L’épatant festival Pies Pala Pop de l’association Des Pies Chicaillent revenait au Jardin Moderne les 7 et 8 juin 2024 pour une troisième édition toujours aussi inspirée, aventureuse, pétillante, radicale, fédératrice… On revient en détail sur un festival et une première soirée du vendredi 7 qui auront tenu toutes leurs promesses. On y retrouvait Sacrificial Chanting Mood, Holiday Ghosts, A. Savage, Joyeria et Lime Crush et ce fut d’une qualité aussi stratosphérique qu’égale.
Depuis 2016, la belle bande de l’asso Des Pies Chicaillent s’ingénie avec une énergie réjouissante à pimenter les scènes rennaises les plus incongrues avec de savoureuses petites touches d’indie pop/rock frondeuses. Cela manquait franchement à la tambouille sonore locale et nous leur en sommes hautement reconnaissants. Des découvertes, des pépites, des légendes… l’asso a l’esprit large et aventureux. Leurs soirées ont, de plus, toujours le petit supplément de chaleur humaine et de passion qui les rend hautement sympathiques. Tout ce bel esprit est fort logiquement concentré dans leur épatant Pies Pala Pop Festival au Jardin Moderne. Après une formidable première édition en 2022 (reports ici et là), une seconde tout aussi réussie (reports là et ici), le festival retrouvait le Jardin Moderne les 7 et 8 juin 2024 pour une troisième édition qui nous a, encore une fois totalement conquis.
PLATEAU CANAL B DU VENDREDI 07/06/24 : Pour vous plonger ou vous replonger dans l’événement, on vous incite chaudement à écouter ou réécouter l’émission spéciale de Canal B de cette première journée avec Iris à la technique et l’impeccable Yann à l’animation et la traduction et à laquelle nous avons eu l’immense plaisir de donner un coup de main. On y a rencontré Baptiste et Antoine de Des Pies Chicaillent ainsi qu’Holiday ghosts, A. Savage et Sacrificial Chanting Mood et c’était bien chouette.
Sacrificial Chanting Mood : Rêve d’ouverture
Pour cette édition 2024, on sent d’emblée qu’au bout de trois éditions, la belle bande de Des Pies Chicaillent commence à maitriser son sujet. La programmation est toujours aussi follement excitante et qualitative. L’aménagement de l’extérieur du Jardin Moderne est toujours aussi chaleureux et accueillant, la scène couverte toujours aussi idéale pour la jauge choisie. Des conditions parfaites donc auxquelles vient s’ajouter cette année les formidables soucoupes miaulantes de Constance Legeay sur l’affiche, une météo au beau fixe (tellement que certain.e.s regretteront de ne pas avoir pris une petite laine quand le frais arriva) et un public qui a largement répondu présent. Cette soirée du vendredi était en effet presque complète et celle de samedi a fait le plein. On gage que c’est le signe que le festival a désormais trouvé sa place largement méritée dans le cœur et dans les agendas des Rennais.e.s.
Les deux précédentes éditions du Pies Pala Pop avaient démarré tout en douceur avec la pop élégante de Junk Drawer et les compos délicieusement lunaires de Selen Peacock. Changement de ton cette année, car c’était Sacrificial Chanting Mood qui démarrait pied au plancher les festivités. Ce quintet né du désir de travailler ensemble de deux figures essentielles de la scène indépendante de Rotterdam : Alicia Breton Ferrer (The Sweet Release of Death, Neighbours Burning Neighbours) et Doortje Hiddema (Euroboy, Rats On Rafts) n’en est qu’au tout début de leur collaboration mais la bande va nous offrir un moment d’une très belle intensité. Leur post punk agile et chaloupé nous cueille d’emblée et ne va pas faiblir une seconde. Rythmiques ensorcelantes, guitares délicatement abrasives, duo de voix d’une complicité palpable… la formule est aussi redoutable que jubilatoire. Le seul reproche qu’on puisse leur faire, c’est que leur set fut un peu court (une demi-heure et c’est bouclé) mais on a bien du mal à leur en tenir rigueur et on sort surtout de là en se jurant de guetter la suite de leurs aventures avec une grande attention.
Une fois de plus, il ne fallait pas louper l’ouverture et nombre de celles et ceux qui n’ont pas réussi à être là à l’heure s’en sont bien mordu les doigts.
