Cette année encore, Maintenant risque de nous faire écarquiller yeux et oreilles grâce à des installations interactives aussi bluffantes que poétiques. Trois d’entre elles seront présentées au Grand Cordel MJC. Et ce qu’on en a vu nous a laissé sans voix.
Commençons avec l’extraordinaire Cave aux bulles conçue et réalisée par Joëlle Aeschlimann, Mathieu Rivier et Pauline Saglio.
S’étant rapprochés à l’ECAL (école d’art et design de Lausanne), les trois artistes spécialisés dans le design « interactif » ont en effet donné naissance à une installation aussi surprenante que poétique.
Qui a un jour soufflé dans un flacon à bulles pour s’émerveiller ensuite des formes et des trajectoires plus ou moins éphémères de ses créations d’eau savonneuse risque bien de repartir du Grand Cordel des étoiles plein les yeux.
La fine équipe a en effet choisi de se servir de ce jeu relativement intuitif (et assez irrésistible) pour concevoir son installation. Un flacon à bulles est ainsi disposé à hauteur de visage invitant chaque spectateur à venir souffler pour réaliser des bulles de savon. Sauf qu’il n’y a pas une once de savon dans le dispositif !
Pourtant, l’ombre portée de la bulle en train de se former accompagne le souffle du spectateur. On la voit ensuite se détacher avec une ribambelle de bulles (plus ou moins fournies, selon le souffle du spectateur) qui suivent une route parfois éphémère, un courant ascendant soudain ou un lent cheminement, pour éclater sans prévenir… ou se transformer, en ballons, en montgolfières sous nos yeux écarquillés.
Jouant tout aussi bien sur la simplicité apparente du dispositif (un flacon à bulles) que sur son approche essentiellement intuitive, les trois designers jouent sur l’émerveillement et la surprise. Tout comme les bulles de savon nous enchantaient par leurs transformations au moment où nous soufflions dans l’anneau de plastique, tout comme elles nous émerveillaient par leur fragilité aérienne et nous surprenaient par leur disparition soudaine, les ombres portées de La Cave à Bulles nous enchantent pareillement par leur apparente légèreté, leurs parcours éphémères ou leurs transformations quasi magiques. C’est un coup à vous couper le souffle. Ce qui serait ballot pour faire des bulles, on vous l’accorde.
Rewind, réalisé par Pauline Saglio seule cette fois-ci, nous a tout également émerveillé. Partant du constat qu’à l’aire du tout digital, le fait de lire l’heure est devenu à la fois omniprésent et souvent inconscient, Pauline Saglio a voulu renouer avec les pratiques d’avant le digital et retrouver le lien physique que l’on pouvait avoir avec l’instrument qui nous donnait l’heure.
Elle a ainsi créé des horloges digitales au design relativement minimal (cadre rectangulaire blanc, écran numérique noir) qui ne donnent l’heure que lorsqu’on les remonte.
Chacune d’entre elles est donc équipées d’un remontoir intuitif (une clé à remonter, un anneau au bout d’une ficelle à dérouler, un taquet à basculer) qu’il faut activer manuellement. Sur chaque écran, flèches et pièces de bois dessinées, bancs de poissons frétillants ou autres créatures minimalistes des fonds marins se rassemblent alors pour indiquer l’heure une fois l’horloge remontée.
Là encore, on observe chaque horloge avec les yeux écarquillés et par ce simple mouvement de remontoir, on parvient à se ré-approprier le temps en occupant pleinement l’instant présent, le regard happé par les formes lumineuses sur l’écran. Bonne idée que de présenter ces œuvres durant Maintenant !
On finit avec Light Form réalisée par le Suisse Mathieu Rivier. Là encore on retrouve le souci d’interaction avec le spectateur puisque c’est tout un chacun qui va pouvoir animer l’installation par les mouvements de ses mains.
Le spectateur est en effet invité à se rapprocher d’un pupitre surmonté d’une forme au relief à la fois doux et accidenté, fabriqué dans une matière qui permet en même temps la détection des mouvements des mains et doigts du spectateur et la projection lumineuse de video mapping.
Pour rappel, la technique du video mapping consiste à projeter très précisément de la lumière sur une structure afin de créer des illusions de mouvement (alors que la structure, en réalité, reste totalement immobile).
On a déjà vu plusieurs créations en mapping, notamment durant Maintenant / Cultures Electroni[k] (on pense notamment à Joanie Lemercier et sa performance de vidéomapping en 2009, à partir de La mort de Duguesclin, tapisserie réalisée par les Gobelins en 1904 et située dans la Grand’Chambre du Parlement de Bretagne. La tapisserie devenait le point d’ancrage d’un spectacle de projection d’images numériques en videomapping qui semblaient donner vie et animer les personnages, et tout cela par le biais de l’installation audiovisuelle) et on est toujours bluffé par les installations utilisant ce procédé.
Mais ce qui nous semble offrir un point d’ancrage différent cette fois-ci, c’est le fait que le vidéo-mapping soit programmé ici en fonction de l‘interaction avec le spectateur, et que ce soit ses mains qui orientent ou non les projections (ou les sons, puisque l’installation propose parallèlement un univers sonore propre) dans telle ou telle direction, déclenchant selon ses mouvements une séquence de lumières et de sons synchronisés. Là encore, on devrait se laisser ensorceler par l’installation.
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Maintenant présente Rewind (par Pauline Saglio), Light Form (par Mathieu Rivier) et Cave aux Bulles (par Joëlle Aeschlimann, Mathieu Rivier et Pauline Saglio) au Grand Cordel MJC (18 rue des Plantes – Rennes) du 6 octobre au 29 novembre 2014.
Vernissage jeune public – Jeudi 16 octobre à 17h. / Vernissage ouvert à tous : Jeudi 16 octobre à 19h.
Les artistes :
mathieurivier.ch
joelleaeschlimann.ch
sagl.io
Le site de Maintenant : http://www.maintenant-festival.fr/
Le site du Grand Cordel MJC : http://www.grand-cordel.com/
Le festival Maintenant aura lieu à Rennes du 14 au 19 octobre 2014.