Essai en septembre

Offshore, le livre d’Alain Deneault, est sous-titré « paradis fiscaux et souveraineté criminelle ». Il est édifiant.

 

Dès la 4è de couverture, on nous invite à changer de perspective, à la renverser même. Les paradis fiscaux ne sont pas un « ailleurs » où « fuient »les capitaux, ils sont des souverainetés fabriquées, qui ont donc une histoire.
C’est ce que l’auteur retrace dans un premier temps.
Des grandes villes d’Europe, s’affranchissant des pouvoirs voisins, inventent à la Renaissance des instruments du capitalisme actuel. Il est frappant de rencontrer dans cette époque la figure du banquier, réglant les transactions par virement de compte à compte. Plus loin, les ancêtres des produits dérivés voient le jour à Anvers. Déjà « la Seigneurie emprunte ».
La colonisation au XIXe siècle marque durablement la mémoire et l’ADN du offshore. Le Congo est une colonie non pas de l’état Belge, mais du roi Léopold Ier. Le souverain y est actionnaire des sociétés qui y travaillent (ou exploitent).
C’est dans le même imaginaire, la même symbolique que le classement entre iles paradisiaques et infernales débouche sur la vision racialiste qui a court dans les guides destinés aux usagers des paradis fiscaux.

 

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Ce qui dessille dans ce petit bouquin, c’est l’idée, et la démonstration, que les mouvements de capitaux, les rapports de forces, n’ont strictement rien à voir avec la fatalité. Lorsqu’on a en tête la petite musique de « la crise », serinée chaque jour par les supposés « responsables » politiques, ces pages ont de quoi mettre en colère ou rendre cynique.
Ainsi, on nous y explique le moment où la décision est prise de faire payer les impôts d’une entreprise en fonction de la localisation de son siège social. La Suisse et Londres, entre autres, ont su en profiter. On peut apprendre aussi que le marché des changes est moins vieux que nos papy-boomers.

 

L’hypocrisie atteint son comble dans la confusion entre l’argent des activités criminelles et légales. Sont croisés, parmi d’autres, Denis Robert et Bernard Madoff, ancien président du Nasdaq, faut-il le rappeler, ainsi que le commissaire européen aux affaires maritimes, citoyen de Malte, le pays où était enregistré l’Erika.

 

Oui mais. On nous a annoncé la fin des paradis fiscaux ? Si l’on suit Deneault, il s’est plutôt agi d’un règlement de compte entre concurrents, d’une possibilité d’être étiqueté « équitable » à peu de frais. Malgré l’Appel de Genève et le marasme économique actuel, ce livre ne rend pas optimiste sur la possibilité que les lignes bougent jusqu’à un horizon qu’on appellerait Justice.

 

Pour chipoter, on dira que les quelques défauts de cet essai viennent de la formation de l’auteur : philosophe, on le perd parfois de vue dans les cimes de sa réflexion. Rien de rédhibitoire.

Alain Deneault
Offshore, paradis fiscaux et souveraineté criminelle
La Fabrique Editions
162p 14 €

livre acheté chez Alphagraph, Rennes

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