Holiday Ghosts : Indielicious
Après ça, c’est au tour des Holiday Ghosts de nous offrir une bonne bouffée de garage pop pétillant. Ce quatuor d’ami.e.s de Falmouth, petit patelin côtier de Cornouailles avait tous les éléments géographiques et météorologiques pour tomber dans une folk brumeuse mélancolique. Heureusement pour notre moral mis a rude épreuve en ce moment, c’est vers une pop débordante d’énergie et de vitalité que se sont tourné.e.s la batteuse Katja Rackin, le guitariste Sam Stacpoole, la guitare rythmique de Ben Nightingale et le bassiste Morgan Lloyd-Mathews. Avec pas moins de cinq albums à leur actif (dont l’excellent dernier Coat of Arms en 2024), la bande a de l’expérience et une maitrise impressionnante de son sujet. Rythme ultra soutenu, fluidité, le groupe enchaine les mélodies accrocheuses et vivifiantes avec une aisance déconcertante. Guitares agiles, rythmiques qui filent la bougeotte, refrains ciselés et jeux de voix savoureux, leur set impeccable nous offre une bonne bouffée de joyeuse jubilation.
A. Savage : The Voice
Gros contraste ensuite avec la venue d’A. Savage. Le monsieur échappé de Parquet Courts vient défendre, seul avec sa guitare et sa voix profonde, ses épatantes aventures solo. On vous invite d’ailleurs très chaudement à jeter vos deux oreilles sur son superbe Several Songs about Fire paru fin 2023 sur le label londonien Rough Trade, produit par John Parish et sur lequel on retrouve Jack Cooper (Modern Nature, Ultimate Painting) et Cate Le Bon (aux chœurs et à la basse). Pour son set, il fait le choix radical de se concentrer sur ses somptueuses balades folk en délaissant les morceaux plus enjoués. Pour notre part, on reste scotché par l’intensité et la richesse de la voix du monsieur mais on sent quand même qu’une partie de l’audience préfère se tourner vers le bar pour une pause houblonnée ou restauratrice. Il y a donc forcément un certain bruit de fond qui enlève un peu de solennité au moment mais le charme opère tout de même pour une bonne partie du public. On regrettera juste qu’il n’ait pas plus commenté ses morceaux comme il l’a fait pour son Buffalo Calf Road qui évoque une guerrière indienne et qu’il relie aux atrocités ayant lieu actuellement en Palestine. On ressort cependant ravi de ce moment de suspension et on se prend à rêver de voir ses titres interprétés sur scène avec l’ensemble des invité.e.s du dernier album.
Joyeria : Joie explosive
La soirée nous offre alors un nouveau changement radical de braquet avec Joyeria. Le canadien émigré à Londres débarque sur scène accompagné de quatre musiciens aux trognes spectaculaires et aux dégaines tout aussi saisissantes (mention spéciale au bassiste pour sa parfaite incarnation de Popeye). Les cinq perles de son dernier EP F I M (pour Fuck, I Missed!) sorti chez Speedy Underground (le label de Black Midi, Squid,Kae Tempest, Warmduscher… ) nous laissaient présager un grand numéro de crooner absurde au groove bancal et en équilibre instable entre tendresse et cruauté. Nous nous étions bien plantés. Le quintet va d’emblée faire monter la pression avec une explosivité remarquable. Le contraste entre la fureur sonique du groupe et le chant mi-parlé mi-hurlé de son frontman dégingandé et en costume fonctionne parfaitement. On se laisse délicieusement emporter par ce joyeux bordel furibard dont l’intensité ne faiblit à aucun moment. Encore un groupe dont on suivra avec fébrilité la suite des aventures.
Lime Crush : La flamboyance de l’ordinaire
Comment passer derrière ça ? Les autrichiens de Lime Crush n’ont pas la tâche facile mais ils vont pourtant largement se montrer à la hauteur… dans un style encore une fois radicalement différent. Ça commence fort étrangement avec un grand moustachu aux allures de comptable qui se déhanche furieusement en chantant plus ou moins juste sur de joyeux morceaux de pop punky. Au bout de deux chansons, il cède la place à la batteuse à l’allure tout aussi étonnamment « normale » qui va avec un flegme et une candeur désarmante prolonger un set qui ne fera que monter en intensité. Avec une malice réjouissante, la bande échange encore leur instrument ou demande des indications pour la suite de leurs vacances en Bretagne. Leur épatante punk-pop bricolo et pétillante nous offre un imparable feu d’artifice joyeusement débridé qui boucle parfaitement cette folle soirée.
On aura eu beau la retourner dans tous les sens, nous n’avons pas vraiment trouvé de défaut à ce vendredi tout simplement parfait. On en ressort donc totalement conquis et impatient d’en découdre avec la seconde soirée. Sur le papier, cette soirée nous semblait a priori un cran en dessous que celle-ci. Allons-nous, encore une fois, nous planter complétement dans nos pronostics ? [spoiler] oui bien sûr.
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