[Chapitre 4] – L’appareil photo, l’indémodable du détective privé !

Discrétion, patience, obstination… telles sont les qualités principales et nécessaires pour exercer le métier de détective privé. Cette profession qui flirte avec les zones érogènes de notre imaginaire semble peu connue du grand public ou sinon de manière biaisée à cause des séries TV ou des reportages bidonnés made in NRJ12. A Rennes, celles et ceux qui exercent ce métier peuvent se compter sur les doigts d’une main.
Après quelques tentatives infructueuses et de longues semaines à attendre, un SMS matinal nous donne rendez-vous le soir même. Enfin ! Nous allons pouvoir en rencontrer un ! Attablé à une terrasse de la place Sainte-Anne guettant les citadin·e·s, scrutant le moindre signe distinctif, Hector(prénom d’emprunt) qui vient à notre rencontre, ressemble à monsieur Tout-le-monde. Pas de chapeau, pas d’imperméable, pas de lunettes noires ou mignonnette d’alcool dans la poche, l’attirail du parfait détective ne semble exister que dans nos préjugés.

« Sherlock, Jr. » pics by Michael Donovan/flickr

Précisément, la dénomination officielle est agent de recherches privées « mais beaucoup tentent de retrouver l’ancienne appellation de détective privé… » Hector sourit malicieusement. Cela fait bientôt 5 ans qu’il exerce ce métier et qu’il en vit. Une vocation tardive, apparue dans sa trentième année mais le garçon est un passionné.  « J’ai commencé par une année préparatoire pour me remettre à niveau dans le domaine du droit. J’ai ensuite intégré l’une des trois écoles homologuées pendant près d’un an ». Après un stage de plusieurs mois auprès d’un détective chevronné et expérimenté, Hector obtient son diplôme et son agrément. Il ouvre alors son cabinet en région parisienne. La vie tumultueuse et bouillonnante de Paris ne va pourtant pas lui plaire. Natif d’une région voisine et connaissant bien la Bretagne, il décide tout naturellement de venir s’installer à Rennes. « Passez à l’Ouest », qu’ils disaient.

« Avouons-le tout de suite, il faut avoir les moyens pour s’offrir les  services d’un·e détective privé·e même si je suis loin de pratiquer des tarifs prohibitifs. » D’une manière générale, les investigations sont facturées en fonction du temps consacré au dossier. En province, les tarifs horaires peuvent varier du simple au double (comptez entre 60 et 150 euros) mais ils restent très variables à l’image des professions libérales où les honoraires sont libres(1). Cependant, une facturation forfaitaire est souvent pratiquée, en particulier en ce qui concerne les recherches administratives courantes. « Ma clientèle se compose de personnes qui se sentent lésées, isolées ou acculées. Certaines veulent s’assurer d’obtenir gain de cause devant un tribunal. » En effet, un rapport d’enquête est recevable sous conditions devant un tribunal, que ce soit en matière civile, commerciale ou pénale.

Les raisons ne manquent pas pour faire appel à ces Sherlock Holmes des temps modernes. Leurs domaines d’interventions sont larges et variés : enquête de moralité, recherches généalogiques, protection des brevets, surveillance… Bien que sollicité par des entreprises privées, les dossiers d’adultère remplissent principalement son agenda et son bureau.  Les histoires d’amour finissent mal, en général, c’est bien connu ! Et pour enquêter, la recette est simple. Il faut un cadre législatif, une bonne dose de bon sens et une pointe de débrouille.  « Notre agrément n’est pas synonyme de passe-droit. Nous n’avons pas plus d’avantages que le citoyen lambda… Après, nous connaissons quelques techniques pour obtenir des informations mais toujours de manière légale. C’est cela qui fait notre valeur ajoutée, notre savoir-faire. »

 

Hector ne nie pas que certain·e·s de ses collègues peuvent franchir la ligne jaune en acceptant d’honorer des demandes illégales ou en utilisant des moyens peu conventionnels. Des barbouzes, des pratiques malhonnêtes ou borderline, il y en aura toujours mais selon lui, cela reste des cas de plus en plus minoritaires. « Une mission doit être légale, légitime et morale sinon on peut se faire radier. Et sans sommation. » Respect de la vie privée, droit à l’image, constatations objectives sur des faits se déroulant dans un lieu public, la profession tente de se structurer, de se moraliser et de se détacher de l’image sulfureuse qui lui colle à la peau.

