Dans la foisonnante programmation du festival Maintenant, vient se nicher un quintet de propositions particulièrement singulières. La série Expérience consacrée «à la découverte de formes expérimentales et vitrine des avant-gardes» vous emmènera dans de délicieuses explorations de territoires sonores atypiques, parfois déconcertants, mais toujours excitants pour les oreilles et le cerveau.
Ces vendredi 17 et samedi 18 octobre, rendez-vous avec une drôle de machine pleine de poulies, d’engrenages et autres leviers de bois pour une musique en même temps artisanale et synthétique.
Pour Expérience 3, l’association Electroni[k] a choisi de mettre en avant le nouveau projet d’un duo d’artistes canadiens déjà venus au festival. Martin Messier avait en effet déjà présenté de drôles de machines avec son compère Nicolas Bernier en 2011 La Chambre des Machines (à noter, Nicolas Bernier est également venu l’an dernier avec Frequencies, une performance sonore qui mêle ensemble les fréquences acoustiques des vibrations des diapasons et d’autres totalement numériques tandis qu’en 2012, c’est Martin Messier qui présentait Sewing Machine Orchestra, autrement dit une performance audiovisuelle mêlant ensemble cliquetis de machines à coudre s’agitant devant nos yeux et crépitements lumineux). En 2014, les deux artistes québécois reprennent leur travail en commun avec la création d’une machine pleine de leviers et d’engrenages dans la droite lignée de celles qu’ils avaient inventées pour La Chambre des Machines. Sauf que cette fois, la machine n’est plus qu’une et devient monumentale. Assemblage de leviers de bois, de coulisses, de câbles tendus à tendre et détendre, cette machine a été créée avec l’aide de l’artiste Jonathan Villeneuve.
Comme pour La Chambre des Machines, les deux hommes semblent s’inspirer des Intonarumori (qu’on pourrait traduire par chanteur de bruits -ou accordeur de bruits aussi finalement, intonare signifiant tout autant commencer à chanter qu’accorder en italien-) inventés par Luigi Russolo (futuriste italien à qui l’on doit l’essentiel manifeste l’Art des Bruits -1913- dans lequel il explique entre autre que l’oreille humaine s’est progressivement adaptée à un environnement sonore urbain et industriel au cours des siècles et qu’il faut donc lui proposer de nouvelles palettes sonores en conjuguant une approche renouvelée des instruments et de la composition musicale. Il s’agit donc entre autres de créer de nouvelles compositions en s’éloignant des seuls timbres de l’orchestre, d’ « élargir et [d’]enrichir de plus en plus le domaine des sons », l’infinité des sons-bruits, quitte à fabriquer de nouveaux instruments pour y parvenir – d’où les Intonarumori-). Sauf qu’on l’a dit cette machine à générer des bruits est immense. Et que la recherche des deux artistes ne se limite pas à la reproduction (dissemblable) – fût-elle gigantesque- des instruments inventés par Russolo.
En effet, nul doute qu’entre également en ligne de compte un aspect théâtral avec cette nouvelle création. La performance sonore (dont on reparle) est doublée d’une mise en scène rendant « spectaculaire » (enfin ne vous attendez quand même pas à de la pyrotechnie !) chaque modulation bruitiste à travers cette structure avant tout tactile et physique. Il s’agit notamment de rendre visible la main de l’homme ou plutôt tout son corps, autrement dit l’interaction du corps humain avec la machine, et d’établir des connexions entre ce que nous voyons et ce que nous entendons. Une autre manière de rendre sensible l’une des thématiques à l’œuvre dans le travail commun du duo : les relations entre organique et numérique. Car si la machine produit des sons acoustiques à force de leviers, d’engrenages ou ressorts, ceux-ci sont également associés à diverses sonorités électroniques, rumeurs, bourdonnements synthétiques ou autres beats technoïdes. Il s’agit donc de voir « le corps humain comme un aspect de la création digitale » et de se réapproprier le monde physique dans un environnement de création numérique. Ce qui devrait faire de la performance des deux hommes un spectacle autant visuel que sonore.
On se souvient également que pour les deux dernières propositions de Maintenant /Cultures Electroni[k] au Théâtre du Vieux St Etienne (Bertùf et Contact in Vivo en 2012, Tristan Perich et Stephan Mathieu en 2013 – on en sourit de bonheur tant ces quatre performances furent de haute volée) le lieu, avec sa haute voûte, ses poutres de bois et ses vieilles pierres, avait encore donné davantage d’impact aux performances. On gage qu’il en sera de même avec la monumentale Machine Variation.
Juste avant, on pourra découvrir une performance de Vincent Roussel : Umlaut (le nom du tréma sur les lettres allemandes). Également batteur dans le dostoïevskien duo free jazz Raskolnikov, Vincent Roussel nous proposera pourtant une pièce sonore entre drone et électro-acoustique. Umlaut semble jouer autour du dialogue entre espace et modulations de fréquences, invitant l’auditeur à s’immerger totalement au cœur de la matière sonore. Encore une fois deux propositions étonnantes qu’on attend de découvrir avec impatience.
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Maintenant présente Expérience 3 avec Machine Variation de Martin Messier et Nicolas Bernier et Umlaut par Vincent Roussel au Théâtre du Vieux St Etienne (14 rue d’Echange – Rennes) les vendredi 17 octobre à 20h et samedi 18 octobre à 15h et 20h.
Tarif : 3 euros.
Plus d’1fos : Nicolas Bernier / Martin Messier / Vincent Roussel / Maintenant
Le festival Maintenant aura lieu à Rennes du 14 au 19 octobre 2014.