[Transports] Régie publique contre DSP : Rennes Métropole fait le choix de… ne pas changer.

Avant même l’avènement de la Loi d’Orientation des Transports Intérieurs (LOTI) le 30 décembre 1982, la gestion des services publics de transports urbains constituait une prérogative reconnue des collectivités. À ce titre, elles ont le pouvoir de prendre en charge directement le service, en régie, ou de confier sa gestion à un tiers via une concession, une délégation de service public (DSP), ou toute autre forme autorisée et régulée.

Par délibération en date du 17 octobre 2017, Rennes Métropole a délégué à l’opérateur Keolis Rennes, filiale à 100 % du groupe Keolis, la gestion et l’exploitation des services de mobilité sur l’ensemble du périmètre de transports urbains (STAR, Handistar, VéloStar, services de location… ). La convention de DSP de type régie intéressée a pris effet le 1er janvier 2018. Pour rappel, elle prévoit que l’exploitant perçoit et reverse à Rennes Métropole les recettes tarifaires des usagères et usagers, les recettes de publicité, les recettes des contraventions recouvrées par voie amiable et les recettes annexes. Signé pour une durée de sept ans, ce contrat, qui a fait l’objet de 9 avenants dont un de prolongation d’une année, a pris effet le 1er janvier 2018 pour se terminer le 31 décembre 2025.

En anticipation de cette échéance, et pour permettre à Rennes Métropole de préparer la procédure de renouvellement, le choix de la modalité de gestion a été débattu lors de la séance du conseil métropolitain du 16 novembre. Enfin débattu, le terme semble un brin exagéré, étant donné qu’il s’est limité à seulement deux interventions, d’une durée totale d’à peine 15 minutes.

Matthieu Theurier.
Matthieu Theurier.

En introduction à cette délibération, Matthieu Theurier, délégué à la Mobilité et aux transports de Rennes Métropole, récemment nommé conseiller municipal délégué aux finances et à l’administration générale, a tout d’abord rappelé un engagement pris lors du second tour des dernières municipales. Cet engagement était consigné dans l’accord programmatique entre les listes « Pour Rennes » menée par Nathalie Appéré, et « Choisir l’écologie pour Rennes », menée par Matthieu Theurier et Priscilla Zamord. Il s’agissait de mener systématiquement des études en amont du renouvellement des DSP, en vue d’une gestion publique des biens communs tels que l’eau, l’énergie, le transport, les déchets, le numérique, etc.

Dans cette optique, toutes les modalités de gestion ont été minutieusement analysées en interne : Régie, Délégation de Service Public (DSP), Société d’Économie Mixte, et même SEMOP. Comme l’admet volontiers le vice-président de Rennes Métropole, « chaque mode présente ses avantages et inconvénients » Cependant, ne créons pas de faux suspense : rien ne changera en 2025. « La délégation de service public avec un opérateur privé s’avère être le mode de gestion le plus favorable pour la collectivité et les usagers de la star », conclu sans ambages Matthieu Theurier.

avis sur le choix du mode de gestion
avis sur le choix du mode de gestion

En effet, selon ce dernier, « le grand inconvénient des systèmes en régie ou SPL réside dans le fait de faire peser sur la collectivité l’ensemble des risques industriels, commerciaux et techniques ». La panne de la ligne B du métro inédite par son ampleur, et la hausse historique du prix de l’énergie pourraient lui donner raison. Toutefois, la métropole tient à préciser que dans le prochain marché « les règles de transparence, de bonne gouvernance et d’encadrement de la marge réalisée seront renforcées ».

 

Le maire de Pont-Péan et conseiller métropolitain, Michel Demolder (PCF), se démarque de l’assemblée qui, elle, reste silencieuse, en exprimant son opposition. À ses yeux, l’argument des risques économiques liés à une reprise publique ne tient pas. Pour preuve, au fil des années, les compétences de la Métropole ont été considérablement étendues sans pénaliser les métropolitain·nes : service public de l’assainissement, régie publique de l’eau.

Michel Demolder

Michel Demolder souligne également l’importance de prendre en compte « les recettes additionnelles, même avec un taux de marge moins élevé dans le domaine des transports ». Il développe son argument en notant le manque « de visibilité quant aux bénéfices potentiels des délégataires. » Il convient de rappeler à cet égard qu’en 2020, la Chambre Régionale des Comptes (CRC) de Bretagne avait mis en lumière la « rentabilité financière excessive » réalisée par la société gestionnaire des transports en commun Keolis Rennes dans le cadre de sa délégation de service public (DSP).

Enfin, Michel Demolder pointe du doigt le calendrier proposé par la métropole, le jugeant problématique. En effet, la nouvelle concession s’étendra de 2026 à 2032, plaçant ainsi la future équipe métropolitaine devant un fait accompli. Une situation rappelant la mise en place des portillons en 2020 par les élu·es écologistes, bien qu’iels fussent opposé·es à cette mesure.

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Les élu·es communistes envisagent la gestion publique

Au final, le scénario de dévolution de type concession de service (délégation de service public), ce qui correspond au mode actuel d’exploitation du service a reçu l’approbation finale du conseil métropolitain par 106 voix pour et 4 abstentions du groupe communiste.

Mais la question cruciale demeure : qui se dressera en opposition à Keolis ? En 2017, la réponse à l’appel d’offres était exclusivement l’apanage de cette seule entreprise. Cette situation s’explique par la rareté des opérateurs intéressés par les défis techniques inhérents à ce marché très spécifique. Transdev Veolia et RATP Dev restent aujourd’hui comme les deux principaux rivaux. Mais, le premier a déjà été recalé en 2012(+d1fos), tandis que le second semble se concentrer sur les réseaux de transport parisien, et des agglomérations de taille intermédiaire.

À suivre, donc.

En France, la gestion externalisée se positionne comme une option privilégiée dans le domaine des déplacements urbains. Seulement 9 % des réseaux citadins relèvent d’une gestion en interne (régie directe ou Epic), tandis que 91 % opèrent sous la tutelle d’une délégation de service public.


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