Ça y est, vous êtes bien rentrés dans le festival ? Prêts à fourbir vos armes pour la seconde journée de la Route du Rock ? Avant d’y retourner, revue en détail de la programmation de ce qui vous attend ce vendredi 16 août.
Conférence de Christophe Brault et expo photos de Pierre René-Worms
Si vous détestez les grains de sable qui grattent entre les orteils et que vous craignez l’eau de mer au réveil, vous aurez une belle alternative dans les fauteuils du Théâtre Châteaubriand de St Malo le vendredi 16 août dès 14h avec la conférence, menée tambour battant par Christophe Brault, qu’on ne présente plus ici (ancien disquaire de l’institution Rennes Musique et chargé de cours à l’université Rennes 2 en musicologie, désormais conférencier bondissant et passionnant et également star de l’émission Music Machine sur nos pages, diffusée sur C-Lab) qui se chargera de retracer (avec la fougue qu’on lui connaît) l’histoire des années 77 à 83, de ce passage du punk au post-punk et à la new wave. Et sans jamais regarder ses pieds, s’il vous plaît.
Des Talking Heads à Blondie, en passant Joy Division ou Siouxsie and the Banshees : Christophe déroulera l’univers de cet autre âge d’or devant vous avec la générosité et l’enthousiasme qu’on lui connait. En écho à l’exposition photo du photographe Pierre René-Worms autour de la New Wave de 77 à 83 à la Tour Bidouane sur les Remparts de St Malo, qui reprend ses clichés des artistes de l’époque pour Actuel et Rock & Folk.
Post Punk et New Wave 1977/1983 – Conférence de Christophe Brault – vendredi 16 août – Théâtre Chateaubriand – 14h (gratuit)
Exposition de photographies de Pierre René-Worms -Tour Bidouane sur les Remparts de St Malo – Du 27 juillet au 25 août (gratuit)
Seul.e.s sur le sable, ou presque…
Si vous êtes plutôt lève-tôt (et oui, 14h30, c’est plutôt tôt en langage festivalier), vous pourrez commencer la journée par une petite découverte musicale sur la plage Bon-Secours à St Malo même (renommée Plage Arte Concert pour l’occasion). Assurant les mises en appétit journalières, les doigts et les oreilles agiles de Discolowcoast lanceront les premières ablutions avec des dj sets dès 14h30. Tout ça, bien sûr, avant de vous étirer tranquillement sur votre serviette de plage au son de lives plus que prometteurs avec un concert chaque jour.
Ils avaient un nom à venir s’échouer sur la plage de la Route du Rock : Le SuperHomard jouera ce vendredi à partir de 16h. Petites symphonies pop un peu à la manière des High Llamas, la musique des Avignonnais devrait être la parfaite bande son pour enchaîner brasses et dos crawlés tout en douceur, ainsi qu’on peut l’entendre sur leur récent et réussi Meadow Lane Park (Elefant Records, 2019).
Bastions rock au Fort St Père
Bon, la Route du Rock met peut-être le mot « rock » en avant, mais c’est bien sous toutes ces formes qu’il faut prendre l’acception, du garage au psyché, de la pop au lo-fi, du shoegaze à l’électro-pop et on en passe, comme vous avez pu sans peine le remarquer. Dans la programmation de cette année, une tripotée de groupes revient sur la scène du festival, bien souvent après avoir laissé des souvenirs indélébiles de leur prestation les éditions précédentes. Mais d’autres font leur baptême du feu dans le fort malouin. Présentation.
Pour ceux qui feraient également leur baptême du feu à la Route du Rock cette année, commençons par cette petite précision nécessaire pour s’y retrouver : à la Route du Rock, il y a deux scènes : une scène principale, dite scène du Fort, et une plus petite où sont bien loin de ne jouer que les outsiders : la scène des Remparts (autrefois scène de la Tour).
Après plusieurs années de tâtonnements, d’essais, de déplacements, les organisateurs de la Route du Rock ont enfin trouvé LA formule parfaite. (Encore) Plus haute, plus grande, au fond du Fort, face à la scène du Fort, la disposition de la scène des Remparts est définitivement la bonne ! On y voit les groupes, la fluidité du public dans le Fort est excellente et elle permet au plus grand nombre de profiter des concerts qui s’y déroulent de la meilleure des manières. Et c’est tant mieux puisque cette année encore, pour rythmer non seulement l’arrivée des festivaliers mais aussi les petits coups de mou de la soirée, ce sont 3 groupes qui s’y donneront le tour chaque soir.
