Sur la couverture, elles se font face, elles se ressemblent. On se demande même encore qui est qui après la première lecture.
Puis, viennent les détails, on relit, on y met moins de précipitation, on s’aperçoit que l’auteure et l’illustratrice porte des prénoms proches…
Et on entre dans l’univers coloré et fleuri de June et Léa, deux fillettes d’une petite dizaine d’années, deux soeurs pas jumelles mais tout comme, et l’on découvre comment une année scolaire de différence va interférer dans leur vie, leurs rêves, leur relation… comment finalement l’on réalise que le chemin de l’une n’est pas celui de l’autre, mais qu’elles ne sont pour autant pas forcées de se tourner le dos.
Sandrine Bonini signe là un texte simple, doux et délicat sur ce moment particulier qu’est la bascule de l’enfance à l’adolescence et ses retentissements sur une relation sororale qui était facile puis qui se complique mais qui se maintient. « Tout cela va très bien comme ça. »
A la lecture, comme par un fait exprès, on finit par s’emmêler parfois les pinceaux entre elle-Léa et elle-June : le narration, qui les englobe au départ, semble prendre ensuite un point de vue puis l’autre, tout à la hauteur des demoiselles. Les parents apparaissent furtivement, le monde desdites jumelles tourne autour d’elles-mêmes, naturellement, à coups de robes à volants et d’avenir en duo, puis c’est la roue qui tourne et la désororidarisation ouvre des portes à l’une en les fermant sur l’autre. Pourtant grandir n’est pas qu’une histoire d’entrée au collège et de vêtements noirs, et Léa, patiente, en douceur, en silence même, aura le mot de la fin… qui n’est qu’un début.
Le travail d’illustration de Sandra Desmazières donne toute son ampleur à la ressemblance puis à l’éloignement partiel des héroïnes… son riche cercle chromatique tend parfois vers une ombre de mystère, comme June devient étrange pour Léa. Mais tout reste gourmand et éclairés de motifs floraux libertysants… Les grands yeux sombres des deux soeurs vous dévorent de leur éloquence veloutée et leurs attitudes corporelles reflètent une réalité que les lectrices et lecteurs (si, si, les garçons pourraient trouver ici un certain écho à leur propre vécu) reconnaîtront.
Pour finir, notons que le papier mat et doux choisi par le Baron Perché (qui imprime ses livres joliment curieux en Belgique et pas à l’autre bout du monde) ajoute encore à l’intimité qu’on partage avec les pensées de June et Léa, complices malgré le temps qui passe.
June et Léa, Sandrine Bonini et Sandra Desmazières, éditons le baron perché, 2011, 16€*
*prix avec TVA à 5,5%… pour la suite, le livre n’étant pas dit « de première nécessité », lire la réaction d’une librairie jeunesse indépendante rennaise juste là.