Pour l’apothéose de son dithyramb’hic mois de mars, l’association rennaise Alambik s’acoquine avec le festival Sonic Protest pour une soirée du 18 mars rien de moins que monumentale. Rendez-vous donc zone de Lorient aux Agités du Bocal pour avoir le bonheur de vous prendre en pleine face la furie incontrôlable des mythiques The Flying Luttenbacchers, les splendeurs alambiquées du superbe troisième album de La Terre Tremble!!! en live et les détours imprévisibles de 178°.
Depuis 2003, le festival parisien Sonic Protest explore avec passion ce qui s’est fait et ce qui se fait de plus excitant en matière de musiques barrées et sauvagement marginales. Habitué à écumer les lieux les plus incongrus de la région parisienne, le festival a, depuis 2012, pris l’excellente habitude de se faire aussi nomade. Des soirées à Marseille, Reims, Tours, Dijon, Lyon, Metz, Nantes ainsi qu’à Bruxelles, Genève, et Rotterdam ont été organisées mais notre chère Roazhon restait désespérément exempte de cette belle liste. Erreur funeste enfin réparée samedi 18 mars aux Agités du Bocal. L’esprit foutraque et bricolo de ses locaux occupés par une asso de plasticiens et des créateurs devrait parfaitement convenir à l’ambiance de la soirée.
The Flying Luttenbachers : Destroy All Music
Première excellente raison de faire le déplacement, les grands cintrés de The Flying Luttenbachers viendront y planter une des étapes de leur nouvelle et inespérée tournée française. Fondé en 1991 à Chicago, le groupe démarre dans un style punk-jazz déjà assez furieux mais va vite s’affranchir de toute limite stylistique. Au fil d’un line-up en perpétuelle mutation et d’une discographie tout aussi délirante, le groupe mené par le multi-poly-instrumentiste fou Weasel Walter déconstruit à la nitroglycérine le free jazz, la noise hardcore, le black metal, le rock progressif, la no wave… et on en passe. Sur scène, c’est peu dire que leurs concerts sont des ouragans bruitistes aussi incontrôlables qu’explosifs. Ils ont tourné en compagnie d’une impressionnante galerie de remarquables cintrés comme Arab On Radar, Lightning Bolt, U.S. Maple, Erase Errata ou encore Wolf Eyes. Ceux qui étaient aux Tontons Flingueurs en 1998, en gardent un souvenir ému et probablement des séquelles physiques irrémédiables. On pensait le groupe hors jeu depuis l’ultime album solo de Walter en 2007. Dix ans plus tard, voilà que le bonhomme remet le couvert derrière la batterie accompagné de Tim Dahl à la basse et Chris Welcome à la guitare pour une nouvelle tournée en France… et peut être plus si affinités ?
Ne loupez donc sous aucun prétexte l’occasion rêvée (et peut être unique ?) de revoir ou de découvrir une des plus frappadingues bandes de l’histoire de la musique.
La Terre Tremble !!! : Here, There and Everywhere
Seconde raison impérative de vous rendre à cette soirée : les épatants Rennais de La Terre Tremble !!! viendront défendre sur scène leur tout récent et tout excellent nouvel album Fauxbourdon. S’il y a bien une qualité commune à beaucoup de groupes que l’on suit de près dans ces colonnes, c’est celle de réussir à être à la fois totalement cohérent et perpétuellement en remise en cause du statu quo. Le trio Rennais La Terre Tremble !!! en est un parfait représentant. Depuis leur premier album en 2007, Julien Chevalier, Benoît Lauby et Paul Loiseau ne cessent en effet d’explorer la matière sonore avec une réjouissante obstination.
Nous les avions découvert en 2009 juste avant la sortie de leur second disque Travail. On avait rencontré le trio en 2010 pour un premier focus sur la scène rennaise [là]. On y avait découvert, plutôt emballé, un groupe qui s’interrogeait sur la notion d’originalité en musique, sur l’illusion de créer du neuf ou sur la nécessité parfois de passer par des cadres qui se révèlent libérateurs. Les mêmes gars qui n’hésitaient pas à poser avec saucisse, côtelette ou cuisse de poulet en guise d’instrument pour une photo de presse.