Foxwarren
Après avoir ouvert l’édition 2017 du festival avec son projet solo à la Nouvelle Vague, Andy Shauf revient cette fois-ci en ouverture du vendredi 16 août avec son groupe Foxwarren mais désormais au Fort Saint Père. Accompagné par Dallas Bryson (guitare), Darryl Kissick (basse) et Avery Kissick (batterie), amis de jeunesse de son natal Saskatchewan canadien, dans ce projet qui a plus d’une dizaine d’années derrière lui, Andy Shauf offre avec ses camarades autant de délicatesses sophistiquées qu’en solo. Et ce tout premier album (Foxwarren, novembre 2018) est un petit joyau de pop folk racée et de production soignée.
Hormis un premier single un poil trompeur (parce que mené par une rythmique kraut dont les sonorités seventies revisitées rappellent l’Antiphon de Midlake – on pense à The Old and the Young-), mais qui justement ouvre le champ des possibles, les Canadiens naviguent sur une folk rustique et baroque, toute en harmonies limpides, constamment marquée par un sens mélodique magnétique. Arrangements aux petits oignons (quelques cordes ici, une montée psychée là, un riff de guitare plus rock, du pedal steel ailleurs, un piano profond plus loin) et voix de velours aérienne au diapason (on pense parfois tellement à Julien Pras) en bonus compte triple finissent de combler nos attentes. On croise donc fort les doigts pour que cette petite merveille mélodique fasse naître les mêmes étincelles magiques en live.
Foxwarren – La scène des Remparts – Vendredi 16 août – 18h30
Tim Presley’s White Fence
On aime bien les disques un peu bizarres. Et en la matière, le Californien Tim Presley est un digne héritier de Syd Barrett. Car le garçon qui collabore d’un côté avec le blondinet californien le plus prolifique des dernières années Ty Segall (Hair, 2012 ou Joy, 2018, notamment) ou avec l’une de nos Galloises préférées Cate Le Bon (avec le projet Drinks) est définitivement de ceux/celles qui aiment mêler expérimentations un tantinet siphonnées et évidence mélodique dans un même morceau.
En plus d’une grosse demi-douzaine de disques sous l’alias White Fence, le désormais San Franciscain a choisi le nom de Tim Presley’s White Fence pour son dernier long format, I have to feed Larry’s hawk (Drag City, 2019), condensé de beau bizarre, de psyché kaléidoscopique sixties bien perché (Doors, Kinks, Byrds, Love, Barrett), de nonchalance flamboyante et de compositions baroques à qui on a secoué le cocotier. On est donc là aussi impatiemment curieux d’entendre comment ce bric à brac toqué et merveilleux va s’ourdir en live.
Tim Presley’s White Fence – La scène du Fort – Vendredi 16 août – 19h15
Altin Gün
Les Rennais.es font depuis longtemps honneur au sextet live turco-néerlandais Altin Gün, programmé (et acclamé) aux TransMusicales en 2017, qui a d’ailleurs joué à guichets fermés à l’Ubu en début d’année et devraient avec grand plaisir retrouver cette célébration de l’âge d’or de la musique psychédélique anatolienne des 60’s et 70’s.
Fondé à Amsterdam, fin 2016, par Jasper Verhulst, le bassiste néerlandais de Jacco Gardner, tombé dans les trésors cachés du Bosphore psychédélique, le groupe réunit le batteur néerlandais Daniel Smienk (qui a remplacé Nic Mauskovic), son compatriote percussionniste Gino Groeneveld, le guitariste britannique Ben Rider ainsi qu’Erdin Yildiz Ecevit (saz électrifié, claviers et voix) et la stambouliote Merve Dasdemir au chant. Maître incontesté d’un groove psychédélique oriental, mêlant musique traditionnelle et distorsions électriques avec une belle finesse, Altin Gün est responsable de deux albums qui revisitent standards anatoliens rock et chansons traditionnelles turques (On, mars 2018 et Gece, 2019), tout aussi irrésistibles l’un que l’autre. On gage donc sans trop de risque de se tromper qu’en ce début de soirée, sur la scène du Fort, le sextet devrait sans peine faire onduler la foule sur ses métissages chaleureux à l’irrépressible groove.
