Essais : manifeste négawatt, famine au sud/malbouffe au nord

Première diapo. Question : Si on fonce vers un mur, il faut : a) accélérer b) freiner ?

Il se trouve que le mur est double : le dérèglement climatique et la fin de l’énergie fossile bon marché. Les membres de l’association Négawatt proposent depuis quelques années non seulement des objectifs pour ne pas s’écraser, mais surtout des scénarios pour les atteindre. Le dernier a été présenté au public à la fin de l’année dernière et est exposé dans un livre sorti en ce début d’année 2012, année électorale.

Tournant le dos à la fois au pétrole et au nucléaire, les auteurs fondent leur transition énergétique sur trois piliers : la sobriété, l’efficacité et les énergies renouvelables. Les gisements de négawatts, c’est toute cette énergie que l’on peut se passer de consommer, pour un bien-être équivalent. A titre d’exemple, on parlera de tous ces appareils qui fonctionnent quand on ne s’en sert pas.
Pour ce qui se doit de tourner, il s’avère qu’avoir la même chose en dépensant moins est de manière étonnante assez souvent à portée de main. On renverra aussi au livre « Facteur 4 » sorti chez Terre Vivante.
Enfin, l’énergie qu’il nous faut tout de même produire, les renouvelables peuvent nous la fournir. Thierry Salomon, Marc Jedliczka et Yves Marignac nous expliquent comment. C’est un des intérêts de ce livre.

Le principal c’est de raconter le cheminement nécessaire pour atteindre les objectifs fixés pour 2050. En 10 mesures, sont passés en revue les conditions politiques, l’habitat, les transports, la fin du nucléaire, l’essor des renouvelables et la fiscalité. Concernant les premières, on est toujours content de retrouver exposé le lien si fort entre changements de modes de vie et démocratie, dans toutes ses composantes.
C’est que, dans un pays aussi centralisé que le nôtre, le champion de l’atome (qui a doté tant de ses concitoyens de chauffages électriques), le projet va concerner tous les niveaux de notre société.

Et c’est en ça qu’il est formidable et transforme la trouille en enthousiasme. On peut pinailler sur tel ou tel point (plus d’appareils électriques ?), ou plus simplement débattre avec ces gens sur ce qu’ils mettent sur la table, mais il faut en tout cas s’emparer de ces questions. Aujourd’hui.

Manifeste Négawatt
Réussir la transition énergétique
Association Négawatt
Actes Sud, Domaine du possible
369 p, 20 €

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Etre agronome quand on s’appelle Marc Dufumier, c’est comme être footballeur quand on se nomme Jérémy Pied : on sent comme de la prédisposition.
Le monsieur qui nous intéresse est professeur à l’AgroParistech, a voyagé sur tous les continents et fait l’expérience de l’humilité avec des paysans malgaches à ses débuts. Il le raconte au début de son livre.
Livre dont le titre a dû être trouvé par l’éditeur, car il est nul : Famine au sud, Malbouffe au nord, Comment le bio peut nous sauver.
C’est que le lien entre la surproduction d’ici et la misère de là-bas est bien tracé, mais l’agroécologie (l’auteur préfère ce terme à celui d’agriculture biologique) n’est qu’une des solutions évoquées.

En Europe, en Amérique du Nord, nous produisons trop et mal. Nous empoisonnons nos corps, l’eau, la terre, détruisons les sols, foutons en l’air les équilibres de l’atmosphère.
La séparation entre élevage et culture est destructrice. La Bretagne a ses cochons mais pas de paille pour leur merde. La Beauce a son blé mais doit utiliser des engrais issu du pétrole. Les uns ont une flotte dégueulasse, les autres vont adorer le pic pétrolier.
Au niveau au-dessus, l’Europe subventionne l’exportation qui ruine les paysans du sud.

Dufumier démonte aussi la révolution verte, l’agriculture extensive d’Amérique Latine, les OGM. Tout ça en moins de 200 pages. Ce livre est d’une clarté exemplaire.

La Politique Agricole Commune doit être révisée en 2013. Le virage est là. A prendre. L’agronome propose : réforme agraire, réforme de l’aide au développement, financement des agriculteurs du Sud, fin du libre-échange, fin des spécialisations, agroforesterie, culture des légumineuses.
S’il ne fallait retenir que cela (mais ce serait une erreur), le plaidoyer pour ces plantes qui nous permettraient de nous passer du soja transgénique brésilien cultivé dans ce qui était la forêt amazonienne, qui améliorent la qualité des sols (elles permettent la fixation de l’azote de l’air), contribuent à une meilleure alimentation humaine, ce plaidoyer est exemplaire.
Et bien sûr le bio dans les cantines, toutes les cantines : scolaires, d’entreprises, d’hôpitaux …

Famine au sud, Malbouffe au nord
Comment le bio peut nous sauver
Marc Dufumier
Nil éditions
190 p, 18 €

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