Marre de l’esprit de Noël ? Marre des infos cataclysmiques ? ça tombe bien, nous aussi ! Bienvenue dans notre 6ème calendrier de l’Avent Altérophile, dont on espère qu’il sera de nouveau original et divertissant ! Tous les jours (ou presque) jusqu’au 24 décembre, une idée de truc en papier à mettre sous le sapin ou à dévorer de suite. Bon pour l’âme, bon pour nos petits libraires-ami.e.s, bon pour les bibliothécaires, bon pour nos papetiers-ami.e.s, bon pour nos neurones. Sans prétention aucune, des coups de cœur qu’on a envie de partager, pas forcément des nouveautés, pas forcément des trucs inouïs. Juste des morceaux de papier, souvent imprimés, en format origami, d’une épaisseur à glisser dans les poches ou de gros pavés pour caler le sapin, qui nous ont émus, interpellés, questionnés, emballés ou intrigués… Et qu’on a envie de vous faire (re) découvrir. Ouvrez donc les pages jour après jour…
Si vous avez jeté un coup d’œil attentif sur nos petites sélections littéraires hivernales, vous avez peut-être remarqué qu’à alter1fo, on a un penchant pas du tout coupable pour les livres monstrueux. Le terrible et merveilleux Le seigneur des porcheries, premier livre de l’américain Tristan Egolf vient ajouter une pierre à cet édifice. Après avoir été refusé par plus de soixante-dix éditeurs aux États-Unis, le manuscrit est finalement publié en 1998 en France par Gallimard après avoir été découvert par Marie Modiano, la fille de Patrick Modiano. Le livre est un succès critique mais qui ne portera pas chance à son auteur. Après avoir écrit seulement deux autres livres Jupons et Violons (2003) et Kornwolf : Le Démon de Blue Ball (2006), l’auteur met fin à ses jours en mai 2005 à l’âge de 33 ans.
Le seigneur des porcheries, sorti avec le sous-titre : Le temps venu de tuer le veau gras et d’armer les justes, est l’odyssée pathétique et flamboyante de John Kaltenbrunner, un personnage aussi hors norme qu’inoubliable. Né dans Baker, une atroce ville du Midwest rongée par l’alcoolisme, le racisme, la corruption et la bigoterie la plus brutale. Parce qu’il est trop intelligent et trop inconventionnel, le destin et les pires habitants de cette bourgade pas du tout charmante vont s’acharner sur le jeune John Kaltenbrunner avec une violence telle qu’il ne lui restera plus, arrivé à l’âge adulte, qu’une dévorante envie de vengeance. Ce flot insoutenable d’injustice et de vexation vont amener notre héros, pourtant si mesuré et raisonnable au départ, à échafauder un plan dantesque et machiavélique dont la première étape est sa nomination à la tête de l’équipe d’éboueurs de Baker.
Dans une langue délicieusement libre et irrévérencieuse et au sens du rythme ébouriffant, Egolf prend un plaisir communicatif à multiplier les situations absurdes, cruelles et burlesques dans un déferlement de péripéties totalement étourdissant. Le plus fort c’est qu’au milieu de ce chaos jouissif, on reste tout au long des 600 pages au plus près de John Kaltenbrunner, vengeur épique mais pas glorieux de tous les losers et autres exploité.e.s qu’on piétine toujours aussi allégrement. Ce livre dingue et unique, qui sait grossir le trait sans jamais sombrer dans la misanthropie facile, vous étourdira sans jamais perdre de son émotion si particulière.
N’hésitez donc plus, Le seigneur des porcheries, fait partie de ces livres rares et précieux qu’on termine en se disant « Je fais enfin partie de celles et ceux qui l’ont lu » et « Wow, quand est-ce que je vais le relire ?« .
Le seigneur des porcheries de Tristan Egolf chez Gallimard Folio
traduction de l’américain de Rémy Lambrechts
paru le 17/10/2000– 608 pages – 10,20 € – EAN 9782070414734
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