Être curieux est ici une qualité plus qu’un défaut mais il faut avant tout être patient·e. « On sait quand on part et… c’est tout. Je peux rester des heures en planque à attendre que cela bouge. A moi ensuite de gérer mes besoins, ma nourriture, mon hydratation et ma vessie (rires…) » Mais la patience n’est rien sans le flair ou l’instinct. Planquer à un endroit qui ne donnera aucun résultat est la pire des situations pour lui comme pour ses client·e·s. « J’essaye toujours de conseiller et de structurer les demandes de mes interlocut·eur·rice·s afin d’optimiser les résultats. On travaille ensemble pour un objectif commun. Nous devons donc être d’accord sur la démarche à suivre. »

Se fondre dans la masse, ne pas se faire remarquer, il faut appliquer sur le terrain les techniques apprises au cours de la formation. « Lorsque je suis en filature, rien ne peut me détourner de ma cible. Je me souviens d’une planque où je suis resté des heures à fixer un point à travers des arbres. C’était le seul contact visuel possible sur le véhicule de la personne à surveiller. » Mais s’est-il fait surprendre ? Oui, une seule fois. Sa gouaille lui a permis de se sortir de cette mauvaise passe. « L’homme que je suivais depuis des jours est venu me demander des comptes. Faisant semblant de téléphoner, j’ai joué le mec désagréablement surpris par sa remarque et j’ai gueulé plus fort que lui en retournant la situation… ». A force de côtoyer des gens vivant dans le mensonge ou subissant des injustices, Hector ne se fait guère d’illusion sur l’âme humaine. « C’est un métier où tu t’attends à ce qu’il t’arrive des bricoles un jour ou l’autre. Psychologiquement, je suis donc toujours prêt à en découdre… »

« Sherlock Holmes the invisible detective » by Matt Brown/Flickr

Hector travaille à l’ancienne, les bonnes vieilles méthodes perdurent.  Dans son sac qu’il ne lâche pas du regard au cours de l’interview, pas de gadget inutile. On trouve un appareil photo plutôt discret, son téléphone portable bien utile et une mini-caméra aussi grande qu’une cigarette électronique. Les mouchards ou les micros-espions ne font pas parti de son attirail. Un autre fantasme s’envole. « J’avais bien acheté un drone mais franchement, il ne me sert à rien. Mon équipement reste très basique. Je possède des lunettes avec une caméra embarquée qui m’ont servi lors d’une mission bien spécifique. Mais cela ne va pas plus loin… »

Le secret professionnel ne lui permet pas de tout raconter. Dommage car certaines anecdotes sont croustillantes. Mais que l’on ne s’y trompe pas, les affaires restent souvent ordinaires. Et même si elles ne se ressemblent pas, les journées passent parfois lentement. « Le truc vraiment ennuyant du métier est que nous sommes rarement là pour annoncer des bonnes nouvelles… ça plombe un peu ! Et puis les trucs qui te procurent un peu d’adrénaline, il faut les vivre à l’instant présent. A raconter, ça n’intéresse pas grand monde finalement… » D’autant plus qu’Hector travaille seul. Il préfère. Cela lui évite les mauvaises surprises « Un collègue m’avait proposé une affaire en sous-traitance. Je me suis aperçu que je suivais un gars plutôt haut placé à qui il ne fallait franchement pas chercher d’emmerdes… » Et puis, bosser en binôme reviendrait à augmenter considérablement les notes de frais. Impossible.

Hector n’envisage pas de continuer éternellement à suivre la vie des autres. Il sait qu’il se lassera un jour ou l’autre à force de rester des heures dans sa voiture. A ce moment-là, il faudra arrêter. Peut-être se spécialisera-t-il dans un domaine comme celui de la sécurité ? Peut-être quittera-t-il Rennes pour retourner dans le Sud ? Nous ne le saurons sans doute jamais… à moins de faire appel à un détective pour le savoir.

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Quelques cabinets de détectives privés sur Rennes :

Notre dossier consacré à ces professionel·le·s qui utilisent du matériel photographique.

Photographe : un métier vu sous tous les angles !

A Écouter :

1 commentaires sur “[Chapitre 4] – L’appareil photo, l’indémodable du détective privé !

  1. FIDES Investigations

    Merci pour cet article qui n’est pas racoleur par rapport à ce que l’on peut lire parfois sur la profession !

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