C’est le 10ème Hellfest mais pour nous c’est le 8è. Ce qui fait un bon paquet d’excellents souvenirs*. Après une découverte timide sur un jour en 2008, nous avons enchainé avec 4 éditions sur tout le week-end (ou presque, boulot oblige), puis un doublé samedi-dimanche en 2013. Mais la fatigue s’est installée, l’augmentation de la jauge (et notre vieillissement) n’y étant pas pour rien. Depuis l’année dernière, retour au pass 1 jour, sans les bracelets VIP presse, donc sans files d’attentes des photographes.
Redevenir simple festivalier a été salutaire, mais le stress pour décrocher nos billets nous a laissé entrevoir la possibilité de ne plus pouvoir venir à Clisson. C’eut été bien dommage.
Tout d’abord parce que le site est à présent quasi-parfait (le seul bémol qui nous reste est le couloir d’accès à la Warzone) : les nouvelles tentes avec écran sont spacieuses, sans poteaux, relativement fraiches, avec un son au poil. La séparation Temple-Altar (même si chez nous on y passe peu) est très bien vue. Les points d’eau, les toilettes, la restauration, le skate park, la déco, les allées en gravier, les affichages des programmations, les gars qui déambulent pour vendre de la bière : tout est fait pour permettre au festivalier de profiter de l’essentiel (la musique) en passant un moment plus qu’agréable.
Concernant l’évolution du festival telle qu’on l’a connue, il nous semble que la spécialisation des scènes est une chance et un piège. Une chance car elle nous amène chaque année une palanquée de groupes stoner-doom-sludge sous la Valley. Un piège en risquant de tourner en rond (sans circle-pit). La synchronisation avec l’Altar nous oblige à arbitrer entre des groupes qu’on est à peu près sûr d’apprécier et d’autres qui nous rendraient curieux. L’alternance avec la Warzone, malgré l’éloignement et le fameux couloir, tombe quand même bien. Mais les formations qui rentrent moins dans les cases (prog, noise, electro …) ont un petit goût de pas assez.
Comme d’habitude, nous arrivons et repartons tôt. Garés rapidement et pas très loin, entrés facilement dans la zone de concert, nous arrivons « à la maison » pile pour le début d’Elder , comme prévu.
Dans la catégorie mélodique, voici le dauphin du jour. 3 gars de Providence, un chant idéalement placé, des parties de guitare et une section rythmique avec des idées et sans esbroufe. Ça commence très, très bien.
On peut aller explorer les environs. Les Butcher Babies nous amusent un peu, Broken Teeth nous ennuient assez vite. On prend la fin du set de Der Weg Einer Freiheit. Quand j’étais petit, j’aimais la bouillie.
Le Hellfest ne se revendique plus « festival des musiques extrêmes » (ou moins) mais invite Monarch, de Bordeaux. Nous en sommes ravis. On se souvient de la première écoute : WTF ! Lors du débrief, on se mettra d’accord : le batteur semble tenir la baraque. Pas étonnant quand on fait dans le si lent. Et dans le bruit, surtout celui qui vient du micro de la jeune femme au milieu.
Palme du set le plus intense du jour. Et une nouvelle rencontre avec Quentin Sauvé qui s’occupe aujourd’hui des lumières. Il doit jouer le lendemain avec Birds In Row, qu’on manquera. Le rattrapage pourrait avoir lieu en août, au Motocultor.
Nous voulions revoir The Answer. L’année dernière, Lez Zeppelin pastichait le meilleur groupe de rock. Les Irlandais sont plutôt de bons copistes, ça tient la route.
The Wounded Kings cherchent une place sur le podium catégorie lourd. Plus de chanteuse mais George Birch est de retour et permet aux Anglais de se placer sur la seconde marche, derrière la bande d’Emilie Bresson. A cette heure de l’après-midi, l’affluence de la tente permet même de regarder allongé dans l’herbe, pas très loin de la scène. Le panard.
Les années nous ayant appris à nous économiser au lieu de courir d’une scène à l’autre, on reste au frais. Le Hellfest, c’est aussi pour se retrouver et discuter. On mate la balance d’ASG et celle-ci nous rassure déjà : la voix de Jason Shi aura ce qu’il lui faut dans le mix. Quand le groupe joue pour de bon, on repart dans la boite à souvenirs. C’est pour des moments comme ça qu’on vient ici. Pour le plaisir que procurent les groupes comme Torche, Red Fang ou ASG. Le reste sera du bonus.
