Parfois, durant quelques heures ou une journée, un immeuble peut se transformer en modèle, tel un mannequin prenant la pose devant un objectif. Shooter un bâtiment flambant neuf ou un suivi de chantier n’a rien de bien sexy au premier abord, me direz-vous. Mais le métier de photographe d’architecture a justement pour mission de mettre en valeur les biens immobiliers et les travaux d’aménagement d’intérieurs. Et à rennes, il existe une petite communauté experte en la matière.
Pour en apprendre un plus, nous avons pris le temps de discuter avec Dimitri, à son compte depuis presque trois ans dans ce domaine. Et autant on s’était bien gelé les mains (et le reste aussi) lors de notre entretien avec Pierre Le Sayec, photographe culinaire, autant notre rendez-vous s’est passé sous un soleil de plomb à la terrasse du sympathique Bateau Ivre autour d’une Bizhhh, bière locale qu’on vous recommande ambrée. (NDLR : n’y voyez aucun placement de produit, nous n’avons pas été saoul-doyés…)
Jeune trentenaire, Dimitri s’est professionnalisé dans la photo un peu sur le tard. En effet, il débute sa carrière dans le monde impitoyable de l’informatique. Et puis, trop à l’étroit entre un clavier et un écran 23 pouces, il décide de tout plaquer pour partir un an avec sa compagne à l’étranger. Amoureux de la culture nippone, le choix de la destination est vite fait. Direction le Japon !
« Là-bas, entre mes divers boulots (détective privé, doubleur…), je n’ai pas arrêté de prendre des photos et cela a été un réel déclic : je voulais en faire mon métier ! C’est en regardant mes clichés que mon entourage m’a ouvert les yeux. Il m’a fait remarquer que mes sujets étaient principalement composés de bâtiments. Et c’était vrai ! A partir de là, j’ai décidé de me lancer… »
Une fois rentré en France, Dimitri se familiarise avec les spécificités et les aspects techniques de la prise de vue d’architecture. Par chance, il ne part pas de zéro. Ce dernier faisait déjà de la vidéo dans un style cinématographique en réalisant des films de voyages depuis plus de 10 ans. Il était donc déjà familiarisé avec le matériel adéquat et possédait une base solide. Avec une soif d’apprendre, Dimitri mets toutes les chances de son côté : tutoriels, formations privées, perfectionnement dans la prise de vue et il améliore son équipement (trépied à tête micrométrique, objectifs qui peuvent décentrer les lentilles permettant de redresser les perspectives …) C’est par un coup de pouce bienvenu d’une connaissance qu’il va pouvoir décrocher son premier ‘vrai‘ contrat. De fil en aiguille, il se constitue un book et démarche alors les promoteurs et les groupes immobiliers. De la Bretagne à la Loire-Atlantique en passant par la Normandie, Dimitri s’adapte à la demande.
« Si je bouge, c’est parce que des clients m’appellent. Personnellement, mes prospections se font surtout en Bretagne et particulièrement autour de la région Rennes. Même si la ville est en chantier perpétuel – il n’y a qu’à voir le nombre de grues – je crains malheureusement que pour en vivre, il est nécessaire de se déplacer… »
La photographie est un face à face entre l’artisan et le modèle. Banalité que d’affirmer cela sauf qu’ici, le modèle ne parle pas, ne bouge pas. Même si les murs ont parfois des oreilles, côté interaction, on est plutôt limité. L’aspect solitaire du métier est encore plus accentué dans ce type de photographie. Mais Dimitri s’en accommode très bien. Perfectionniste, il recherche même cet isolement qui lui permet de porter toute sa concentration sur les moindres détails.
« Travailler seul me convient parfaitement. J’apprécie cette grande liberté d’action. Au contraire des portraits où l’on aime amener du flou, une photo d’architecture se doit d’avoir tous ses éléments nets, précis, droits… sinon c’est raté et personne n’hésitera à me le dire. Une photo réussie est avant tout une photo qui met en valeur les textures du bâtiment, avec une belle lumière et si possible avec de beaux dégradés de couleurs. Elle doit aussi avoir une composition et un cadrage précis sans oublier une perspective ou un angle de vue original… »
Pour mieux appréhender ses propos, nous avons parcouru longuement son book tout en le commentant. Inépuisable sur sa manière de faire, sa mémoire est sans faille sur les réglages de chaque photo, preuve de sa passion dévorante. Ici, un jeu de contraste, là, un jeu sur les ombres… Dimitri ne s’en cache pas et nous avoue même avoir mis du temps à apprivoiser et apprécier la vision offerte par notre capitale Bretonne. Il faut dire que le choc architectural n’était pas anodin entre le pays du Soleil Levant et son retour en Bretagne, entre petites maisons au style ancien et immeuble moderne. D’ailleurs, ′SA′ photo marquante est celle du Cap-Mail (voir ci-dessous). Les nombreux retours positifs l’ont définitivement convaincu de poursuivre dans cette voie.
En France, plus de 70% des auto-entreprises meurent avant cinq ans. Dimitri entame sa troisième année et malgré de nouvelles perspectives, sa situation professionnelle reste encore délicate. Comme beaucoup de ses confrères et consœurs, malheureusement… Malgré quelques contrats réguliers, Dimitri doit sans cesse rechercher de futurs clients et de nouveaux débouchés. Pour l’anecdote, il ne peut plus se balader innocemment dans la ville sans prêter attention aux nouvelles pancartes du type ‘Ici prochainement‘ ou ‘Bientôt, votre futur logement‘ et déposer quelques cartes de visite. Sait-on jamais, cela peut déboucher sur un futur contrat. Sacrée déformation professionnelle !
Crédit Photo illustration Le Frac Bretagne @Odile Decq @Dimitri Lamour
► Le site Web de Dimitri Lamour
► FaceBook de la Brasserie de la Bizhhh
► Relire l’interview de Pierre Le Sayec, photographe culinaire