L’inoxydable et téméraire association Des Pies Chicaillent vous invitait les 24 et 25 juin 2022 au Jardin Moderne pour la toute première édition de leur Pies Pala Pop festival. Ces deux soirées de concerts d’indie pop / rock à l’esprit large et aux goûts affutés ont comblé nos attentes et tenu haut la main leurs belles promesses. Retour sur une première journée mémorable et sur un galop d’essai qui ressemble déjà beaucoup à un coup de maître.
Un nouveau festival de musique sur Rennes, c’est toujours une bonne nouvelle. Cela l’est d’autant plus quand c’est l’association Des Pies Chicaillent qui franchit le pas. Depuis 2016, la belle bande s’ingénie avec une énergie réjouissante à pimenter les scènes rennaises les plus incongrues avec de savoureuses petites touches d’indie pop/rock frondeuses. Cela manquait franchement à la tambouille sonore locale et nous leur en sommes hautement reconnaissants. De leur premier concert où ils invitaient Jeffrey Lewis dans le regretté Bar’Hic, en passant par Thomas Poli dans la Chapelle de l’Hôtel Dieu, Thalia Zedeck et Chris Brokaw à l’Institut Franco-américain, Marisa Anderson à l’Alaska Brocante, Calvin Johnson un peu partout dans Rennes… ou plus récemment une somptueuse soirée en compagnie de This Is the Kit, on ne compte plus les mémorables soirées qu’on leur doit.
Nous avons donc bondi de joie à l’annonce de la première édition d’un festival organisé par ces fines gâchettes. Il s’appelle le Pies Pala Pop et la première (on espère d’une longue série) édition s’est déroulée les vendredi 24 et samedi 25 juin au Jardin Moderne.
Vendredi 24 juin : Les lois de Lewsberg
Pour cette première journée nous arrivons tôt car nous avons été cordialement invités à participer au plateau Canal B durant lequel on a pu causer avec tous les groupes invités ce soir là. Après ce fort sympathique temps d’échange, on prend ensuite un moment pour découvrir le dispositif concocté par l’asso Des Pies Chicaillent et la Jardin Moderne pour ces deux journées. On connaissait déjà les capacités du duo à offrir confort et convivialité aux artistes comme au public mais il faut bien reconnaitre qu’ils se sont surpassés sur l’événement. Trajets regroupés en vélo depuis le centre-ville, accueil parfait avec petits cadeaux, bar, foodtruck et surtout scène couverte d’un large barnum qui offre abri par tous temps et confort d’écoute remarquable, pour une première, on est déjà plus que bien.
Ce sont les irlandais de Junk Drawer qui ouvrent le bal. On y retrouve les deux frangins d’âme Stevie et Jake Lennox, Brian Coney et Rory Dee tous multi-instrumentistes d’un insolent talent. Les quatre gars de Belfast nous régalent d’emblée avec leur amour de la broderie mélodique et d’un psychédélisme goguenard. Changeant d’instrument au fil d’un set enchanteur et pétillant, le quatuor montre que malgré leur jeunesse, ils savent parfaitement faire monter en puissance leur mélange d’indie rock et jangle-pop et sans en perdre toutes les finesses mélodiques et vocales. On se régale des versions XXL des titres de leur excellent dernier EP The Dust Has Come To Say tout comme de leur version déchainée de leur insidieusement alangui tube Year of the sofa. Ce cocktail pop aussi pétillant que corsé entame de la meilleure des manières cette soirée.
La bordelaise Julie Margat alias Lispector aurait du ensuite enchainer mais, la dame ayant annulé sa venue à la dernière minute, c’est notre cher Robin Poligné alias Rouge Gorge local qui la remplace (littéralement) au pied levé. Vu le délai, il reprend le set qu’on a déjà pu apprécier l’été dernier. Fidèle à son humour grinçant, il démarre son concert par un audioguide partant joyeusement en quenouille. Son côté pince-sans-rire va vite laisser la place à une émotion et une joie contagieuse. L’interprétation tout en sensibilité de son déjà bien à vif Allez-vous-en file les poils à tout le monde. Devant un public conquis entre la larme à l’œil et des fourmis dans les guiboles, le volatile va nous offrir une prestation de très très haut vol. Entre Un jour plus vieux à la fébrilité communicative, Les primevères des fossés toujours aussi bouleversant que dansant ou encore des reprises ultra-sensibles du Désolé de Sexion d’assaut et du sublime La confession de Lhasa, nous sommes, encore une fois totalement conquis. Peu importe qu’on connaisse déjà bien le dispositif, il fait partie de ces rares gens qu’on peut voir et revoir sans lassitude et surtout avec un plaisir grandissant à chaque occasion.
C’est ensuite le tout des très attendus Lewsberg. Le public se masse pour entendre le quatuor de Rotterdam et la fébrilité (que nous partageons) est plus que palpable. On a pu apprécier durant l’émission Crême de la crême spéciale enregistrée plus tôt l’humour aussi flegmatique qu’incisif d’Arie van Vliet (chant, guitare, violon). On retrouve ce sens du décalage dans l’improbable composition du groupe. Côté cour, on retrouve Arie van Vliet (sa silhouette longiligne, ses lunettes et sa mine imperturbable de prof de langues mortes), côté jardin, campe Michiel Klein (principal compositeur de la bande et guitariste) en blouson en jean et tirant une tronche de six pieds de long tout en nous décochant des riffs à la classe imparable. Au milieu de ces deux zigues campent deux jeunes femmes au jeu de scène beaucoup plus expansif : Shalita Dietrich (voix et basse) et une batteuse dont on a honteusement pas trouvé le nom, derrière un unique tom. Cette improbable assemblage va pourtant faire des étincelles. Le set démarre plutôt en douceur avec les plus lancinantes des compos du groupe. Les arrangements épurés mais loin d’être simplistes, les redoutables boucles rythmiques et les paroles dépeignant notre quotidien d’humain de façon merveilleusement acide se révèlent d’emblée redoutable en version live. Alors quand, en milieu de concert, ils emballent la chose avec un foudroyant Six Hills pour foncer bille en tête jusqu’au final imparable de Terrible (qui porte diablement bien son nom), le public s’enflamme avec un bonheur assez ineffable. Nous étions bien persuadés à l’avance que ce serait bien. On ne se doutait juste pas à quel point. Concert de la soirée (de l’édition ?) haut la main.
Après toutes ces belles émotions, il ne reste plus qu’à conclure la soirée en beauté. Le duo Belvoir, composé de Romain Vasset (François & The Atlas Mountains) et François Le Roux (programmateur avec le Collectif Pieg dans divers lieux de l’est parisien comme La Flèche d’Or, le Café de Paris ou la Gare Expérimentale) va s’acquitter de cette tâche avec une belle fougue. Leur electro-pop pimentée d’abrasivité industrielle jouée avec une chouette théâtralité emballe bien cette fin de premier round. On guettera avec attention leur tout prochain premier album Nouvel Anormal, à sortir en octobre prochain.
On repart de là conquis et impatient de remettre le couvert demain. Notre seul petit regret reste un public clairement pas assez nombreux par rapport à la haute qualité de l’événement.
Notre galerie photo complète de la soirée du vendredi :