Par exemple les Allemands des mers. Ahab, c’est le capitaine de Moby Dick. Lourd et immergé : on plonge. Trois quarts d’heure après, on se sent tout au fond, la lumière filtre par les arpèges de guitare. On a nos troisièmes.
Alors il faut sortir et constater que la densité a nettement augmenté. C’est en train de devenir trop, mais on s’approche des scènes principales. Parce qu’il y a un peu plus de 20 ans, on avait un peu plus de 20 ans, et une cassette de L7. Les filles sont comme nous : du gras, des rides, des pains mais du plaisir aussi. On a aimé, on aime encore. Christine Ockrent (Suzi Gardner) ne sait pas s’arrêter mais c’est sûrement pour aller au bout du temps alloué. Ce que bon nombre d’autres formations qu’on aura vues ne feront pas.
Comme Terror par exemple. Tant pis, on reste dans la warzone : pour la pelouse, la bouffe (des moules ! Vraiment ?) et se placer. Sauf qu’une demi-heure avant qu’Ice T ne monte sur scène, il n’est déjà plus possible de rester assis. Jamais vu autant de monde devant cette scène. C’est pour Body Count.
En 10 ans, Ben Barbaud et son équipe ont changé le regard du grand public sur le métal. Le chevelu à T-Shirt noir ne fait plus peur à personne, Tata Jacqueline a compris que les croix inversées, c’est du folklore.
Pourtant, le frisson, l’inquiétude qui précèdent les suées, on peut encore les ressentir tous les ans, de façon diffuse, dans la partie du festival consacrée au hardcore. Quand les membres du gang de LA arrivent masqués, quand la foule reprend les insultes/refrains, il se passe quelque chose. Quelque chose de bizarre lorsqu’au moment où le groupe conclue sur Copkiller, les gendarmes passent à côté de nous. On les retrouvera, regroupés, avec des gilets pare-balles pour certains, au milieu du flot qui s’écoule vers la sortie.
Celle-ci nous conduira finalement une dernière fois sous la tente à fumette (moins présente cette année ?), alors qu’on avait initialement prévu de se placer en avance devant la Mainstage 2. C’est parce qu’Orange Goblin est un groupe qu’on aime : la musique, la montagne qui lui sert de chanteur et ce documentaire où l’on voyait les mecs finir leur journée de boulot pour s’entasser dans leur van et faire la route jusqu’à Clisson. Cette fois-ci, la troisième, on rentre moins dedans. Trop loin, trop de fatigue, déjà. On va voir Mike Patton and Co.
Quand on était jeunes, on n’aimait pas Faith No More : le chant, les claviers, pas assez funk, pas assez dur. Aujourd’hui on adore. Comme le Hellfest, nos goûts ont évolué, et le rendez-vous du 3è week-end de juin n’y est pas pour rien.
On découvre l’installation sur la scène en même temps que les membres du groupe : amplis recouverts de blanc, bâche au sol blanche, partout des bacs à fleurs blancs, et les fringues bien sûr. FNM veut se démarquer. Leur répertoire y suffit, pas besoin de jouer avec les mots « metal » et « merde ». C’est le syndrome NO FX : on n’a rien à voir avec les autres. Vous êtes mal renseignés les gars. Pour qui a les oreilles ouvertes, la palette de la programmation est très large. D’ailleurs il y a vous, avec vos sons de piano, votre humour, vos putains de chansons et votre crooner qui sait tout faire, même échanger des fringues avec un mec de la sécurité.
On est parti avant le feu d’artifice. On reviendra si on peut. Quelque chose nous manquerait si on ne passait plus la Loire au début de l’été.
*The Dillinger Escape Plan et No FX en 2008, Heaven and Hell, Machine Head, Gojira, Clutch, Mastodon, Napalm Death, Kylesa, Torche, Orange Goblin en 2009, Airbourne, Slayer, the Young Gods, Rwake en 2010, Down, the Stooges, Melvins, Times of Grace, Red Fang en 2011, Hank 3, Liturgy, Unsane, Yob en 2012, Pig Destroyer, Converge, le Bal des Enragés en 2013, Hark, Herder, Subrosa, Protest the Hero en 2014 (liste non exhaustive)