Lætitia Shériff & Calva @ Bar’Hic : Ode aux grains de sable

Les palois de Calva démarraient la tournée accompagnant la sortie de Siamois, leur épatant nouvel album. Lætitia Shériff, Thomas Poli et Nicolas Courret bouclaient celle de leur inoxydable Pandemonium, Solace & Stars. L’association rennaise Kfuel a eu la riche idée de croiser ces deux trajectoires vendredi 13 mai au Bar’Hic à Rennes. Récit d’un chassé-croisé explosif.

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Nous franchissons la porte du Bar’Hic ce vendredi 13 mai pas fâchés d’y retrouver de quoi évacuer un peu la tension palpable ce soir-là entre manifestants venus en masse réclamer la maison du Peuple dont ils avaient été chassés le matin même et Forces de l’ordre présentes également en nombre. La soirée organisée par l’association Kfuel a au moins de quoi largement couvrir le son de ce putain d’hélicoptère semblant désormais planer en permanence au dessus de Rennes.Calva@BarHic-Kfuel-alter1fo (8)

Il y a apparemment eu débat entre les deux formations mais ce sont finalement les palois de Calva qui dégainent les premiers. Le trio formé de musiciens de l’épatant collectif A tant rêver du roi démarre plein pot avec le tubesque Negative Peak. Le titre ouvre d’ailleurs également leur excellent second album Siamois, sorti tout récemment et dont ils entament à peine la vie en live. Malgré le tout aussi redoutable Rock Caillou, leur version joyeusement déglinguée du stoner, on sent que le jeu des gars est un peu trop appliqué pour totalement emballer. Un début de set un peu crispé donc, malgré une belle énergie, mais ça ne va pas durer. Sur Small Poor Dog, ils arrivent enfin à lâcher les chevaux et le concert décolle aussitôt. Il faut dire que le morceau est parfait pour ça avec son refrain imparable (We Were Lovers ! à hurler très fort) et son accélération finale vivifiante à souhait. Calva brasse post punk, noise, math rock, psyché, electro 80’s, krautrock… avec une sensibilité pop qui apporte une immédiateté assez épatante à ce superbe et très personnel foutoir. Ils enfoncent le clou avec le synthé crapuleux et le riff étourdissant de françafrique qui confirme sur scène son haut potentiel groovy. Après un petit détour par un ancien titre, ils concluent l’affaire sur l’enchainement Eprouvette / Bagarre des étoiles qui boucle en beauté un set épatant. Leur concert confirme largement le haut potentiel que nous avions perçu à l’écoute de leur album. Nous sortons de là chaud comme la braise. Ça tombe bien, on connait la propension du trio suivant à souffler la tempête pour attiser l’incendie.

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Des Embellies à l’Ubu, en passant par le  6par4 et les Vieilles Charrues nous avons suivi de près la tournée qui a prolongé la sortie de inépuisable troisième album de Lætitia Shériff : Pandemonium, Solace and Stars. A chaque nouveau concert en (très bonne) compagnie du guitariste Thomas Poli (Dominique A, Montgomery…) et du batteur Nicolas Courret (Eiffel), nous avons eu le bonheur de voir le trio monter en puissance jusqu’à des hauteurs stratosphériques. La sortie en octobre 2015 de l’EP The Anticipation et la nouvelle tournée qui suit marquent le début de la fin du cycle de l’album. Nous nous attendions donc bien à un baroud d’honneur flamboyant, nous avons eu encore mieux.

LaetitiaSheriff@BarHic-alter1fo bis (2)Le trio s’installe promptement et on ne peut qu’avoir le sourire aux lèvres quand on constate une fois encore avec quelle facilité ces trois s’emparent de l’espace scénique. Côté jardin, on retrouve Thomas Poli, ses guitares et claviers. Au centre l’imposant Nicolas Courret campe derrière les futs. Enfin, côté cour, Laetitia Shériff alternera entre Dan Electro baryton et basse.
Comme à son habitude sur la tournée, la bande démarre le set sur une version débridée de Where is my ID ?. Dès ce premier morceau, tout ce qu’on aime chez eux est en place. Le jeu de guitare subtilement inventif de Thomas, la frappe précise et puissante de Nicolas, le jeu de basse intense et ondulant de Laetitia forment un écrin en rock pur, parfait pour accueillir la voix de la dame. Une voix, parfois superbement doublée par celle de Thomas Poli. Libre, aérienne et en même temps profonde, toujours placée avec une justesse impressionnante. Cette voix est définitivement de celles qui parlent aux cœurs. Sur Opposite, la bande démontre qu’elle n’a pas besoin d’un tempo d’enfer pour faire preuve d’intensité avant de recoller le pied au plancher sur un wash rageur qui achève de faire monter la température du Bar’Hic dans le rouge.

LaetitiaSheriff@BarHic-alter1fo bisDevant un public déjà totalement acquis à leur cause, ils embrayent sur deux superbes brise-cœurs: Aquarius (de l’album Codification) et Fellow. Ces deux remarquables démonstrations de douce puissance nous maintiennent en apnée, fascinés par leur sensibilité électrique. Cependant, c’est bien sur une incroyable version de To Be Strong que le concert va définitivement basculer. Sur ce morceau tout en montée, l’implacable batterie de Nicolas et les arpèges oniriques de Laetitia ouvrent la route à de titanesques boucles de synthés de Thomas avant une explosion sonique qui laisse tout le monde pantois de bonheur. Suit le groovy To Visit Brighton sur lequel le trio confirme qu’il a définitivement lâché la bride et qui nous vaut une savoureusement dissonante séance de torture de guitare menée de main de maître par Thomas. A partir de là, il semble que rien ne pourra plus les arrêter.  Après avoir effectué un large détour par leur EP The Anticipation, ils décochent enfin le redoutable combo The Living Dead / Ullaballoo pour un final tout en puissance. Sur le dernier morceau (que nous n’avons honteusement pas identifié), nous réalisons qu’en plus de la générosité (1h15 de concert mené tambour battant) et du talent de ces trois musiciens, c’est aussi aux petites défaillances techniques que nous devons un concert aussi mémorable. Les retours défaillants et un micro au câblage taquin ont sûrement participé à la petite dose de tension supplémentaire qui fit monter l’intensité du trio d’encore un cran alors qu’on n’aurait pas cru ça possible. On le réalise d’autant plus que la mort brusque et définitive du micro de Laetitia nous vaudra un moment magique durant lequel Elle et Thomas partageront, souffles mêlés, le micro survivant pour un duo de voix saisissant. Après tout ça, on ne peut pas vraiment leur en vouloir de ne pas faire de rappel. Laetitia l’annonce malicieusement en précisant que « Sinon, il y a risque que ce soit une reprise de The Cure » en référence à son mascara qui, n’étant pas waterproof, lui donne à la fin du concert de faux airs de Robert Smith.

Cet instant de grâce rageuse marquera l’apothéose d’un concert qui restera gravé dans toutes les mémoires de ses heureux participants. Une date qui boucle également de la plus belle des façons les tournées de Pandemonium, Solace and Stars avant de nouvelles aventures qu’on attend désormais avec la plus joyeuse des impatiences.

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1 commentaire sur “Lætitia Shériff & Calva @ Bar’Hic : Ode aux grains de sable

  1. Patrice

    Bravo à ces artistes! C’est rare d’avoir une telle intensité.
    Laetitia a une voix magique!

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