Animaux exotiques géants, forêt d’ombres magiques, dessins gigognes aux mystères enfouis à découvrir à la loupe magique : l’association Electroni[k] prend la clé des Champs Libres pour ce Premier Dimanche de février et vous ouvre la porte de nouveaux mondes poétiques, excitants et fantastiques. Vous pourrez également y transformer un café en dancefloor, y écouter des concerts au casque, inventer de la musique en dessinant sur des disques en papier et ce ne sont que quelques exemples de ce que la facétieuse équipe d’Electroni[k] vous a concocté pour ne pas vous ennuyer ce dimanche 1er février. Explications.
Testée et approuvée, la formule des Premiers Dimanches aux Champs Libres est reconduite en 2014-2015. Non seulement l’équipement culturel rennais vous ouvre ses portes le dimanche, mais non content de vous accueillir pour le planétarium, la bibliothèque ou les expos, il laisse ses clés à une association ou une structure du paysage culturel rennais pour animer les lieux le premier dimanche de chaque mois. Ce dimanche 1er février, c’est l’association Electroni[k] qui re[k]idnappe les lieux. La première fois, Monstres & Merveilles étaient conviés. Cette fois-ci, Electroni[k] nous invite à explorer Le monde des possibles. Et on leur fait particulièrement confiance pour nous ouvrir les sens et garder nos rêves en éveil.
L’association Electroni[k] :
L’association Electroni[k] propose différentes manifestations à Rennes, notamment pendant le temps fort Cultures Electroni[k], désormais devenu Maintenant autour des arts, de la musique et des technologies au travers de spectacles variés et souvent atypiques, mais toujours d’une réelle qualité artistique.
Chaque année, depuis 14 ans, Cultures Electroni[k] nous étonne avec des propositions souvent décalées : concerts subaquatiques, soirées clubbing débridées, concerts en pyjama, drive-in, concert de légumes, de haut-parleurs ou de machines à coudre, boums familiales ou concerts de musique contemporaine n’en sont que quelques exemples !
En plus des offres plus classiques, Electroni[k] s’attache ainsi à constamment expérimenter de nouvelles formes d’accueil et d’interaction avec le public : des lieux apparemment incongrus (une piscine, un dojo, une maison de retraite…), des formats étonnants (des concerts sous l’eau, des installations qui s’écoutent sur des lits suspendus, des performances qui se découvrent au cœur de dispositifs sonores englobants ou de visuels hallucinants, des concerts au casque…). Et surtout, une volonté de s’adresser à tous les publics.
Des expos et des installations interactives
On commence par les expos. La première nous avait laissés sans voix lors de sa présentation durant Maintenant en octobre dernier dans la salle des Pas Perdus du Parlement de Bretagne (tout comme 2000 autres Rennais) : imaginez deux doux fous furieux, Elsa Quintin et Antoine Martinet, décidant un jour de réaliser un double (au départ simple) polyptyque de 8 panneaux de 180cm x 50cm uniquement dessiné avec le stylo pilot : Le Projet Pilot.
Inutile d’y chercher un hommage à la marque ou un partenariat financier, la marque n’a rien à voir là-dedans. Le titre est plutôt un emprunt pop de l’outil qu’ils utilisent, et s’ils l’ont choisi, c’est d’abord pour la couleur de son encre un peu particulière un peu violette, bordeaux, qui, utilisée sur une sorte de papier cartonné légèrement jaune, offre un effet esthétique intéressant et permet de sortir de la dualité noir et blanc qu’on retrouve assez fréquemment avec le dessin. On vous renvoie donc à la longue présentation qu’on avait réalisée ici. Mais un conseil, foncez voir ce délirant et stakhanoviste projet au Musée de Bretagne (Mur Bleu, Niveau 1) !