Altin Gün – La scène du Fort – Vendredi 16 août – 20h35
Hot Chip
Pour nous, Hot Chip restera avant tout comme l’un des plus grosses claques reçues lors du festival des Transmusicales : c’était il y a 15 ans, et on se souvient de cinq mecs au look improbable, planqués derrière leurs laptops, et qui nous avaient fait danser comme des dingues pendant plus d’une heure. L’enchainement hallucinant des mélodies tubesques de Coming on Strong nous avait rapidement fait comprendre que la confidentialité du groupe allait voler en éclats. Cette impression fut confirmée par l’excellent The Warning deux ans plus tard, mais plus encore avec Made in the Dark en 2008, porté par l’imparable hit planétaire Ready for the Floor. On les avait retrouvés en 2013 à la Route du Rock, et on avait été une nouvelle fois bluffés par leur capacité à faire remuer les guiboles les plus rétives, tout en étant agréablement surpris par leur aisance scénique et leur classe folle, après cinq albums et une palanquée de concerts derrière eux. Le groupe s’est sérieusement étoffé depuis Coming on Strong (2004) : les instruments ont fait leur apparition, renforçant encore plus le côté dansant, avec batterie discoïde, basse groovy et petits riffs de guitares sautillants.
Hot Chip © Ronald Dick
Les sonorités évoluent encore un peu sur leur septième album, A Bath Full of Ecstasy, grâce à la collaboration avec deux talentueux producteurs, le regretté Philippe Zdar (Cassius, Phoenix) et Rodaidh McDonald (David Byrne, The XX). Ils ont cependant conservé la recette de leur électro-pop mélodique et bondissante, réussissant la parfaite association entre instruments et sonorités électroniques, comme sur Hungry Child. Le contraste entre les chants soul et éthéré d’Alexis Taylor et Joe Goddard et les rythmiques catchy fonctionne toujours à merveille : Hot Chip devrait de nouveau faire remuer les popotins malouins, à grands coups de beats diaboliques et remuants, avec ce soupçon de mélancolie qui fait le charme du quintet londonien. Are you Ready for the Floor ?
Hot Chip – La scène du Fort – Vendredi 16 août – 21h55
Crows
Quand on choisit comme animal totem le dark ramage des corbacs, on s’enthousiasme sans peine pour les guitares plombantes et acérées qui lacèrent tout sur leur passage. On ne s’étonnera pas que Crows ait choisi les six cordes salies de disto, le chant rageur et les plans cafardeux.
A la fois garage, mais éclairé d’une ampoule blafarde, et post-punk, les quatre mercenaires James Cox, Steve Goddard, Jith Amarasinghe et Sam Lister laissent dans leur sillage une traînée de poudre noire à coups de riffs massifs et crasseux. Du moins si l’on en croit leur premier album, Silver Tongues sorti sur le label fondé par les Idles & Co, Bailey Records. Alors certes, nos corbeaux s’enfoncent parfois dans de longs tunnels dont on aimerait les voir sortir et musicalement, entendons nous bien, rien de bien nouveau sous le soleil (noir), mais les Londoniens font a priori état et étal d’une belle maîtrise scénique. On se permettra donc de juger sur pièces sur la scène des Remparts dans l’obscurité du Fort.
Crows – La scène des Remparts – Vendredi 16 août – 23h10
Crack Cloud
Collectif canadien de plus d’une vingtaine de musiciens, de cinéastes, d’artistes et de designers qui utilisent la musique et les arts visuels comme remparts et thérapies à l’addiction, Crack Cloud est à géométrie variable, mais semble se rassembler autour de 7 membres pour sa forme musicale. Une batterie centrale, tenue par un batteur chanteur gaucher jouant sur un kit de droitier Zack Choy, des guitares, des claviers et un bordel à la furieuse intensité : du post punk en mode no wave. De Gang of Four aux guitares angulaires de Television, de l’irrésistible groove bancal des Talking Heads aux cris désespérés de Lydia Lunch, Crack Cloud ramone profond dans cet ascétisme post punk arty et disloqué, comme le montrent leurs deux eps Crack Cloud (2016) et Anchoring Point (2017) ensuite réunis en une compilation (Crack Cloud, Tin Angel Records, 2018).
Parmi ces gamins bien dans la merde, Zach Choy, marqué par la figure de Brian Eno et ses théories sur les non musiciens, le même qui publia le séminal No New York avec Teenage Jesus and the Jerks, DNA, James Chance and the Contortions et Mars, s’est lancé dans cette idée de collectif pour sortir du tunnel accompagné d’autres gamins cabossés. Ils ont d’ailleurs assuré la bande son du défilé d’Hedi Slimane au début d’année en compagnie de James Chance, mais dans le même temps participent aux préventions des overdoses et à l’accession au soin des âmes errantes des quartiers cramés d’Eastside downtown Vancouver. Bluffés par cette première compilation tout comme par les qualités humaines et de résilience de ces minots, on a hâte de les découvrir en live, et même si leur premier album devrait a priori être moins marqué de stries post-punk, mais davantage influencé par le hip hop, comme le laissent supposer interviews et dernier single en date, The Next Fix, on est impatient de suivre leur(s) évolution(s).
