Marseille et rock, deux mots rarement associés… Nevché est celui qui force les décibels dans la cité phocéenne. Un concert sombre et ravageur mais d’une énergie folle. Un regard dans un Rétroviseur dont les décibels ont saturé les pierres transies du Vieux St-Etienne ce samedi à Mythos.
Vas-tu freiner ? Voilà comment Nevché nous emmène avec lui en balade dans son univers, entre chanté-parlé. La lumière se fait tout doucement sur le plateau du Vieux St-Etienne débarrassé des pendrillons noirs qui encadrent souvent la scène. Décor de pierres, de nef vaguement décatie, décor brut pour une chanson musicalement douce qui hésite entre galop et ralenti. Premier contraste de ce concert qui en comptera plus d’un.
On se laisse donc entraîner dans Marseille et l’adolescence de Nevché. Un Rétroviseur très rock, se muant en murmure, puis en explosion de décibels au cœur du chœur : l’intimité de l’église vole en éclats et ce n’est pas pour nous déplaire… On zone Sur le parking de La Bonne Mère, entre filles, baisers et voitures-carrosses. On reste sur ces parkings avec Nevché pour rencontrer l’amour de ses seize ans dans Les grands brûlés de l’amour. Des souvenirs évoqués avec nostalgie mais sans tristesse. L’énergie rock du groupe est comme une catharsis et nous frustre terriblement dans la configuration « concert assis » du Vieux St Etienne…
Avec force noirceur et guitares saturées, Nevché nous entraîne dans le sillage de son dernier album «Rétroviseur» mais pioche aussi dans «Monde Nouveau Monde Ancien». Avec également un petit détour au bord de la route Prévert et cette reprise étonnante d’Il ne faut pas rire avec ces gens-là de l’album «Le Soleil brille pour tout le monde ?». Quand Prévert et rock se marient pour le meilleur !
Les musiciens – Stéphane Paulin, Julien Lefévre, Bastien Burger et Gildas Etevenard – assurent aussi les contrastes : un clavier qui se mue en orgue doux et scintillant et un violoncelle qui devient aquatique, voilà les premières notes de Si nous marchons ensemble. Un texte qui passe du parlé-chanté au hurlement tandis que deux tom-basses marquent le rythme de la basse et de la batterie. Lumière blanche éclatante pour une fureur de vivre comme bon nous semble.
Un Rendez-nous l’argent dénonciateur sur Marseille et sa gestion désastreuse nous replonge en plein cœur de la ville, cette ville aimée et décriée par Nevché. Encore un contraste, comme un souffle chaud-froid permanent lors de ce concert où l’on oscille entre poésie et fureur, entre énergie et intensité sombre.
Un rappel en forme d’hommage au voyage : Ma Bohême de Rimbaud sur fond de guitares électriques est un vrai bonheur. On en redemande. Et Nevché s’exécute en dédiant sa chanson aux techniciens son et lumière qui ont assuré au vu du retard… Tout s’accompagne d’un envol de feuilles, lues et jetées dans la noirceur du chœur. La voix finit en apnée, noyée sous les instruments.
Ovation : le public du « spectacle pour plaid et chaussettes en laine » gentiment baptisé par Nevché au début du concert se lève enfin, pour Marseille. Il fait presque nuit sur le plateau, on laisse tomber les couvertures et on s’approche. « Et si c’est ça l’éternité, j’en prendrai bien une seconde ». Les Rennais aussi a priori.
Un très beau concert dans l’atmosphère pourtant glaçante du Vieux St-Etienne. On ne connaissait pas l’artiste, on est reparti sous le charme, avec un peu de soleil marseillais en tête. On vous recommande chaudement l’écoute de cet album Rétroviseur et la rencontre avec cet artiste, ses musiciens et son univers… Une jolie bulle d’oxygène printanière.
Photos : Catherine Gaffiero – La Vie Invisible
____________________________
Festival Mythos (15-21 avril 2014)
Site de Nevché