Essai en mai : Mille ans de langue française

Qu’est-ce qu’un bon Français ? Et qu’est-ce que le bon français ? Quelque chose qui se perd, diront certains, quelque chose qui ne sait plus s’écrire par la plupart des habitants de ce pays. Mais cela a-t-il été jamais le cas ?

Le tome 1 de « Mille ans de langue française, histoire d’une passion » ne fait pas que nous permettre un bon coup d’œil dans le rétroviseur, pour aller de l’avant. Il se suffit à lui même pour appréhender certains des éléments qui amènent à l’accouchement et au développement d’une langue.

Terre celtique, la Gaule nous a laissé un vocabulaire de paysan : alouette, mouton, truie, corbeau, bouleau, bruyère, crème, sillon, charrue, talus, lande, boue …
Pays d’installation des Germains, la future France en a hérité un lexique guerrier, entre autres.
Entre les deux, le latin fut la matrice des différents dialectes qui vont fleurir au Moyen Age.

Trois « zones » découpent alors plus ou moins nettement un espace qui n’est pas l’hexagone. Au nord les langues d’oïl, au sud les langues d’oc, entre les deux mais sur son flanc est, le(s) francoprovençale(s).
De l’émergence d’une « langue-toit » dans la capitale du royaume au déclin en patois de parlers qui donnèrent pourtant leur part de littérature à ce pays, l’évolution du « françois » n’a pas coulé de source.

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La fille ainée de l’église rendait ses savants et ses clercs au minimum bilingues. Le latin n’était pas que la langue de Cicéron mais surtout celle de La Bible. Le changement d’époque, le passage aux Temps qu’on dit Modernes, vit la jeune pousse, imitant sa sœur italienne, prendre une place que la bientôt morte ne savait plus occuper.

On voulut alors la discipliner.

Livre passionnant même si sa lecture n’est pas toujours aisé pour ceux qui n’ont pas subi de cours de linguistique (« On relève l’évolution de la diphtongaison de /e/ bref latin suivi d’une consonne palatale »), cet ouvrage de référence d’Alain Rey, Frédéric Duval et Gilles Siouffi sert l’histoire comme on l’aime : multiple. Faite de sociologie (les précieuses n’étaient peut-être pas si ridicules), de techniques (l’imprimerie, bien sûr ! Mais comment ?), d’événements (la renaissance carolingienne, l’invasion normande de l’Angleterre : « Le plus ancien livre de droit en français est un manuscrit anglo-normand du milieu du XIIè siècle »).
Surtout de mises en perspectives qui peuvent aider à faire bouger les lignes ou remettre quelques idées en places.

On pense à la possibilité de « dénationaliser » notre langue (toutes les langues ?), peut-être d’ailleurs devrait-on dire : « nos langues », « nos français ». On pense aussi à toutes ces petites ou grandes guerres sur son écriture. Au XVIIè siècle, alors que la normalisation bat son plein, le débat déjà fait rage. Contre les simplifications, l’Académie Française choisit l’orthographe ancienne : « qui distingue les gens de lettres d’avec les ignorants et les simples femmes ».

Allant des traces dans les rivières de mots plus vieux que les Celtes, au créole des Antilles et d’ailleurs, en passant par Racine, la Réforme, les apports des langues voisines etc …ce sont plus de 10 siècles, finalement, qui sont ici balayés.
Le tome 2, sous-titré « Nouveaux destins », n’en aborde que trois : les derniers. Sans doute pas les moins intéressants pour raconter la langue française.

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collection Tempus, Editions Perrin
650 p, 12 €

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