, ils restent encore largement méconnus de ce côté de la Manche. Trop anglais pour nous autres grenouilles ? Il faut dire que la bande menée par le charismatique Sydney Minsky-Sargeant revisite un pan trop souvent ignoré de leur foisonnante histoire musicale : la scène électro new wave qui fit les plus belles soirées des raves et du mythique club Hacienda de Manchester à la fin des années 80. Entre house des origines des clubs de Chicago, dance synthétique des entrepôts anglais et les hésitations de New Order entre guitares et machines, le jeune homme s’empare de l’esprit d’une époque en y insufflant une rage post-confinement totalement d’actualité. Prêt pour un voyage dans le temps ?

On termine ce premier tour du Fort avec les américains de Geese. Ces cinq garçons de Brooklyn ont été repéré par le label Partisan (Idles, Fontaines D.C., la famille Kuti …) et ont sorti Protector, un premier album très maitrisé en 2021. Les jeunes new yorkais y brassent sans vergogne les influences les plus diverses. Entre art rock, punk groovy, rock atmosphérique, la bande navigue avec un talent insolent et un sens mélodique réjouissant. On attend de pied ferme de voir comment cela va prendre forme en live.

Et avant ça : à la plage de Bon-secours

Comme chaque année les djs des Magnetic Friends seront bien présents sur le festival avec dans leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son/sa voisin.e (parfois inconnu.e quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu. Attention pour cette année, les concerts du Fort s’enchainant sur un rythme implacable, ils ne seront présents que sur la plage du Bon secours du jeudi au samedi de 14h30 à 16h.
Ça va danser sur le sandfloor !

Vous avez peut-être déjà écouté sans le savoir la harpe de Mary Lattimore au gré de ses multiples collaborations avec Jarvis Cocker, Thurston Moore, Sharon Van Etten, Steve Gunn, Arcade Fire.. et on en passe. la Route du Rock a eu la bonne idée d’inviter la californienne face à la mer pour vous faire découvrir ses délicates compositions solo entre ambient, folk et néo-classique. Les pieds dans le sable et la tête dans les étoiles, quoi de mieux pour ce premier concert à la plage du Bon-secours ?

Et après ça : On danse au Fort

Pour cette trentième édition, la Route du Rock a décidé d’offrir à ses festivaliers et festivalières les plus endurant.e.s des aftershows à partir de 2h du matin pour prolonger la fête jusqu’au bout de la nuit et de leurs forces. Ce jeudi, ce seront les sélections rock de Wunderbar qui accompagneront les ultimes survivant.e.s de la soirée.

Fontaines D.C., Wet Leg, Black Country New Road, Yard Act,
Charlotte Adigery & Bolis Pupul, Working Men’s Club, Geese, Cola
et les Magnetic Friends
seront en concert jeudi 18 août 2022
au Fort Saint-Père (Rue des Acadiens, Saint Malo) à partir de 18h.

Tarifs : (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) 47€ / 50€
Pass trois jours Fort : 115€ (- 18 ans · Étudiant · Demandeur d’emploi) / 125€

Mary Lattimore sera en concert jeudi 18 août 2022 – gratuit
à la plage du Bon-secours à Saint Malo

exposition Richard Dumas

Dernier conseil pour la route et pour la Route, prenez le temps de visiter la sélection de photos de Richard Dumas. 36 Shots, comme les 36 poses d’une pellicule argentique, c’est le titre de l’exposition de ce collaborateur régulier de Libération, du Monde, de Télérama ou Les Inrockuptibles. Vous y retrouverez les portraits du monsieur aussi fascinants et magnétiques que ses modèles de légendes.  Miles Davis, Keith Richards, Patti Smith ou Nick Cave… seront donc présents, au moins en photo, dans la tour Bidouane de Saint Malo.

Visite commentée par Richard Dumas le samedi 20 août à 14h
(visite gratuite, sans inscription, dans la limite des places disponibles).

Entrée libre chaque jour de 10h à 12h & de 14h à 18h
La Tour Bidouane · Passage de la Poudrière 35400 Saint-Malo

La Route du Rock Collection Été 2022 aura lieu
du mercredi 17 août au samedi 20 août.

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