On les avait retrouvé ensuite en 2013 pour les interroger longuement sur leur excellent troisième album Salvage Blues (Murailles Music). Plus fluide, mais tout aussi accidenté que les précédents, cet album (que nous avions découvert sur scène au Jardin Moderne lors de sa sortie) faisait montre d’une éclatante réussite. On était déjà très fan de cette musique qui peut tout autant jouer sur la répétition hypnotisante que sur des virages inattendus qui, sans prévenir, catapultent les morceaux dans des directions latéralement différentes. Mais avec ce nouvel album, on a eu l’impression que la musique de La Terre Tremble !!! avait encore gagné en épaisseur. Que cette musique pourtant déjà tout en relief, avait trouvé un moyen, non pas d’estomper ses contours, mais plutôt de les souligner. Et y avait ainsi gagné en fluidité.
Voilà que les lascars reviennent avec Fauxbourdon tout juste sorti le 3 mars à nouveau chez Murailles Music. Pour notre plus grande joie, nous avons la nette impression que le groupe a, de nouveau, franchi une étape avec cette quatrième galette. D’apparence plus apaisé, le disque se révèle vite d’une richesse assez stupéfiante. Si le groupe n’a rien perdu de sa délicate étrangeté, il brasse avec une finesse remarquable les registres les plus variés sans jamais que l’on ne décroche du fil d’Ariane (tortueux) qu’il nous invite à suivre dans ce splendide labyrinthe. Et dire que l’on ne découvre qu’à peine le disque et qu’il est loin d’avoir encore révélé tous ses secrets.
Nous sommes donc littéralement bouillants d’impatience de découvrir comment le trio transpose ce jouissif foisonnement sur scène. Vues les claques à répétition qu’il nous y ont déjà collées, nous sommes totalement confiants dans le pied total que cela risque fort d’être.
178° : Point de fusion
Dans les projets encore relativement confidentiels de la scène rennaise, le formidable trio 178° mériterait encore davantage d’exposition. On a eu la chance de le croiser lors de concerts organisés par Tendresse et Passion, par les tout aussi joyeux brindezingues de l’Alambik ou encore au dernier festival Maintenant, on est donc plus que ravi de les retrouver à nouveau. Rassemblés autour de tables bardées de claviers, d’ordinateurs ou d’autres engins truffés de boutons (voire même d’une mystérieuse boite en bois hérissée de potards et de pinces crocodiles), les trois musiciens (on y a reconnu François Goujon des formidables Octet) s’avèrent capables de passer sans retenue d’une folk-pop décharnée, éthérée et cliquetante à une électro vrombissante toute 4/4 dehors, d’une pop lysergique et synthétique à des expérimentations vocales à la Animal Collective brouillé, et le tout avec une fluidité désarmante. On pourrait, à tort, prendre ce goût pour l’éclectisme comme une propension à la dispersion. Mais c’est tout le contraire avec cette belle bande, qui navigue avec le même talent vers des rivages totalement différents. 178° sait d’ailleurs tout aussi bien écrire de beaux morceaux. Que les brouiller. Avec la même réussite.
Avec 178°, on apprécie également la place laissée aux voix. Qu’elles soient passées à la moulinette d’effets multiples, vocodérisées à outrance ou juste livrées dans leurs fragilités, elles apportent une touche mélancolique très agréable, qui alliée à l’esprit frondeur des accompagnements, achèvent de rendre le tout extrêmement convaincant. Ceux qui aiment la musique plurielle, celle qui brille de mille éclats plutôt que d’un seul feu. Ceux qui préfèrent les musiques de traverse, celles qui ne s’interdisent aucun territoire (de la pop à l’aciiid, des vrombissements au minimalisme). Tous pourraient bien se laisser déporter sur ces virages à 178° degrés qui ne laissent jamais les mélodies sur le bas-côté.
En plus de toute cette étrange beauté, vous pourrez vous restaurer sur place et, histoire que votre petit corps habité par le démon de la danse n’ai pas trop le temps de se refroidir, la soirée sera de plus ambiancé par le nantais DJ MST (pour Musique Sans Transitions, ne pas confondre).
Samedi 18 mars 2017 – Agités du Bocal, 8bis rue du manoir de Servigné, Rennes – 10€
Ligne 11 arrêt « Le jardin Moderne » dernier bus 01h10
Plus d1fos sur :
le site de l’Alambik
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