Autre formidable nouvelle : la scénographie de ce Premier Dimanche a été confiée à Vincent Godeau. Déjà pour sa première venue aux Champs Libres Electroni[k] avait eu la bonne idée de peupler le grand hall des gigantesques et fantastiques Gens Plats de Jean Jullien. Cette fois-ci, c’est le monde du graphiste et illustrateur strasbourgeois, membre du Bureau (non, ce n’est pas un meuble, mais un collectif d’artistes) qui nous accueillera. En 2013, durant Maintenant, Vincent Godeau avait déjà présenté le fascinant Eclairer le monde, magnifique panoramique bricolo sur un futur aussi bigarré que fragile. Disposées sur plusieurs séries de rails, de minuscules silhouettes de bristol et de papiers colorés translucides étaient projetées sur un mur par une simple lampe de poche jouant sur la polysémie du mot projeter… Sur les murs et dans l’avenir. Cette fois-ci, l’artiste ouvre encore le monde des possibles en peuplant le hall des Champs Libres d’animaux exotiques géants. Bigre !
On vous conseille également de directement foncer voir les extraordinaires machines fomentées par la belle bande d’AVoka Productions entre autres. Vous pourrez commencer par jouer avec l’installation Akuery. On pose des formes géométriques aux couleurs variées sur une table lumineuse ronde. On appuie sur un bouton et voilà une image de ce qui va constituer un véritable film d’animation projeté en direct. L’interface est très astucieuse et la prise en main immédiate. L’œuvre peut être collective, ce qui permet de gérer un peu l’afflux de marmots extasiés. La recette du succès : un emploi simplissime pour des possibilités infinies. Top !
Tout comme le Dyskograf qu’on a également pu tester en 2012. Ce superbe meuble tourne-disque lisant les plages noires dessinées sur des disques en carton pour les traduire en sons, avait vu un défilé continu de bambins surexcités à l’idée que la machine joue la musique de leurs dessins. Les petits auront peut-être parfois du mal à freiner leurs ardeurs graphiques (c’est tant mieux !) et les compositions risquent d’être souvent un peu cafouilleuses voire carrément hardcore mais la variété risque une nouvelle fois d’être étonnante et fascinante.
Nouveauté pour nous en revanche, le Persystograf, créé par Avoka et Bernard Szajner, est une sorte d’orgue de barbarie mutant de l’ère électronique : on l’actionne à l’aide de petites touches rondes et d’une manivelle afin de créer en même temps une œuvre sonore et visuelle lumineuse en rotation. On a hâte de voir et d’entendre !
On découvrira avec la même curiosité In the Woods créée par Camille Scherrer, qui nous rappelle dans ce qu’on en a vu, l’esprit de la Cave aux Bulles présentée cette année pendant Maintenant. Le principe est le même : transformer la réalité « pour faire croire aux gens qu’on vit dans un monde où la magie est encore possible » . Kids et plus grands pourront ainsi, au détour d’une forêt en ombres chinoises, se transformer sans s’en rendre immédiatement compte en créatures fantasmagoriques. Magique ! Travaillant aussi bien sur la simplicité apparente que sur une approche essentiellement intuitive, la jeune designer suisse joue sur l’émerveillement et la surprise juste à partir d’ombres et de sources lumineuses. Les images nous ont pour notre part d’ores et déjà convaincus !
Ateliers et œuvres participatives
Une autre manière de mettre la main à la pâte en famille (ou non) pour vous amuser, les ateliers ou les œuvres participatives. Sachez que vous pourrez ainsi réaliser une fresque évolutive et collective à l’aide de tampons encreurs grâce à 4 étudiants de l’EESAB, l’Imptamp. Ça risque également de nouveau d’être le grand n’importe quoi avec Bloom Games d’Alisa Andrasek et José Sanchez. Les pièces rose éclatant de ce monumental jeu de construction devraient donner naissance à de multiples structures futuristes ou encore à d’étranges créatures fantastiques couleur malabar. Plus de 2 800 (?!) morceaux de plastique rose (recyclable) de 40cm de long se combinent, se décombinent, forment d’immenses fleurs ou de grosses boules de plastique rose, des ponts fantasmagoriques ou des cabanes du troisième type (à vous de les assembler comme bon vous semble) pour le plus grand délice des petits et grands.
