L’Opéra de Rennes était l’invité de ce deuxième Dimanche aux Champs Libres : une affluence record et de très beaux moments lyriques ont marqué cet après-midi réussi.
Non seulement l’équipement culturel rennais vous ouvre ses portes le dimanche, mais il laisse ses clés à une association ou une structure du paysage culturel rennais pour animer les lieux le premier dimanche de chaque mois. Pour ce deuxième Dimanche aux Champs Libres, carte blanche à L’Opéra de Rennes qui avait pour délicate mission de faire résonner les notes dans les moindres recoins de l’équipement culturel rennais ce dimanche 02 décembre. Une mission réussie si l’on s’en tient à l’affluence record, mais aussi à l’enthousiasme des visiteurs-spectateurs lors des nombreux concerts et pendant le karaoké géant qui ponctuait cette folle journée.
Lorsqu’on entre dans la structure en début d’après-midi, on constate immédiatement l’inhabituelle affuence dominicale. On nous remet une plaquette dès l’entrée, présentant de manière riche le programme des festivités d’un jour.
Entrée de l’Espace des Sciences, escalier de la Bibliothèque, Passerelle, Espace gallo-romain, Pôles Jeunesse et Musiques, Espace Dreyfus, les lieux sont multiples et variés : ils accueillent plus d’une quarantaine de petits concerts (¼ d’heure environ), et on constate rapidement qu’il nous faut anticiper nos choix. En effet, devant l’impressionante fréquentation, certains espaces affichent rapidement complet. Mais les propositions sont tellement nombreuses et récurrentes qu’il est relativement aisé de couvrir un large panorama des gourmandises musicales. Petit récit de notre parcours d’un jour.
La plateforme du premier niveau affichant complet (nous y reviendrons), nous nous dirigeons vers le Pôle Jeunesse pour un moment de lyrisme débridé, à l’image de Marie-Paule Bonnemason, mezzo-soprano. Une intreprétation très théatrale et décalée (Bizet, Falla) avec une truculence vocale qui fait mouche devant un public très varié, petits et grands se côtoyant joyeusement au beau milieu des albums de jeunesse. Le lieu est inhabituel, à l’image du concert : on n’attendait pas forcément L’Italienne à Alger de Rossini interpété à l’accordéon mais ce fut une réussite (mention toute particulière à Satu Niranen qui réussit à détourner son accordéon en instrument percussif).
En rejoignant le Pôle Musique, nous réussissons à percevoir quelques notes chantées par la Maîtrise de Bretagne au sein même de l’escalier de la Bibliothèque : mais il nous est impossible d’entrevoir les jeunes chanteurs car la densité de spectateurs est telle que cinq niveaux sont occupés, comme autant de balcons improvisés. Quelques étages plus haut, nous nous retrouvons tout naturellement autour du piano à queue du Pôle Musique. Des chaises ont été avantageusement installées pour nous permettre d’apprécier quelques extraits de Verdi et Rossini par Maxence Jullien au piano et Elodie Gaignard et Emilie Aubricet à la flûte traversière.
Difficile ensuite pour nous de distinguer le Quintette de cuivres du Conservatoire au sein de la foule massée devant l’entrée de l’Espace des sciences, mais l’acoustique du hall des Champs Libres nous permet d’apprécier pleinement cette réorchestration originale du Carmen de Bizet. Et le parfait respect d’une programmation minutieuse fait que nous n’avons qu’à tourner légèrement la tête pour découvrir un extrait de Guillaume Tell de Rossini par le Quatuor de tubas du Conservatoire, installé sur la Passerelle de l’ormeau.
Notre guide nous invite à découvrir la magnifique voix de la mezzo-soprano Anne Ollivier, sur des airs de Manuel de Falla. Le Pôle Jeunesse se fait plus grave devant la dramaturgie de l’interprétation, qui contraste avec le jeu de guitare hispanisant de la jeune et talentueuse Julie Mercier. La voix d’Anne couvre les murmures enfantins et nous fait immédiatement oublier le lieu dans lequel nous nous trouvons. Le moment lyrique le plus captivant de la journée.
Nous entrons à nouveau dans le Pôle Musique accompagné par l’opéra de Puccini Gianni Schicchi, interpété par la soprano Sylvie Becdelièvre, acompagnée d’Elisa Bellanger au piano. Mais le duo finit déjà son mini-concert, avec La Wally de Catalani (popularisé notamment par le film Diva) qui met en valeur l’amplitude vocale de la soprano.
Notre curiosité nous pousse à découvrir ensuite le court récital de guitare de Romaric Martin (Rossiniana de Mauro Giuliani) : en effet, on était impatient de le découvrir au sein même du Musée de Bretagne. Excellente surprise, car le talentueux guitariste se produit seul, assis devant une vitrine de vestiges gallo-romain, au coeur même du musée. Un silence remarquable nous permet d’apprécier les arpèges de cette fantaisie de Giuliani, composée à partir des airs d’opéras de Rossini. Le lieu inhabituel se révèle être un parfait écrin pour apprécier les arrangements pour guitare classique du compositeur italien. Un moment unique offert par l’original dispositif des Premiers Dimanches.
Une foule dense se presse devant l’imposant dispositif placé devant le Mur Bleu à l’entrée du Musée : un véritable instrumentarium (xylophones, marimba et timbales) derrière lequel prennent place les musiciens de l’Ensemble de percussions du Conservatoire. Pour la dernière des trois représentations jouées, nous avons le plaisir de découvrir le concerto d’Emmanuel Sejourné : l’impressionnant ballet des doubles mailloches qui se joue devant nous est étonnament harmonieux. Une première partie douce et feutrée puis une rythmique plus échevelée : lignes de basses et soli donnent une teinte jazzy à ce concerto, avec une séduisante performance solo sur marimba.
Pour finir cette folle journée, rendez-vous est pris dans le hall des Champs Libres pour un karaoké géant. Mais avant ce grand moment collectif, le chef de choeur s’installe à l’extrémité d’une plateforme qui lui permet de s’élever pour diriger le Choeur de l’Opéra. Les chanteurs, appuyés le long de la balustrade du dernier niveau entonnent différents choeurs de La Belle Hélène d’Offenbach qui résonnent le long de la paroi vitrée de la bibliothèque pour rejoindre les auditeurs attentifs. Auditeurs qui deviennent ensuite chanteurs eux-mêmes, sous la direction « élevée » du chef de choeur : le célèbre Choeur des esclaves, extrait du Nabucco de Verdi emplit l’ensemble de la structure. Les voix sont plus ou moins assurées, la timidité des uns côtoyant l’assurance des autres. Mais l’ensemble est convaincant et chacun semble y prendre beaucoup de plaisir. Un enthousiasme tel que le Chef de Choeur doit s’élever à nouveau pour offrir un rappel inattendu. Difficile de quitter les Champs Libres sans fredonner l’un des airs entendus lors de cette formidable journée…
Un grand merci à notre guide Dominique Le Bourdonnec, baryton de l’ensemble vocal La Grive Courtoise !
Photos : Solène