Crack Cloud – La scène des Remparts – Vendredi 16 août – 01h15
La nuit sur le Dance-Fort
Si certains s’étonnent encore (!) qu’un festival indie-rock propose une programmation électro (notamment pour réchauffer les festivaliers lorsque la fraîcheur nocturne tombe sur le Fort), la majorité du public en redemande. On retrouvera ainsi chaque jour plusieurs groupes ou artistes destinés à propulser tout le monde sur le Dance-Fort. On aurait d’ailleurs pu mettre Hot Chip ici…
2 Many Dj’s
Si Future Islands avait eu raison de notre résistance -pourtant consciencieuse- et nous avait fait fuir en 2017 avant l’entrée en scène de Soulwax qui avait mis le feu au Fort (avec délectation et le batteur de Sepultura), on est assez vieux pour se rappeler des étoiles dans les yeux de la folie furieuse qui avait retourné le Liberté pendant les TransMusicales en 2002 avec la prestation des 2 Many Djs (toutes nos excuses consternées aux vénérées soeurs Scroggins d’ESG programmées à la même heure cette nuit-là).
Les frangins Dewaele y avait secoué la foule dans une centrifugeuse extatique le temps d’un set à l’éclectisme décoiffant et jouissif, tout en embardées inattendues allant de Dj Shadow à Elli et Jacno en passant par Nirvana, pour un mash up diabolique et hédoniste qui avait vu nos voisin.e.s inconnu.e.s nous serrer dans leurs bras d’émotion, les bras du Liberté entier (plusieurs milliers donc) se lever dans les airs dans une explosion totalement folle. Si le concept n’est peut-être plus autant d’actualité aujourd’hui, on est tout de même ravi de ré-entendre le duo et si on retrouve déjà quelques étincelles de la folie de cette nuit-là, ce sera déjà un grand bien.
2 Many Djs – La scène du Fort – Vendredi 16 août – 23h55
Paula Temple
Programmée pour les Rennais.e.s lors de l’édition 2015 d’Urbaines, l’autoproclamée noisicienne Paula Temple devrait mettre la foule en ébullition type Etna avec son électro taille XXL à la puissance de rouleau compresseur (ré-écoutez Colonised sur R&S, ça punche sévère) pour finir la nuit de ce vendredi 16 août. Depuis le début des 00’s, la musicienne britannique s’est aussi bien fait remarquer pour son Noise Manifesto à la fois label et plateforme qui abrite des « collaborations électroniques hors normes » que pour ses prestations hybrides entre live et dj sets (elle a par exemple co-développé le contrôleur MIDI MXF8 permettant de mixer simultanément avec 8 platines) ou ses talents de productrice.
Dès 2002, on retrouvait en effet Speck Of The Future sur le mix Exhibitionist de Jeff Mills avant que la musicienne ne squatte les highlights de la scène techno avec la sortie de Colonised, sur R&S Records donc, en 2013, puis Deathvox en 2014 (R&S Records). Avec la sortie de son formidable premier long format, Edge of Everything, la musicienne engagée (notamment pour la représentation de la moitié de l’humanité dans la scène électronique) frappe une nouvelle fois à pleine puissance. Indus, techno brute de décoffrage et EBM en béton armé, bam dans ta face : nul doute que Paula Temple est la musicienne que le Fort, ravi, attendra les bras en l’air pour se faire raviner l’oreille de fond en comble. Rave on !
Paula Temple – La scène du Fort – Vendredi 16 août – 02h00
Magnetic Friends
Pour finir, les plus chics seront bien sûr comme d’habitude au Fort, comme chaque année. Les djs des Magnetic Friends auront en effet une nouvelle fois en charge de réchauffer l’ambiance entre les concerts. Et comme à leur habitude, ils devraient sortir de leurs besaces une tripotée de titres pour danser, faire des blindtests avec les copains, voire chanter à tue-tête bras dessus-dessous avec son/sa voisin.e (parfois inconnu.e quelques minutes auparavant). Entre madeleines indie-hip-pop-electro-rock et bombinettes-turbines à danser, les facétieux djs pourraient d’ailleurs glisser quelques surprenantes pépites. Oui, ça s’est déjà vu.
La Route du Rock Collection Eté 2019 a lieu du mercredi 14 août au samedi 17 août.