Pendant l’été 2003 au journal Libération, l’auteur Jean-Baptiste Harang fut mis en demeure d’illustrer chaque jour et par la plume une expression qu’il n’avait pas choisie, tombée par hasard dans une conversation et prise au pied de la lettre : « Passer du coq à l’âne ». On voit bien qu’il suffisait de plumer l’un pour éviter le bonnet de l’autre. Le passage du coq vers l’âne est étroit et ne connaît pas de retour.
Jean-Baptiste Harang s’est donc amusé à chatouiller de sa plume d’oiseau moqueur, tout à la fois, nos ancêtres les Gaulois, les moralistes ou les gourous ; à jouer avec les mots pour passer du coq à l’âne, via 35 cocoricos différents car tout est bon dans le coq et l’âne n’est pas si bête !
Détrompez vous, Harang n’est pas le seul à écrire sur le coq ou sur les gallinacées. Son livre Prenez un Coq vous invite à cette promenade fermière et républicaine. Pour commencer l’année 2017, l’année du coq chinois, qui vous évitera de passer pour un âne, puisque le coq passe ses jours à vilipender son voisin de basse-cour.
Citons donc, quelques romanciers cocardiers dans un désordre policé : Jean de la Fontaine, Jean-Claude Périquet, Denis Diderot, Jean Cocteau, Guy Martin, Victor Hugo, Aristote, Philippe Chatel… Sans oublier la Bible.
Question épineuse : comment appeler son coq ? Certains pensent à Hitch car Hitchcock, d’autres à pollo… plus gallinacé, Pollo car le coq vit de sa plume, comme son maître Polo et polo ça me rappelle un ami ! Plus sobrement DSCoq, est parfois retenu.
Rappelons nous Jean de la Fontaine, « Deux coqs vivaient en paix : une poule survint et voilà la guerre allumée. »
On dit « la poule ne doit pas chanter devant le coq« , « la femme ne doit pas commander le mari » et Molière de compléter par : « Chétive est la maison où le coq se tait et la poule chante ».
On trouve par contre un proverbe birban :« Si le coq hérisse ses plumes, il est aisé de le plumer ». Enfin, « Le coq beau parleur chante dès qu’il sort de l’œuf » : l’imbécile est précoce !
Le coq est donc proverbial mais pas que, le coq est une girouette, le vent lui tourne la tête.
Ainsi Jean-Baptiste Harang, allant du coq à l’âne, comme il se doit, met en scène et en position, une oie blanche très délurée dans un poème gaulois, délicieusement fantaisiste.
Jouez aux trente-cinq façons de passer du coq à l’âne ? tous les moyens sont bons et vous y passerez 35 heures en inventant d’autres parcours à votre guise, pourvu que le renard n’entrave pas votre jeu.
De l’humour, de la fantaisie et un doigt d’érudition culinaire c’est le cocktail choisi par Jean-Baptiste Harang, Maître Queue de poisson, d’autant que tail en anglais veut dire queue. La promenade est savoureuse, le coq est un coquin, est un coquet, est une girouette, affable, ardu…
Pour terminer en beauté, les anglais ont difficilement goûté à cette plaisanterie, de voir écrit 35 fois, prenez un coq, take a cock, et plus encore passer du coq à l’âne (âne se dit aussi ass en anglais ).
Dear Sir je croyais que coq se disait rooster et un âne Donkey, n’y voyez Sir aucune malice ! Passer du coq à l’âne est une expression bien française, Sorry.
Cependant la missive n’est pas dénouée de fondement, si l’on peut dire, en mauvais anglais cock est une bite (mordre).
Malchance ass est bien l’âne mais l’arse est le cul (que l’on retrouve dans to work one’s ass off soit se casser le cul), la missive de Sir Benson un coq à l’âne se traduit bien par la bite au cul ce qui est fort mal poli. Les Anglais, une fois n’est pas coutume, s’offusquent d’une expression largement diffusée et l’objet de bien des moqueries.
Citations
Il est vrai qu’aux oies blanches, la couleur du deuil
Marque moins aisément que le rimmel à l’œil.
La basse-cour contient de bien bas courtisans
Et le coq qui régnait sur cet enclos crotté
Ne tarda pas à voir le manège aguichant
De cette poule grosse et pas mal culottée,
Hautaine et lascive, le dédain goguenard…
Jean-Baptiste Harang, Prenez un Coq aux Editions Verdier. Prix Humour Noir 1993, Prix France Inter 2006 ( la Chambre de Stella)