En ce qui concerne les ateliers, on vous conseillera encore une fois les facéties de nos joyeux drilles Vincent Godeau et Agathe Demois. Retour aux crayons avec l’atelier Cache-Cache dessin, joli jeu de camouflage imaginé par les deux artistes. Armés de crayons gris ou bleu et de superbes lunettes rondes au filtre rouge, les participants seront invités à dissimuler à l’intérieur de dessins au maillage rouge vif, ce qu’ils veulent bien y planquer. Avec malice et application, enfants et plus grands devraient prendre un plaisir communicatif à planquer leurs créations dans de magnifiques camions, nuages, arbres, animaux ou usines… On risque une nouvelle fois d’avoir bien des surprises en passant les grosses loupes dévoilant de façon spectaculaire ce que dissimulera la grande fresque réalisée…
Pour ceux qui aiment jouer et comprendre, l’atelier Synthétiseur modulaire animé par Christophe Le Comte (à la fois atelier et conférence) vous permettra de comprendre comment fonctionne un synthétiseur modulaire et de découvrir la multitude de sons qu’il peut créer. Pour celles et ceusses qui préfèrent jouer les gamers (en s’improvisant poète -si, si-, mais aussi en explorant des labyrinthes magiques ou en résolvant des défis à deux), c’est l‘atelier Tablettes Numériques (jeux ou lectures) qu’il faudra choisir.
De la musique
Question concerts et musiques, la programmation devrait également nous ravir les oreilles. Depuis la nuit Slaapweel pendant laquelle Electroni[k] nous avait fait passer la nuit en pyjama dans un dojo (voir le compte-rendu ici, lisez-le c’est un de nos plus extraordinaires souvenirs !), on adore que le festival nous installe confortablement avec de la musique dans les oreilles. Là, il s’agit d’une salle remplie de coussins rouges bien molletonnés qui vous invitent à vous affaler. Disséminés dans la salle, plusieurs casques d’écoute et leurs stations de contrôle (qui permet à chacun -riche idée- de régler le volume comme il le souhaite) vont vous permettre de découvrir les concerts au casque de plusieurs représentants de la scène électronique rennaise : Knappy KaiserKnappy (aka Elsa Quintin du projet Pilot) et son ambient vitaminé à l’éclectisme bienvenu, Les Gordon responsable d’une sacrée tripotée de compositions souvent aussi douces et graciles que ouatées et Chambry (aka Quentin Chambry aussi connu comme graphiste, créateur de fanzines, membre du collectif 126, skateur, …), amateur de collages sonores de house soulful.
On retrouvera également les trois musiciens dans le café des Champs Libres pour une sélection légèrement plus percutante et clubbing pour transformer le parquet du café en dancefloor-after (oui, les paupières de certains seront lourdes). Il seront également rejoints par Calcuta (du collectif Midi Deux, responsable récemment d’un mix pour Trax) et de Kiwisubzorus (qu’on connaît également pour son travail graphique, notamment avec Mioshe), tout deux amateurs d’étrangeté techno du meilleur aloi.
On sera également plus qu’emballé de retrouver dans un tout autre style le nouveau projet de Benjamin Jarry. On l’avait découvert lors de sa première venue aux Champs Libres avec Electroni[k] en 2012. On avait pris une énorme claque. Le violoncelliste nantais, Benjamin Jarry y avait joué deux morceaux basés sur son Splendid Isolation (qu’on écoute depuis en boucle) ainsi qu’un autre en duo avec l’ami Ghislain Fracapane à la guitare.
Benjamin Jarry utilise son violoncelle et des traitements électroniques pour boucler les différentes mélodies jouées sur son instrument. La musique du violoncelliste est à la fois mélodique, évidente. Et en même temps d’une profondeur inattendue. On y entend beaucoup de Reich. Cette fois-ci, le Nantais revient en solo mais également en quatuor pour le projet Double Bind, avec deux violoncelles, une clarinette basse et un piano. Ce qu’on a pu entendre est une nouvelle fois prometteur et on se promet des frissons cette fois encore. Amateurs de Rachel’s, Steve Reich, Oliver Coates, Julia Kent ou Gordon Whiters, vous risquez d’adorer. Nous en tout cas, on en est dingue.
