On l’attendait avec une insoutenable impatience. C’était enfin le samedi 18 novembre au Jardin Moderne que la belle association de bienfaiteurs Trunks retrouvait, après 10 ans d’absence, la scène pour fêter en live la toute récente sortie de son merveilleux troisième LP : We Dust. La soirée était de plus complétée par le pétillant duo Tondeuse. Retour sur une soirée en état de grâce.
Dix ans qu’on attendait le retour des Trunks. Dix ans depuis le deuxième album On the Roof et ce concert fabuleux au Mondo Bizarro. Dix ans sans nouvelle de ce super groupe (et groupe super) composé de Laetitia Sheriff (basse, guitare, voix), Florian Marzano (guitare), Régïs Boulard (batterie), Stéphane Fromentin (guitare) et Daniel Paboeuf (saxophone). Tout avait commencé au Jardin Moderne [cf interview ici], c’est donc fort logiquement au même endroit que, le samedi 18 novembre, les Trunks venaient célébrer la sortie de leur excellent troisième album We Dust paru le 13 octobre 2023, enregistré, mixé et masterisé au Studio Impersonal par Thomas Poli, produit par Il Monstro et [are you trunked?] et distribué par L’Autre Distribution. Double bonheur donc car si c’est toujours chouette de retrouver sur scène un groupe qu’on adore à alter1fo, ils venaient aussi défendre un nouvel album qui est tout simplement une des plus belles galettes à être sortie en 2023.
Avant ça, c’était le duo Tondeuse qui démarrait la soirée. Formé de l’artiste Estelle Chaigne et du formidable bricoleur sonore Bertuf, le groupe vient en voisins (ils habitent à deux pas du Jardin Moderne apparemment) et en camarades (Estelle Chaigne a signé la splendide pochette du dernier album de Laetitia Sheriff). Face à face derrière leurs claviers et autres machines pleines de fils, le duo développe des mélodies brumeuses et élégantes hantées par la voix volatile d’Estelle. Au fil du concert, les sonorités entre électro pop et brumes ambiant laissent de plus en plus de place à de pétillantes boucles électro qui ajoutent une touche délicatement dansante à leur musique rêveuse et délicate. Une ouverture toute en finesse pour une soirée qui ne va pas manquer d’émotions fortes.
Nos cinq mercenaires de l’indie rock rennais débarquent alors sur scène devant une salle complète et déjà conquise d’avance. Ce n’est pourtant pas toujours le plus facile de jouer devant un public si proche mais les Trunks ne vont pas se laisser impressionner. On retrouve sur scène en arc-de-cercle et de gauche à droite : Stéphane Fromentin (guitare), Laetitia Sheriff (basse, guitare, voix), Régïs Boulard (batterie), Daniel Paboeuf (saxophone) et Florian Marzano (guitare).
Le set va bien sûr faire la part belle au dernier album et le jouera même en intégralité. Comme le disque, le concert démarre avec la somptueuse montée sur orbite de Les Belles Choses. Dès ce préambule, tout est merveilleusement en place. A la frappe chaloupée et foudroyante de précision de Boulard et au passionnant duel de guitares Fromentin/Marzano vient s’ajouter le fascinant duo entre le toujours aussi envoutant sax de Paboeuf et la voix de Laetitia qui réussit l’exploit de nous émouvoir un peu plus à chaque fois qu’on la voit sur scène. On n’oublie pas de saluer aussi le jeu de basse redoutable de la dame. Premier titre et première flèche en plein cœur. Quand démarre l’hypnotique montée en puissance de Blood On Poppies nous avons déjà les oreilles dans les étoiles.
Le quintet nous offre alors avec Piece of Everywhere un petit détour par leur split EP avec Filiamotsa et 3ème épisode de Rosemary K’s Diaries. Là encore, une ouverture aérienne en trompe l’œil cache un délicat et délicieux chaos rythmique qui nous mène à la déflagration d’Edgeways, titre qui fait exactement le chemin inverse. Du fracas rageur jusqu’à une somptueuse élégie à l’amour, la bande nous fait passer par tous nos états avec une maestria désarmante. Le bonheur de ces cinq artistes est aussi palpable que communicatif. Ils enchainent ensuite avec fougue et finesse Norbor et OBO, les deux morceaux instrumentaux de leur dernier disque au groove sophistiqué et sensible. Ils restent sur une note langoureuse avec Memotrunks et son clavier fantomatique et ses deux notes de sax obsessionnelles accompagnant le déchirant duo de voix Laetitia/ Marzano. Nouveau pas de côté discographique avec la cavalcade échevelée de Kniee (de l’album On the Roof) avant de conclure le set sur une version somptueuse de l’imparable doublée What is fantasy / What is real qui conclut le disque comme cette première partie de set sur un sommet d’émotions.
Quand ils quittent la scène sous un tonnerre d’applaudissements et de cris de joie, personne n’est dupe. Un tel bonheur ne peut pas se terminer aussi vite. ils reviennent évidemment bien rapidement pour un généreux rappel de quatre morceaux. L’album We Dust ayant déjà été intégralement joué, ils piochent ailleurs et nous offrent une conclusion no wave à souhait. Entre funk dada (Who’s My Favorite) et charge rageuse (Screaming Idiots) cette exaltante dernière salve achève de nous mettre genoux à terre et tête dans les étoiles après une bonne heure de concert qu’on aura passée en apesanteur totale.
Merci aux cinq troncs solides d’avoir de nouveau fusionné pour nous offrir une version aussi puissante et classieuse d’un disque qui n’est pas prêt de quitter nos platines. Bel exploit de transformer un des meilleurs disques de l’année en un des meilleurs concerts de l’année.
Merci également au Jardin Moderne, La Station Service et Patchrock, pour cette release party de très très haut vol. On compte maintenant sur les Trunks pour ne plus nous faire languir une décennie avant d’avoir droit à une nouvelle dose de leur magie.