Lors d’une conférence sur les musiques électroniques, voulant expliquer qu’elles avaient permis une certaine revanche des musiciens de notre pays, Mr Brault demanda à l’assistance de lui citer le nom d’un groupe de rock français majeur. Silence dans la salle.
Dans l’histoire de la musique, comme dans celles des autres domaines, certaines idées ont plus de succès que d’autres. Que le rock en France, c’est comme le vin en Angleterre, est l’une d’entre elles.
“L’underground musical en France” vient pondérer ce jugement. On nous y explique que coincés entre “la variété” et la musique d’Outre-Manche, les groupes d’ici n’ont sans doute pas eu leur chance côté public, mais surtout chez les maisons de disques et plus encore les radios (sans parler de la télé).
Il faut dire que le voyage que propose Eric Deshayes et Dominique Grimaud se fait dans des eaux pour le moins troubles. Le premier nous avait déjà donné à lire de quoi fouiller dans la Kosmische Musik des Allemands de l’ouest des années 70. Le second fit partie des groupes Camizole et Vidéo-Aventures.
Il s’agit donc bien de partir de ces années post-68, même si sont évoqués les travaux récents des artistes ayant commencé dans cette décennie, voire quelques groupes des suivantes mais à l’esthétique proche. Ne chercher pas de détails des scènes alterno des années 80 ou noise des années 90.
Du rock psychédélique au free-jazz, de la chanson bien décalée aux expériences sonores électroniques, il faut être curieux pour mettre les oreilles dans ces marmites-là. Vous serez récompensés par la découverte de Komintern, Art Zoyd, Lard Free, Heldon, Etron Fou Leloublan, Barricade …Vous pourrez aussi croiser les plus connus Magma, Gong, Pascal Comelade …
Un (tout) petit reproche : peut-être pour être exhaustif sans prendre trop de volume, l’écriture est un poil sèche, penchant du côté de l’inventaire discographique plus que de l’anecdote qui donne pourtant de la chair aux histoires de ces groupes (qui se racontent, pour certains, un peu dans le hors-série de Rock and Folk sur Woodstock).
Merci aux éditions Le mot et le Reste pour toutes leurs sorties passées et à venir.

Livre acheté chez Blind Spot, 32 rue Poullain-Duparc, Rennes.

http://neospheres.free.fr/

Autre décennie, autre pays. “Going Underground” est sous-titré : “punk américain 1979-1992”. C’est un livre essentiel pour toute personne désireuse de connaître l’histoire du rock.
Commençons par les défauts : la traduction est catastrophique, et on a souvent l’impression de passer du coq à l’âne. Autre petit souci pour le néophite, Georges Hurchalla prend le parti de citer les ouvrages qui ont défriché le champ avant lui, ce qui lui permet de raconter plus en détails les groupes négligés par ses prédécesseurs. Si vous n’avez jamais entendu parler de Black Flag, des Dead Kennedys, de Minor Threat, vous allez vous retrouver dans la situation du jeune qui commence à lire des histoires de super-héros, avec 10 000 personnages. Ça peut être très bien quand même, et comme chez les gens à super pouvoirs, la plupart ne sont ni tout blancs ni tout noirs.
Parce que la qualité principale de ce bouquin, ce qui le rend indispensable, c’est l’honnêteté. Steve Albini ? Ian Mc Kaye ? Jello Biaffra ? Des êtres humains, avec leurs parcours. L’évolution du punk rock aux Etats-Unis ? Ni enterrement, ni vrai beau changement dans la continuité.
Les différentes scènes à travers le pays (même un peu l’Australie, même un peu la Finlande !), la violence, les skins, les querelles de chapelles, de générations, d’egos sont racontés. De chair, on ne manque pas ici, c’est même le contraire. Il ne faut pas compter sur cet ouvrage pour trouver facilement la discographie des Bad Brains.
Mais à la fin vous pourrez avoir envie de : trouver les disques d’un paquet d’excellents groupes, (re)monter le vôtre, aller à des concerts, en organiser, savoir ce qui se passe autour de chez vous, monter un label, rassembler une scène … être punk ?

Going Underground est publié par les éditions Rytrut. Mention spéciale à l’iconographie.
Livre acheté chez Alphagraph, 5 rue d’Echange, Rennes.