Dans un tout autre style, on sera également ravi de retrouver l’excellent projet du Rennais Pavane dont l’ep L’échappée sorti en octobre dernier est une brillante réussite. Un garçon qui choisit comme nom de scène une danse de la Renaissance, ce n’est pas si courant. Pourtant quand on se penche sur le parcours de Damien Tronchot alias Pavane, ce choix tombe sous le sens. Le jeune homme membre du groupe Thraces avait déjà commencé à mêler les influences et les créations sur ce projet collectif aux directions foisonnantes, ayant comme objectif de cristalliser toutes les influences musicales de ses membres (des gamelans balinais à Squarepusher en passant par Steve Reich ou Frankie Knuckles et on en passe – vous pouvez écouter leur excellent album ici). Pour ce projet solo, il a décidé de continuer à allier les genres mêlant ensemble musique classique et musique électronique (à la manière peut-être d’un Bachar Mar-Khalifé, les influences orientales en moins, ou dans la lignée peut-être d’un Nils Frahm ou d’Olafur Arnalds) en mêlant sa pratique instrumentale de pianiste classique à celle de musicien électronique. Ses morceaux utilisent ainsi samples de musique classique (un sample de Messiaen sur Le Belvédère, un autre de Ravel sur La Danse des Daphnis, peut-être bien tiré de Daphnis et Chloé par exemple) et citent abondamment Debussy, Ravel (la Pavane à une infante défunte aurait-elle inspiré son nom à Damien Tronchot ?), Fauré (à moins que ce ne soit celle de Fauré ?), Sibelius ou Poulenc pour des développements mélodiques amples et foisonnants.
Associés à des rythmiques électro (on est plus sur des rythmiques à la Rone ou Boards of Canada qu’à la Derrick May ou Plastikman pour dire vite), ces développements mélodiques gagnent en relief et l’ensemble crée une œuvre dynamique et riche, agrémentée d’interludes au piano seul. L’artiste a ainsi souhaité « ralentir le rythme, tout en le maintenant omniprésent, comme le fait cette danse de l’époque de la Renaissance : la pavane » ainsi que l’explique la note d’intention accompagnant la présentation de son premier essai discographique. Une vraie réussite sur disque. A (re)découvrir en live.
Enfin, on aura la chance d’entendre en live The Eye of Time, projet solo de Mark Euvrie (activiste punk dans les groupes Aussitôt Mort, Karysun, Mort Mort Mort, Sugartown Cabaret) sorti chez Denovali Records. Loin de ses premières amours punk, The eye of time mêlait étonnamment sonorités industrielles à celles du piano et du violoncelle (que le musicien pratique depuis très jeune), sur des rythmiques concassées, proches d’un hip hop décharné. Pour son second album à venir en août 2015, le garçon a changé de point de vue et s’est concentré autour de l’acoustique, du piano, du violoncelle, en enregistrant en quelque sorte le contrepoint de son premier opus, froid et angoissant. Le violoncelle comme le piano, dans les morceaux qu’on a pu entendre, dégagent désormais davantage de chaleur, laissant percevoir une vague d’espoir plus lumineuse.
Se faire une toile ?
Et si vous trouvez encore le temps de vous ennuyer (vous êtes sûrs ?) ou que vous avez simplement envie de vous caler confortablement dans un fauteuil et de regarder une sélection de courts métrages consacrés aux arts numériques et/ou à la création sonore, vous aurez également la possibilité de vous immerger dans la sélection Docs en stock au musée. Une petite idée de ce qui vous y attend ?
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L’association Electroni[k] et les Champs Libres présentent les Premiers Dimanches aux Champs Libres n°18 : Le Monde des Possibles dimanche 1er février 2015 de 14h à 19h.
Entrée libre.
Attention, pour certains ateliers, il est nécessaire de s’inscrire. Plus d’1fos :
Le site d’Electroni[k] et Maintenant
Le site des Premiers Dimanches aux Champs Libres