C’est une première ! La Cour des Comptes a entrepris une analyse du système de l’enseignement privé sous contrat, qui compte pas moins de 2 millions d’élèves répartis dans 7 500 établissements à prédominance catholique. L’enseignement privé sous contrat est une composante du service public, et bénéficie ainsi de 10 milliards d’euros de financements publics (dont 8 milliards provenant de l’État). Dans son rapport dévoilé le 1er juin, 6 académies ont fait l’objet d’un contrôle renforcé dont celle de Rennes. Nous vous présentons ci-dessous des extraits pertinents en rapport avec cette dernière.
- À la rentrée de 2022, l’enseignement privé sous contrat a attiré plus de 2 millions d’élèves, ce qui représente 17,6% des effectifs scolarisés, répartis dans plus de 7 500 établissements.
- La répartition géographique de ces effectifs est loin d’être uniforme. En effet, l’enseignement privé sous contrat est fortement ancré dans l’Ouest de la France, avec une prédominance marquée dans les académies de Rennes (41 % des effectifs), et de Nantes (38 % des effectifs). Il est également très implanté dans l’académie de Lille, à Paris et dans le sud du massif central9. En Vendée et dans le Morbihan, plus d’un élève sur deux est scolarisé dans le secteur privé. Il tient une place nettement moins importante dans les autres parties du territoire.
Dans l’édition du 26 mai 2023 du quotidien Ouest-France, Stéphane Gouraud, secrétaire général du Comité académique de l’enseignement catholique (Caec) de Bretagne, explique ce fort ancrage religieux de la région ainsi : « l’installation du privé en Bretagne date du début du XXe siècle. À l’époque, les mairies faisaient encore appel à des religieux pour faire l’instruction scolaire. Donc les familles bretonnes se sont habituées à se tourner vers l’enseignement privé et cet équilibre a perduré. »
- À la rentrée scolaire 2022, 38,6 % des élèves étaient scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat dans l’académie de Rennes. La répartition des écoles privées n’est pas uniforme sur le territoire académique de Rennes. Leur présence est relativement faible en Cornouaille, et dans le nord de l’Ille-et-Vilaine, tandis qu’elle est beaucoup plus marquée dans le Morbihan et le nord du Finistère.
- L’académie de Rennes compte un total de 2 285 écoles, dont 844 sont des établissements privés sous contrat, répartis dans 1 067 communes (selon les données de la DEPP).
- Il convient de souligner que l’enseignement public est absent dans 165 communes bretonnes qui ne disposent que d’une seule, voire deux, écoles privées sous contrat. Cela représente environ 15 % des communes disposant d’une école sur leur territoire.
- En Ille-et-Vilaine, l’enseignement public est absent dans 64 communes.
- Dans l’académie de Rennes, une tendance se dessine depuis une décennie : le flux d’élèves quittant le secteur public pour le secteur privé croît depuis 2013, alors que les mouvements de sens contraire stagnent. Surtout, le différentiel a été défavorable aux établissements publics de manière constante sur l’ensemble des années observés.
- Les travaux de recherche actuellement disponibles ne permettent pas d’identifier dans le privé sous contrat une plus-value supérieure ou inférieure à celle de l’enseignement public. Les résultats scolaires du secteur privé sous contrat apparaissent globalement meilleurs que ceux du secteur public. Toutefois, dans la mesure où une forte corrélation existe entre résultats scolaires et caractéristiques socio-économiques des familles, ces résultats sont fortement influencés par les populations accueillies.
- L’enseignement privé sous contrat ne bénéficie pas obligatoirement d’une subvention publique de la collectivité territoriale de rattachement pour l’hébergement des élèves et les pratiques sont diverses selon les collectivités territoriales. En Bretagne, selon le SGEC, plus de la moitié des écoles privées sous contrat bénéficient de la cantine municipale.
Focus sur l’indice de position sociale (IPS) des écoles rennaises
- Alors que les effectifs apparaissent globalement stables, la mixité sociale dans les établissements privés sous contrat est en fort recul depuis une vingtaine d’années. Les élèves de familles très favorisées, qui constituaient 26,4 % des effectifs de l’enseignement privé sous contrat en 2000, en représentent 40,2 % en 2021 et les élèves de milieux favorisés ou très favorisés sont désormais majoritaires dans ce secteur (55,4 % en 2021) alors qu’ils représentent 32,3 % des élèves dans le public. À l’inverse, la part des élèves boursiers s’élevait à 11,8 % des effectifs en 2021 dans le privé sous contrat, contre 29,1 % dans le public.
Dans l’édition du 25 mai 2023 du quotidien Ouest-France, Gaëlle Rougier, adjointe à la maire de Rennes en charge de l’Éducation se dit « irritée » par le protocole signé entre l’Éducation nationale et l’enseignement catholique qu’elle estime « sans contrepartie » en termes de mixité scolaire. Elle déclare ainsi que « s’attaquer aux inégalités scolaires et favoriser la mixité demandent que chacun contribue. Certes, la ségrégation à l’école est multifactorielle : spatiale entre quartiers riches et pauvres, entre le public et le privé et entre les filières générales et professionnelles. Mais c’est factuel : l’enseignement privé attire plutôt des publics favorisés. Or, alors que nous demandons des contreparties à n’importe quelle association que nous finançons, nous ne pourrions rien exiger de l’enseignement privé, financé à 70 % par de l’argent public ? »
Tableau n° 20 : les IPS dans le second degré
dans l’académie de Rennes
Quand le journal « l’Agrafe » décortique les indices de position sociale (IPS) de Rennes.
Illustration : Le Bourg HeïdiSuivre // https://www.flickr.com/photos/xdebx/ // Ecole